Accidents : Quand des véhicules sans assurance tuent au Bénin

Avec une circulation de plus en plus dense dans Cotonou, Porto-Novo, Abomey-Calavi et ses autres grandes villes, le Bénin affiche un inquiétant niveau d’insécurité routière avec de nombreux véhicules sans assurance faisant un nombre important de victimes dans les accidents.

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Attention à se faire faucher à Cotonou. Près de 4 véhicules sur 10 impliqués dans les accidents au Bénin ne sont pas assurés. C’est ce que révèle une enquête auprès  du Centre national de sécurité routière (Cnsr), organe sous tutelle du Ministère béninois des Travaux  Publics et des Transports.   Les chiffres de l’année 2016 en cours n’étant pas encore prêts, les données  obtenues auprès du service  des statistiques du Cnsr font état  de «  44.589 véhicules impliqués dans 23.430 accidents au Bénin de 2012 à 2015 ».  Parmi les véhicules accidentés « 17.621 ne sont pas assurés ». Soit 39 ,51%  de véhicules non  assurés impliqués dans les accidents sur cette période. Le bilan de ces accidents mortels  affiche  « 2656 personnes tuées, 9217 blessés graves et 11.667 blessés légers.  Avec autant de véhicules non assurés impliqués dans les accidents, les victimes sont livrées à elles mêmes. «C’est triste ce qui se passe dans ce pays.  Il y a six mois, j’ai été fauché par un véhicule sans à jour. Mes parents ont dépensé plus de 300.000 F Cfa en soins et le propriétaire  du véhicule n’avait contribué qu’à hauteur de 50.000 F Cfa » raconte Léon Affodégonkou, 26 ans muni  d’une béquille.   Amateur de football désormais impuissant face au cuir rond, il pense qu’il est temps de contraindre tout le monde y compris les motos à souscrire à une assurance préventive. En ce qui concerne ces engins à deux roues ou les tricycles, dont parle Léon, ils ne s’intéressent guère aux  compagnies d’assurances.  Il s’agit d’un malaise généralisé comme  l’observe Guela Koffi Pascal, Responsable de l’Union des transports de  Bouaké (Utb), compagnie de transports ivoirienne qui relie Abidjan  à Cotonou via Lomé et Accra : « Ce que j’ai constaté au Bénin, c’est que les gens se foutent pas mal des assurances. Du coup dans les accrochages avec les kèkènon ou zémidjan comme on les appelle  –conducteur de taxi moto-, il n’y a pas d’assurance, il n’y a rien. Et le malade n’ayant pas de moyens, arrivé à l’hôpital, il peut  crever. Or s’il y avait une assurance qui peut s’en charger, tu peux faire des prêts pour te soigner et après poursuivre ton assurance qui te rembourser et tu rembourses les prêts après ». Ce que dit l’expatrié est perceptible dans la conception que des transporteurs ont de l’assurance.  Les assurances, c’est comme si nous chauffeurs, jetons de l’argent par les fenêtres… Quand tu fais un accident, ils te disent de faire les premiers soins. Après les dépenses à l’hôpital, quand tu n’as pas la chance, tu te retrouves encore en prisons» lance un chauffeur de taxi  reliant les villes de Bohicon et Cotonou.

L’assurance, bouée de sauvetage

Face aux drames de la circulation dans les transports terrestres à Cotonou, des transporteurs reconnaissent que l’assurance apparaît comme une bouée de sauvetage. « Personnellement, je trouve que être dans  un véhicule assuré, non seulement c’est confortable, mais aussi comme on le dit dans  notre jargon  » ton derrière est soudé » » assure Youssef, Burkinabè transporteur de camion-citerne rencontré à l’entrée du Port autonome de Cotonou où  on trouve toutes sortes de  véhicules poids lourds.  Avis que partage Sergio Allawénon, transporteur  béninois qui fait savoir : « Nous ne pouvons pas nous passer de l’assurance. C’est avec l’assurance que nous avons la quiétude dans le travail ».  Il ajoute : « Quand par malheur tu tues quelqu’un dans un accident, tu ne peux pas y faire face sans une assurance.  Il faut que les assurances veillent sur nous à tout instant pour nous éviter la prison sans visa parce qu’aucun chauffeur ne peut volontairement décider de cogner quelqu’un ». Témoigne aussi le Burkinabè, « Ce qui est louable, j’ai déjà vu une assurance rembourser tout le matériel. Tout bon transporteur doit souscrire auprès d’une assurance qui remplit les normes et fait ce qu’il faut, quand il le faut et comme il le faut ».  L’ivoirien Koffi Pascal de l’agence Utb à Cotonou apporte lui aussi un témoignage pertinent : « Dans le travail que nous faisons il y a beaucoup de risques comme des accrochages, des accidents. On ne souhaite pas ça mais souvent ça arrive et quand ça arrive, nous faisons nos réparations et on poursuit notre assurance qui nous rembourse en intégralité. Même si c’est un bus qui a été entièrement bousillé, l’assurance nous  le rembourse. On a beaucoup de cas de remboursement. Parmi les petits véhicules de services, on a eu trois qui ont été remboursés en 2015. Et dans le lot des bus, ils nous ont remboursé déjà 4 bus ». Tout n’est pas pour autant rose avec les assureurs. Il leur est reproché une nonchalance dans la réaction. « Les démarches à faire sont longues » déplore le transporteur béninois Sergio qui apprend : « J’ai un frère transporteur comme moi, qui a eu un accident sur la route de Porto-Novo et sa voiture est presque irrécupérable. Depuis environ trois mois, il est cloîtré à la maison alors que sa voiture 9 places est assurée. On lui a dit que l’assureur va le rembourser mais depuis,  il n’a rien ». Autre reproche, c’est l’absence de communication entre les assureurs dans la sous-région. « Ce qui est déplorable ici, c’est qu’en Afrique, l’assurance n’est pas internationale… On voit des véhicules ayant fait des accidents à qui on demande  des authentifications. Le véhicule est gardé à la police et on fait faire des tours Burkina-Cotonou-Burkina au conducteur » regrette Youssef demandant  « A quoi sert alors la haute technologie ? ». Il estime  qu’avec les nouvelles technologies de l’information et de la communication, « on devrait pouvoir en quelques clics entrer en contact avec l’assureur pour  éviter les tracasseries aux transporteurs ». Il appelle aussi à une prompte réaction aux côtés des assurés. En dépit du gage qu’offre l’assurance en cas d’accident, le conducteur fort de ses dix-sept d’expérience dans le métier, recommande la prudence au volant : « L’assurance n’est pas source de savoir-faire. Prudence ! Prudence ! et patience. Juste un coup de frein, ne pas être pressé, peut sauver des vies et éviter beaucoup de dommages collatéraux ».

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