Non publication des résultats des audits : L’option suspicieuse du gouvernement Talon

Privilégier le transfert à la justice au détriment de la publication dans les médias, telle est l’option prise par le gouvernement au sujet des audits commandités auprès des sociétés, offices et administration publics. Si la démarche paraît bonne, elle cache des intentions et ne dédouane guère le gouvernement au regard de ses positions du passé.

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Acculé ces derniers jours sur la non publication des audits, le gouvernement a fini par dévoiler sa position sur la question. Lors d’une dernière déclaration à la presse, le garde des sceaux Joseph Djogbénou a affirmé que le gouvernement entend transférer les audits à la justice pour d’éventuelles poursuites des mis en cause mais n’opte pas pour la publication dans les médias. « La lutte contre la corruption suppose que les résultats des enquêtes administratives soient transmis au juge. A partir du moment où c’est transmis au juge, le gouvernement empièterait sur les prérogatives judiciaires s’il publie les résultats », a affirmé Joseph Djogbénou au cours d’une conférence de presse donnée mardi 08 novembre. Il est donc clair que le gouvernement privilégie plus le transfert des rapports d’audit à la justice qu’une publication dans les médias. Cette option répond à une logique administrative qui veut que le rapport d’une enquête administrative soit d’abord adressé à celui qui a demandé cette enquête. Dans le cas d’espèce, les rapports de ces différents audits doivent être adressés au Chef de l’Etat qui les a commandités dans l’intention de faire l’état des lieux de la gouvernance à sa prise de service. Seulement voilà, ce raisonnement tombe lorsqu’on jette un regard rétrospectif sur les actions du gouvernement depuis le 06 avril. En effet, on se rappelle bien que lors du conseil des ministres du 27 juillet, le gouvernement, par la voix de son « griot officiel », a révélé les graves malversations commises à la Société d’exploitation du guichet unique(Ségub). Après quelques jours de tapage médiatique autour de ce dossier, le gouvernement a  dégagé simplement la société incriminée dans le rapport sans même attendre qu’une décision de justice ne vienne confirmer les allégations du rapport. Ainsi dans un dossier, le gouvernement a réglé le problème sans attendre la justice et dans d’autres, il suggère le recours à la justice. Cette lutte contre la corruption à géométrie variable ravive les suspicions et laisse  croire que le gouvernement veut utiliser les rapports d’audit à des fins de règlement de compte. Il aura ainsi la latitude d’envoyer les dossiers qu’il veut à la justice et de mettre le coude sur d’autres. Qui est fou ?

La transparence, un indice de bonne gouvernance

Sur un autre plan, la publication des audits a l’avantage de montrer la bonne foi du gouvernement à lutter réellement contre la corruption. Elle répond au double besoin de reddition de compte à laquelle doit se soumettre tous  les gouvernants et au droit du public à l’information. Elle permet ainsi  aux citoyens d’avoir des informations sur  la manière dont les fonds publics sont gérés par le gouvernement. La publication des rapports d’audit va susciter l’émoi populaire, comme cela a été le cas dans le fameux dossier dit du ppa2 et entretenir une pression populaire par médias interposés sur le gouvernement et la justice. Et cette pression est parfois nécessaire, lorsqu’on sait que plusieurs dossiers de prévarication sont garés dans les tribunaux sans jamais avoir fait l’ objet de la moindre attention ou d’un début d’enquête. Ne pas publier les résultats des audits commandités en plus avec des ressources publiques ouvre forcément la voie à une gouvernance de cachotteries où tout est dissimulé, où tout est fait en cachette dans l’intention de tricher, de tripatouiller et de  se dérober au droit du public à l’information. C’est l’exemple parfait des régimes qui ont tourné dos à la transparence. Le régime Talon serait-il dans cette dynamique ? Si la réponse ne peut être affirmative, on a malheureusement du mal à croire que tout est fait dans la transparence, sans aucune arrière pensée de cacher des choses. Pendant les premiers mois du régime, plusieurs  décaissements ont été faits dans l’opacité totale pour relancer les activités de la filière coton et pour rembourser des sociétés qu’aurait brimées l’ancien régime. Là aussi, on n’a pas eu besoin de faire recours aux audits pour décider, pour trancher.  De même qu’on a dû faire fi des audits antérieurs qui épinglent des faucons du régime actuel et qui ont reçu carte blanche pour continuer leurs affaires et prendre de « juteux marchés » à la présidence de la république et plusieurs sociétés et offices d’Etat. Le bilan des actions du gouvernement Talon après sept mois de pouvoir ne plaide en rien pour une gouvernance transparente axée sur la ferme volonté de punir les prévaricateurs d’hier, d’aujourd’hui et de demain. C’est peu de dire que le gouvernement n’a fait aucune avancée. Sur ce chantier, on a semblé opter pour la démission sous le couvert  du prétexte de la présomption d’innocence

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