Depuis la présidentielle de mars 2016, le Parti du Renouveau démocratique(Prd) fait une expérience exceptionnelle. Le parti arc-en-ciel se retrouve de plain-pied dans la mouvance et bénéficie même des avantages du pouvoir alors qu’il a combattu le candidat Patrice Talon lors de la présidentielle. Cette acrobatie politique inouïe n’a été possible que grâce au compromis politique entre Talon et Houngbédji au sommet de l’Etat.
C’est sans grande surprise que l’honorable Aguèmon Badirou a été élu hier président du Cos-Lépi, version 2016. Depuis la semaine dernière, les préposés de la communication gouvernementale sur les réseaux sociaux n’ont pas manqué d’annoncer le sacre prochain du député Prd. Et les faits ne les ont pas contredits. Hier donc, le docteur Aguèmon Badirou a été élu président du Cos-Lépi pour quelques mois, le temps d’actualiser la liste électorale pour l’année 2017. Il remplace un autre député de son parti, Augustin Ahouanvoébla dont le piètre passage à la tête de cette institution continue de susciter des interrogations.
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Le député de la 15è circonscription se voit ainsi propulsé à la tête d’une structure réputée budgétivore et qui est devenue au fil des ans une manne financière pour les politiques. Mais d’Augustin Ahouanvoébla à Aguèmon Badarou, le contexte politique a connu d’énormes mutations. Le Prd d’hier fort ancré dans l’opposition à Boni Yayi avait l’estime populaire et l’élection du président de son groupe parlementaire passait pour une promotion méritée. Aujourd’hui, le parti n’a plus cette estime, bien que son président soit devenu la deuxième personnalité de l’Etat béninois. Autre élément de déception, le parti a indignement sauté dans la barque Talon trois jours seulement après la proclamation des résultats du premier tour. On se rappelle des déclarations saugrenues faites par le même Augustin Ahouanvoébla et qui annonçait l’entrée volontaire du parti dans la mouvance. « On doit écouter le signal de nos militants qui demandent fortement qu’on soit avec Patrice Talon », affirmait-il sans vergogne le 22 mars 2016. Le Prd venait ainsi de faire allégeance au candidat qu’il a combattu et dont son président ne disait pas de bien.
Houngbédji fait l’âne pour avoir le foin
En habile politicien, le président Adrien Houngbédji a su trouver une bonne place pour son parti dans cette mouvance très plurielle où les différentes chapelles politiques se livrent une guerre sans merci pour les postes. Très tôt, on l’a vu ramollir ses positions de campagne pour devenir un docile président du Prd au service des intérêts du nouveau locataire de la Marina. Il a dû avoir des tête-à- tête entre les deux hommes pour favoriser cette intelligence que l’on observe aujourd’hui et qui perturbe aujourd’hui les députés qui se réclament d’être les vrais « pro-Talon ». Le jeune député Guy Mitokpè a tout récemment fustigé cette gouvernance qui fait négliger à Talon ses vrais députés. En effet, pour bien contenter Patrice Talon et bien bénéficier des prébendes gouvernementales pour les siens, Houngbédji joue à rassurer son allié ès qualité de président de l’Assemblée nationale mais aussi du Prd. Deux casquettes, deux atouts dont Patrice Talon a besoin pour avoir une gouvernance apaisée et pour conduire à bon port ses nombreuses réformes politiques. Talon aussi ne crache pas sur une telle opportunité. Avoir avec un seul homme un grand parti, dix députés de soutien et une assemblée paisible, le jeu en vaut la chandelle. Surtout quand on entend conduire des réformes sensibles comme la révision de la Constitution. C’est ce qui explique la grande ingratitude infligée aux militants pro-Talon de l’Ouémé sacrifiés au détriment des Prd. L’un de ceux-ci promu préfet du département de l’Ouéme, un autre Directeur de cabinet civil du Chef de l’Etat et puis enfin un autre président du Cos-Lépi. Le Prd qui a fui, telle la peste, l’opposition pour la mouvance ne guettait que des postes. Et Talon lui en donne. Le temps de dompter l’animal Prd pour exécuter ses réformes. Après, les deux hommes (Talon et Houngbédji) qui gardent l’un pour l’autre de rancœurs tenaces depuis 2006 pourront faire extérioriser leurs instincts de politiciens virils et vindicatifs. Qui sera le perdant ? Le temps nous le dira