L’esclavage des Béninoises en Arabie

Elles sont nombreuses à tenter l’aventure. Par agences de recrutement, rabatteurs ou autres structures interposées, elles atterrissent dans ces monarchies du Golfe, le coeur chevillé par la même promesse: celle de travailler dans les familles aisées et de gagner des pétrodollars.

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D’ailleurs, on leur a miroité qu’au bout de deux, voire trois ans, elles peuvent amasser  fortune et revenir au pays afin de se reconstruire, donner sens à leurs vies.

Mais dans ces monarchies, que ce soit au Koweït, au Qatar, au Bahreïn ou en Arabie Saoudite, l’image de l’Africain est restée associée à l’esclavage, bête de somme, corvéable et manipulable à souhait, bien des siècles après la traite transsaharienne dont le Noir a été l’objet. Alors, quand les  Africaines débarquent, la machine à esclavagiser se met en place. L’agence recruteur les récupère à l’aéroport, confisque leurs papiers  — sous prétexte de les mettre à l’abri — et les installe dans un pied à terre, le temps qu’elles se reposent. Le lendemain, on les affuble d’une tenue qui les couvre jusqu’aux pieds avec le voile de rigueur, puis on les conduit dans une boutique en ville où elles sont exposées au public.

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Et les gens défilent. Couples. Célibataires. Énième épouses d’hommes riches. Ou veuves esseulées. On les soupèse, on les examine, on les ausculte du regard. Chaque femme a son prix. Le négociant, lui, un agent de la structure du recrutement, monte les enchères avec l’acheteur. Au bout du marchandage, la femme, que dis-je, le « matériel humain » est adjugé.

Virginie H. est une béninoise qui s’est risquée à l’aventure. Exposée comme ses consœurs sénégalaises, maliennes, ivoiriennes dans la boutique, elle vient d’être achetée par une Qatarite. Combien a-t-elle coûté à sa propriétaire ? Elle ne le saura jamais. Sitôt qu’on l’a embarquée, on lui explique ce qu’on attend d’elle. Se dévouer corps et bien à sa maîtresse, s’appliquer à rendre propre sa maison. Une maison? Un petit château de huit chambres auquel elle doit se consacrer, en plus de se coltiner les résidents, une dizaine de personnes, enfants, jeunes, adultes qui mangent, boivent et salissent tout. Vingt-deux heures sur vingt-quatre, elle lave, essuie, prépare, balaie, asticote. Aucun repos. Parfois, elle se surprend à dormir debout. Et quand sa patronne le remarque, c’est une pluie de logans qui tombe sur elle: thermos, casserole, livre, plat, tout ce qui est à portée de sa main. Et si à deux heures du matin, on daigne enfin la laisser, c’est à même le sol, dans un réduit d’à peine quatre mètres carrés  qu’elle dort. C’est le moment que certains hommes de la maison trouvent pour se glisser dans la pièce, enlever leurs djellabas pour la dévêtir. Mais, elle ne se  laisse pas faire. Alors, on la bat, on lui crache dessus, on l’insulte, on menace de la priver de tout. Surtout de nourriture. Déjà qu’on lui sert à manger dans la main avec des restes de la veille, la priver de repas devient un plaisir.

Dans ce contexte, Virginie a compris que les 300 dollars qu’on lui a promis à la fin de chaque mois n’est que leurre. Elle demande à s’entretenir avec sa patronne, celle-ci l’envoie promener. Elle appelle l’agence, on lui promet que tout est sous contrôle. Sa maitresse, pressentant sa fuite, la séquestre, l’enferme à double tour dans un WC désaffecté. Virginie n’a plus de larmes dans ses yeux. Elle a tellement pleuré qu’elle a l’impression que tout s’est évaporé de son corps. Une nuit, elle accepte qu’un des hommes de la maison la touche. En retour, elle lui demande de la laisser aller prendre une douche dans l’arrière-cour. Son salut. Elle en a profité pour prendre le large.

Aujourd’hui de retour à Cotonou, Virginie a de la peine à croire qu’elle s’en est sortie. Revenue sans argent, les yeux vides, la tête encore pleine des images de ce cauchemar, elle pense aux autres jeunes femmes de son âge, restées là-bas, réduites en esclaves et incapables de se défendre. Elles n’auront pas les mêmes chances qu’elle. Il y en a même qui en sont déjà mortes

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