Suspension dans les universités du Bénin: Les voies de recours selon Me Jacques Migan

Actuellement à Paris, le bâtonnier Jacques Migan joint au téléphone par la Nouvelle Tribune, livre ici sa perception de la décision de suspension des activités des organisations estudiantines à qui il explique les possibilités qu’elles ont d’avoir gain de cause.

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Me Jacques Migan comment comprenez-vous la décision de suspension des activités d’organisation d’étudiants sur les campus du Bénin ?

La décision qui a été prise par le gouvernement est une décision administrative.  C’est une décision conservatoire.  Le gouvernement qui a pris la décision a sûrement des informations que nous, le commun des Béninois, n’avons pas.  Il ne s’agit pas de dissolution de ces associations estudiantines mais plutôt de suspension. Ça veut dire qu’il y a des informations qui ont amené le pouvoir à cela.  Donc jusque-là, il n’est pas question de voir comme j’ai entendu les gens le dire, que la décision du gouvernement est anticonstitutionnelle. Non. Le gouvernement a, dans un temps donné, cette possibilité, lorsqu’il détient des informations sur des situations qui pourraient mettre en péril l’évolution normale des choses.

Vous avez eu une rencontre récemment avec la ministre de l’enseignement supérieur à l’issue de laquelle vous aviez confié qu’on vous a montré des images, des vidéos. Qu’est-ce que vous avez vu ?

On n’a pas eu de vidéos. Elle nous a expliqué la situation qui prévaut sur le campus. Sur le campus, elle est plutôt dans une démarche d’apaisement.  C’est la démarche qu’elle mène en ce qui concerne les étudiants qui ont été suspendus de l’université d’Abomey-Calavi. Elle  intervient pour que ces étudiants puissent aller continuer leurs études dans d’autres universités au lieu d’être complètement écartés. C’est ce que nous avions obtenu d’elle.

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Vous dites que ce n’est pas une décision anticonstitutionnelle et vous soutenez que c’est une décision administrative. Mais suspendre ainsi les activités d’associations d’étudiants pendant combien de temps on ne sait, n’est-elle pas dommageable à la liberté ?

Non ! Les décisions administratives  à titre conservatoires sont limitées dans le temps.

Alors de combien de temps dispose  le  gouvernement pour lever la suspension ?

Lorsque la situation redeviendra normale. Nous sommes dans un Etat de droit, si les associations d’étudiants pensent que le gouvernement a outrepassé leurs droits, qu’elles saisissent les juridictions compétentes.  Nul ne peut se faire justice. Ayons le réflexe de saisir la juridiction compétente pour notifier que le gouvernement a outrepassé ses prérogatives. On n’est pas dans un Etat dictatorial où vous ne pouvez pas faire valoir vos droits.

De votre position, quelle chance les associations et fédérations d’étudiants ont pour une réaction prompte  en saisissant la justice?

S’ils le font, on demandera au gouvernement, quels sont les éléments dont il dispose pour aller à une telle décision. C’est là où, le débat va se faire. Les membres du gouvernement vont donner les raisons qui les ont amenés à prendre cette décision et c’est là  où ça devient intéressant. Ça va être le moment d’amener le gouvernement à justifier le bien-fondé de sa décision.

Quelle juridiction peut être saisie par les associations d’’étudiants ?

Soit la Cour constitutionnelle, soit le  chambre administrative de la Cour suprême. Ça dépendra des éléments que les associations d’étudiants voudraient exploiter pour mettre fin à cette décision. Si elles veulent que la décision soit levée, elles ont deux possibilités. La première  est de chercher à faire un recours gracieux. Demander à l’autorité qui a pris cette décision de la rapporter. C’est  la première action que les associations devraient faire et en cas de non rapport, si le gouvernement n’obtempère pas, elles peuvent aller en contentieux. Et là, c’est  la deuxième possibilité : saisir la juridiction compétente.

Puisque le gouvernement dit avoir des éléments accablants  qui lui permettent de prendre cette décision, est-ce qu’il n’aurait pas fallu avoir une rencontre avec les responsables d’associations d’étudiants pour qu’ils s’expliquent ?

Absolument ! Mais aller à suspension est une décision conservatoire. Il y a la rentrée qui est imminente, et cette décision s’inscrit dans une logique de parer au pire. Ce qui n’empêche pas la négociation.

S’il en est ainsi, inviter les étudiants à s’expliquer ne devrait pas précéder la décision de suspension ?

Les deux actions peuvent se faire concomitamment. L’un n’exclut pas l’autre.

Prendre un décret pour régir le fonctionnement des associations d’étudiants. Le gouvernement ne va-t-il pas au-delà de ses prérogatives ?

Le gouvernement a le droit, en vertu du pouvoir réglementaire qui lui est conféré,  de déterminer le cadre. Ce n’est pas lui qui organise comment les choses doivent s’y fonctionner.

N’existe-t-il pas des lois ayant régi ce cadre  et auxquelles le gouvernement devrait faire recours ?

Oui. Mais les décrets  réglementent. Le gouvernement est dans ses droits. Il n’a pas outrepassé ses prérogatives.  

Les organisations syndicales des travailleurs craignent pour elles-mêmes ?  Elles se disent que si on parvient à suspendre les associations estudiantines, il y a une menace qui plane sur leurs têtes…

Non. C’est exagéré de dire  que c’est une décision liberticide. S’il se confirme qu’au sein des organisations d’étudiants, les gens utilisent la violence pour s’exprimer, c’est normal que le gouvernement qui est le garant de la paix prenne des décisions qui s’imposent. On n’est pas syndicaliste pour battre.

Me, on estime que la Constitution en son article 25 : « L’Etat reconnaît et garantit, dans les conditions fixées par la loi, la liberté d’aller et venir, la liberté d’association, de réunion, de cortège et de manifestation ». C’est donc dans les conditions fixées par la loi et non dans les conditions fixées par le gouvernement. Est-ce que le décret du gouvernement a encore une légitimité ?

Il revient à ceux qui ne sont pas d’accord, en fonction de l’article 25 de la Constitution, de saisir la Cour pour lui dire que la décision du gouvernement est  en violation de la loi fondamentale. Mais si la liberté d’aller et venir n’est pas garantie par les associations d’étudiants, il revient à l’Etat de prendre des mesures.

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