Bénin, terre hostile aux cerveaux !

Bien qu’il dispose de ressortissants adulés à l’étranger pour leur compétence, le Bénin peine à amorcer son développement. Une situation dont l’une des véritables causes est l’étouffement des valeurs. Constat fait par le regretté artiste chanteur, Dossou Lètriki, l’un des classiques de la musique traditionnelle du sud du pays.

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Dans « Midibou » (craignez ! en langue goun), un titre chargé d’exaspération, le grand artiste de rythme Massègohoun, dénonce une réalité qui ferait dire que le Bénin est une terre hostile à l’expression de la compétence au service du développement de la nation.

Abattoir des compétences

Le refrain du morceau jadis sur toutes les lèvres dans le département de l’Ouémé est implacable et sonne comme un véritable appel à la prudence à toute personne aux compétences avérées dans un domaine donné. « Craignez ! Craignez !… Fils de l’homme, si tu veux vivre au milieu des hommes, tu dois être prudent », recommande Dossou Lètriki, chantant visiblement en connaissance de cause. Au Bénin, l’ambiance dans laquelle éclosent les compétences est minée d’hypocrisie selon l’artiste. « Ils te calomnieront, puis dès qu’ils t’aperçoivent, ils t’invitent à prendre un pot. Innocent et naïf, tu pourrais sans hésiter boire avec eux… », relate l’homme au palmarès artistique impressionnant dont la disparition laisse un vide non encore comblé pour son rythme musical. En fait, de son observation du fonctionnement de la société dans laquelle il vit, l’artiste s’est rendu compte qu’à tous les niveaux, la concurrence se fait par élimination des brillants et non par une saine émulation devant entraîner l’évolution de tous. « L’objet de querelle fatale s’avère le travail. C’est le travail qui devient le véritable mobile pour vous éliminer » souligne Dossou Lètriki et son groupe folklorique. Il ne s’agit pas d’une vaine déclaration assure l’artiste qui persiste et signe : « Moi, le grand chanteur affirme : que tu sois brillant maçon adulé de tous, que tu sois matelassier aux compétences reconnus à qui beaucoup confient des travaux pour la finesse de tes œuvres…C’est cette compétence qui s’avère le mobile pour t’éliminer ». A l’audition de ce morceau, on se rend à l’évidence qu’il y a une sorte de mesquinerie doublée de jalousie démoniaque qui se propage du bas vers le sommet. « Menuisier, mécanicien, quel que soit le métier exercé, dès que tu as du succès et de la renommée, tu deviens la bête à abattre… commerçant, grand commerçant au marché Dantokpa ayant beaucoup de clients… c’est déjà une raison suffisante pour t’abattre » fait savoir l’artiste qui fait également cas de ce qui se passe dans les administrations.

Diagnostic juste !

Il aurait été heureux de pouvoir contredire cet artiste disparu depuis environ une décennie. Mais hélas ! Il n’est pas le seul à le constater. « Cotonou, entre la mer et les cocotiers, est le Quartier Latin de l’intelligence dahoméenne. C’est de là, sans doute, que partira le plus vif éclair de l’esprit dans l’Afrique de demain… Comme la nôtre, elle a son revers : un individualisme exacerbé, qui parfois laisse redouter les pires divisions. D’homme à homme, de ville à ville, de pays à pays, ce petit pays heureux est prêt à se déchirer » a écrit en 1948, le philosophe français Emmanuel Mounier à propos du Dahomey devenu République du Bénin. Malgré la multiplication des confessions religieuses chrétiennes, il n’y a pas encore une rupture avec ces intrigues nuisible au pays. N’empêche, l’artiste Dossou Lètriki propose de s’armer spirituellement pour arriver à bout de ce qui paraît comme le poison aux compétences. Pas question de trembler. « Nous sommes intouchables. A vouloir nous atteindre vous en pâtirez ! », lance-t-il, dans une incantation chantée. A cette formule pourrait s’ajouter celle chrétienne ? « Tout arme forgée contre moi sera de nul effet »

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