Bénin : Guerre de clans autour de Patrice Talon

A peine six mois au pouvoir et Patrice Talon est confronté aux dures réalités du pouvoir. Dans l’équipe gouvernementale, les premières divergences apparaissent et la cohésion de son gouvernement reçoit ses premières lézardes.  Quatre clans aux intérêts divergents se livrent à une guerre insidieuse et précoce pour la quête du pouvoir en 2021.  

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Patrice Talon n’a-t-il pas eu tort d’annoncer très tôt qu’il ne fera qu’un seul quinquennat ? A peine a-t-il eu le temps d’installer son système au pouvoir que ce dernier connaît ses premières mésintelligences. Une fois l’euphorie de la victoire  passée, l’élu du peuple doit faire la dure expérience de la gestion du pouvoir. S’il sait, en homme politique averti qu’ il doit ménager la chèvre et le chou pour ne pas créer des frustrations dans son gouvernement et faire germer l’opposition dans son propre camp, Talon gère une situation particulière. Son pouvoir semble être frappé d’un handicap congénital. Pour avoir annoncé le 06 avril, jour de sa prestation de serment, qu’il ne fera qu’un seul mandat, il a déclenché, sans trop s’en rendre compte, une véritable guerre de succession. Ce qui devrait être un ferment de consolidation du pouvoir et de renforcement de l’alternance démocratique est devenu très vite un poison pour la cohésion et la stabilité de son gouvernement. Motivés et croyant en leurs destins présidentiels, quelques uns de ses meilleurs collaborateurs du moment ont lancé assez tôt les hostilités. Chacun y va de son tempérament et de son rythme. Cette volonté de succéder à leur chef engendre une guerre de leadership au sein du gouvernement.

Abt-Pik : la guerre dans l’ombre

Le premier front a été vite ouvert entre les deux premiers collaborateurs directs du président Talon. Il s’agit de Pascal Irénée Koupaki, ministre secrétaire à la présidence de la république et Abdoulaye Bio Tchané, ministre d’Etat chargé du plan. Requinqué par un titre ronflant de numéro deux du gouvernement, Abdoulaye Bio Tchané est aujourd’hui l’homme des grands dossiers. C’est lui que le Chef de l’Etat envoie auprès des bailleurs de fonds pour les négociations au nom du gouvernement. Ayant traîné sa bosse dans les institutions financières internationales, il connaît ces milieux comme sa poche. C’est encore lui que le président Talon a désigné pour discuter avec les partenaires sociaux pour les négociations gouvernement-centrales syndicales avant la rentrée des classes. Il décoiffe sur ce terrain Pascal Irénée Koupaki qui avait joué le même rôle lors des deux derniers quinquennats avec le président Boni Yayi. Economiste comme Tchané, plus futé que lui, Pascal Irénée Koupaki n’est pas moins un ministre clé du gouvernement. Il est en tant que ministre secrétaire à la présidence de la république presque l’assistant du Chef de l’Etat qu’il aide à préparer et suivre les dossiers du gouvernement. Il a d’ailleurs élu son quartier général à la présidence de la république où il fonctionne comme un numéro deux. Mais son image d’homme propre et intègre a pris un sérieux coup ces derniers temps-ci avec l’éclatement de certains cas de prévarication qui ont émaillé le régime  Yayi mais il reste un homme politique emblématique, très apprécié dans les milieux intellectuels du pays. Koupaki et Tchané, ce sont les produits de la même école qui ont connu presque des parcours identiques. Si rien ne les divise fondamentalement, ils ont tous deux l’ambition de succéder à Patrice Talon et ont presque le même âge qui les contraint à ne postuler que pour la présidentielle de 2021. C’est ce qui explique le fait qu’ils se surveillent, se torpillent et se tendent, pourquoi pas, des peaux de banane. Chacun travaille à liquider politiquement l’autre pour être le seul vrai challenger de 2021. Tout se passe de façon subtile, discret même si certains signaux n’échappent pas aux observateurs avertis de la classe politique.  

Djogbénou-Azannaï, un duel presque fratricide

Sur un autre palier, une autre guerre froide se livre entre deux autres ministres de Patrice Talon. Il s’agit de Joseph Djogbénou et de Candide Azannaï. Tous deux sont des vrais lieutenants de Talon et sont issus de la coalition primaire qui a soutenu Patrice Talon et lui a permis d’être au second tour. Mais entre eux la guerre est plus feutrée car, si le ministre Joseph Djogbénou cache de moins en moins ses ambitions pour 2021, Candide Azannaï n’a rien dit. Le premier travaille d’ailleurs à placer ses amis d’Alternative citoyenne (Son parti) à des postes stratégiques au sein de l’appareil d’Etat. Porte-parole du gouvernement, il est très actif dans les médias où il n’hésite pas à faire l’apologie de ce dernier dans tous les dossiers chauds du moment. Par contre, Azannaï qu’on connaissait bon tribun et plus bavard est devenu plus casanier et plus taciturne. La rumeur l’annonce déçu par les premières actions de son chef et ami Patrice Talon. Mais les proches du sérail présidentiel affirment que ce silence est stratégique et que Talon ne le sortira qu’en joker pendant qu’il sera confronté à une crise politique aiguë. Toujours est-il qu’entre Azannaï et Djogbénou, ce n’est pas la bonne camaraderie. Tous deux élus députés à Cotonou, Candide Azannaï revendique une grande expérience  et la paternité politiques de la ville de Cotonou au détriment du ministre Djogbénou. On l’a d’ailleurs suivi ses déclarations dans la période de pré-campagne quand il stigmatisait la jeunesse politique du député Djogbénou. Il ne lui pardonnera jamais de lui ravir une place de privilégié auprès de Patrice Talon et sera prêt à tout faire pour annihiler ses chances d’être le dauphin. Ses proches annoncent qu’il ne lui fera aucun cachet et livrera une bataille presque impitoyable. Son discours guerrier et son tempérament  l’y confortent. L’un dans l’autre, c’est Talon qui en paierai le prix. Son histoire de mandat unique a  ouvert les hostilités de sa succession. Trop tôt hélas

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