Adébayor sur la CAN 2017 : «se faire éliminer en quart de finale, ça ne m’intéresse pas»

En marge du tournoi de l’intégration de l’Uemoa qui a eu lieu à Lomé du 26 novembre au 3 décembre 2016, Emmanuel Séyi Adébayor a reçu le gratin de la presse sportive béninoise.

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Cette fin de matinée du jeudi 1er décembre 2016, après une séance d’entrainement avec les jeunes du quartier Tosti de Lomé sur un terrain de terre rouge et une douche, la star togolaise nous a accordé une demi-heure d’échanges. La condition sine qua non pour avoir accès à son domicile et d’avoir cet entretien était de ne pas aborder la vie privée de l’ancien joueur du Real Madrid, d’Arsenal, de Monaco … Donc, l’entretien n’a pas abordé les questions liées à la vie privée du capitaine des Eperviers du Togo. Pêle mêle, le jeu de questions-réponses a touché un large spectre de sujets : la qualification du Togo à la Can Gabon 2017, la préparation du Togo, la suite de la carrière du joueur, de ce qu’il a à apporter aux jeunes, de sa fondation et de son projet d’implantation d’un centre de formation de football au Togo.

Le Togo s’est qualifié in-extrémis à la  Coupe d’Afrique des nations. Comment vous avez vécu cette qualification à domicile?

C’était difficile, c’était compliqué! Après notre match contre la Tunisie à Lomé, on s’est retrouvé troisième. On savait très bien que ça allait être difficile. On était dos au mur.  On n’a pas lâché. On se dit entre joueurs qu’on est obligé de faire cette Can. Maintenant, c’est à nous de mettre toute la chance de notre côté pour pouvoir y passer. C’est vrai qu’on a joué un match au Libéria où les Libériens ont joué en première mi-temps et nous, on a eu la chance de jouer en deuxième mi-temps. On était mené au score (2-0) et en deuxième mi-temps on a égalisé. C’est là où j’ai rassemblé tout le monde et je leur ai dit qu’on n’a plus droit à l’erreur. Cette Can, on doit y aller et qu’on peut y aller. Ça va être beau et magnifique. En sachant très bien que notre dernier match serait contre Djibouti à Lomé. Donc, on était plus au moins motivé, surmotivé parce qu’on savait que si on gagnait au-delà de peut-être trois ou quatre buts de différence, on aura la chance de finir 2e de notre groupe. D’autant plus que, nos frères béninois avaient un match très délicat et important face au Mali et nous, on savait que ça allait être un match très difficile pour eux. Peut-être qu’ils allaient gagner mais un match très difficile. Et c’est à nous de mettre le paquet de notre côté pour pouvoir être l’un des meilleurs deuxièmes de tous les groupes. Et c’est ce qu’on a fait. On a joué à fond et on a gagné. A la fin, il y a eu la qualification. C’était extraordinaire, le pays, tout le monde était content parce qu’on revenait de très loin.  Et j’ai dit à mes frères, le fait de ne pas faire la Can de 2015, par rapport à ce qu’on a fait en 2013 où on s’est fait éliminer à la dernière seconde contre le Burkina (1-0), de ne pas y participé à la Can d’après 2015 et de passer à côté à la Can 2017, ça peut être catastrophique pour mon pays, pour notre pays. Donc, on était obligé de se qualifier. On a très bien fait. Malheureusement pour les frères Béninois et heureusement pour les Togolais.

Le coup d’envoi de cette Can Gabonaise sera donné le 14 janvier 2017. Comment le Togo compte-t-il aborder sa préparation?

