Visions croisées autour de l’école

L’école s’ouvre. C’est la toute première rentrée du « Nouveau départ ». La dictée est de retour. Des maîtres, jusque-là terrés dans les catacombes de l’administration, reprennent la craie. Des directeurs défaillants sont déchargés. La gratuité s’efface du régime de la contribution scolaire. Le premier degré bénéficiera d’un important recrutement de maîtres.

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Cette batterie de mesures suffira-t-elle à sauver notre système éducatif ? Nous avons amorcé, en effet, une descente aux enfers. Les résultats catastrophiques enregistrés aux derniers examens en témoignent. Le ver est dans le fruit.

Quel est-il, d’où vient-il ce mal pernicieux qui ronge et mine l’institution scolaire ? Beaucoup soutiennent que notre société n’a que l’école qu’elle mérite. D’autres pointent du doigt l’approche par compétence, plus couramment appelé « nouveau programme ». Nous l’aurions adoptée sans les précautions d’usage. Nous l’aurions appliquée sans un minimum de discernement. Nous l’aurions conduite sans que ne soit constitué l’environnement humain, matériel, technique, technologique nécessaire à son succès. En définitive, nous n’aurions eu affaire qu’à un cautère sur une jambe de bois.

Ce tir groupé contre l’approche par compétence fait la joie des adeptes de l’ancien système, le programme par objectif.  Avec le retour de la dictée, ils crient victoire. Les parents, produits, pour la plupart, du programme par objectif, s’impatientent de reprendre la main dans l’encadrement de leurs enfants. Des étudiants, soucieux d’arrondir des fins de mois plutôt problématiques, se réjouissent de retrouver leurs manteaux de répétiteurs. L’ancien tend à prendre le pas sur le nouveau.

Le Bénin n’est pas une île isolée dans le vaste monde. Les élèves et étudiants béninois auront, tôt ou tard, à frotter leur cervelle contre la cervelle des autres. A l’heure de vérité, seront-ils en mesure de tenir la route ? Auront-ils capacité à rentrer en compétition avec les autres ? Ces questions tournent autour d’une seule exigence : tout choix d’un système d’apprentissage doit dépasser nos convenances circonstancielles et conjoncturelles. L’option d’aujourd’hui doit projeter l’engagement pour demain. Hors de là, l’impasse est inévitable.

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Cela dit, il faut reconnaître que le programme par objectif et l’approche par compétence sont des produits étrangers. Ils sont   culturellement connotés.  Ils ne sont pas neutres. Ils ne peuvent être tenus pour des remèdes universels. Les adopter sans discernement, les consommer sans distanciation critique, c’est prêter sa tête aux autres, à charge de penser, de réfléchir à notre place. Douteuse perfusion. Impossible transfusion.

En attendant que nos spécialistes nous libèrent de notre statut de consommateurs passifs, pourquoi n’essayons-nous pas autre chose ? Risquons l’approche par capacité. C’est quoi ? C’est comment ? C’est pour quoi faire ?

Le programme par objectif privilégie l’acquisition d’un savoir encyclopédique. Il forme des forts en thèmes à la culture livresque étendue. L’approche par compétence confère à l’apprenant une grande habileté dans une sphère d’action déterminée. Il ambitionne de former un expert qui sait poser de bonnes questions pour de bonnes réponses.  L’approche par capacité que nous proposons ne se situe pas au-dessus de ces deux méthodes. Elle ne les exclue pas non plus.

La capacité, c’est la puissance de faire quelque chose, la qualité d’être à même de mener quelque chose à bon port. Pas de livre pour enseigner la capacité. Nos expériences de vie, intelligemment mises à profit, sont nos meilleurs supports didactiques. Pas de diplôme pour sanctionner des niveaux de capacités. L’apprenant apprécie ce qu’il fait et s’apprécie lui-même à la lumière de son expérience de vie. Capacité à cultiver, en tout temps et en tout lieu une attitude mentale positive. Capacité à être présent à soi. Capacité à contrôler son esprit, à revendiquer son autonomie de penser. Capacité à s’approprier, pour mieux l’affirmer, son identité, sa personnalité. Capacité à s’assumer complètement et totalement, dans l’esprit d’une responsabilité accomplie. Capacité à croire en soi, à croire aux autres, à servir les autres…La liste n’est pas limitative. Voilà une esquisse de contenu dont nous investissons l’approche par capacité. Que les audacieux qui y croient se mobilisent. Qu’ils la défendent. Qu’ils l’illustrent. Que les responsables qui en appréhendent le bien fondé, l’inscrivent dans les programmes de nos écoles. Pour que la pensée positive, car c’est de cela qu’il s’agit, ait droit de cité à l’école, prenne sa juste place dans le système éducatif du Bénin

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