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Tous les joueurs sont dans leurs clubs respectifs et sont en train de se préparer. On s’envoie de temps en temps des messages via whatsapp. Il y a un groupe pour la sélection où on parle un peu, on échange les idées pour pouvoir aborder la Can dans la sérénité. Le reste, c’est dans la main du coach. On a un entraineur, il n’a pas de cadeau avec lui. On travaille dur tous les jours. On se prépare en conséquence pour pouvoir livrer de bons matches. En ce moment, il y a la confiance entre nous et notre staff (notamment entraineur, entraineur adjoint, les médecins, les kynés et autres). On commence aussi à retrouver un lien entre nous et notre Fédération. Et ça a causé beaucoup de tort à notre football. Aujourd’hui, je crois qu’on est surle droit chemin. On va de l’avant, on s’entend très bien. Entre nous, il y a une très bonne ambiance entre nous les joueurs et les dirigeants. Maintenant, il faudrait que ça continue jusqu’à la Can. D’autant plus que, il y a trois à quatre joueurs que je ne veux pas citer des noms dont moi, notre carrière est plus ou moins derrière nous que devant nous. C’est une Can où on veut aller marquer. Par rapport à ce que j’ai fait durant ces dix dernières années, en Afrique et sur le plan mondial, j’aimerais bien marquer une Can où les gens parleront de moi en disant qu’il y a eu la Can 2017 au Gabon et qu’il a été bon. Donc, je me prépare en conséquence pour. Je sais ce que ça demande. Ça demande beaucoup de sacrifices. Il faut travailler dur. Il faut dormir tôt. Il faut faire les soins. Il faut être rigoureux. Il faut être sévère avec son corps et je pense que c’est ce que je suis en train de faire en ce moment. Je vais dans la bonne direction pour pouvoir amener le groupe à la Can et espérer quelque chose. C’est vrai que, quand on regarde les pays qualifiés, on fait partie des tout petits. Il ne faut pas se voiler la face. Quand je vois l’équipe d’Algérie, du Sénégal, du Ghana, de la Côte-d’Ivoire, c’est vrai que sur papier, on n’est pas les meilleurs. Mais, il y aura peut-être 11, 18 ou 23 chiens enragés à la Can et ce sera les Togolais.

Pour Adébayor, cette Can est-elle un challenge?

C’est un challenge pour moi d’autant plus que j’ai eu à faire trois ou quatre Can avec mon pays et c’est peut-être la cinquième. Je suis jeune. Donc, c’est un bon challenge. C’est challenge où je veux marquer mon temps, où je veux que les Togolais se rappellent de moi. Un challenge où je veux que les Togolais disent qu’il a changé le « ton » de notre football. Je veux aller pour, peut-être ramener la Coupe. Et ça, je sais très bien que ce n’est pas évident. Ça ne serait pas du tout facile. Mais en tant que capitaine, en tant que joueur, on a le droit de rêver.

Les Togolais rêvent de passer le premier tour de la Can. Est-ce que l’équipe  en a les moyens?

Bon écoutez! On a rêvé, il y a de cela longtemps de passer le premier tour à la Can et je pense que c’est quelque chose qu’on a fait en 2013. Le pays était content. Maintenant, c’est vrai qu’en décembre 2012, quand j’étais en vacances à Lomé, et quand j’entendais les Togolais parler, c’est de passer le premier tour. Aujourd’hui, il y a un changement. Parce qu’on a passé le premier tour en 2013 en Afrique du Sud et quand j’entends les Togolais parler, c’est «Seyi, c’est allez ramener la coupe ». Franchement, moi j’adore. Je suis un joueur très ambitieux. J’adore tout ce qui est ambition. Si c’est pour aller à la Can et se faire éliminer en quart de finale, ça ne m’intéresse pas. J’ai dit aux gars qu’on peut y aller, qu’on peut y penser et on peut se motiver en disant qu’on veut gagner la Coupe. L’année où la Zambie a gagné la Can, elle n’avait pas une équipe pour gagner la Can. L’année où le Nigéria a gagné la Can, Nigéria, à par Victor Moses qui est en ce moment l’un des meilleurs joueurs africains et Michael Obi. Le Nigéria  n’avait pas l’équipe pour gagner la Can mais il l’a fait. Et pourquoi pas les Togolais. Donc, ça veut dire que, si on se motive, si on croit à notre destin, on peut le faire. Ce qui me motive encore plus, je vois que tous les joueurs veulent rentrer dans l’histoire de leur pays. On le sait, c’est quelque part coincé dans notre petite tête en sachant que, si on gagne la Can, les Togolais savent, on nous aime ou on nous déteste, on rentre dans l’histoire. C’est une obligation. Et personne ne peut l’effacer. Donc, je pense que c’est dans ce but qu’on va à la Can pour rentrer dans l’histoire, pour pouvoir toucher l’histoire de notre pays.

Vous avez eu un dernier mois un peu compliqué dans le mercato, en ce qui concerne votre destination. Vous avez décidé de tout miser sur la Can. Mais après la Can, que deviendra Emmanuel Seyi Adébayor ?

Emmanuel Seyi Adébayor, je suis un jeune homme qui est toujours fier de moi-même, toujours content de ce que j’ai pu réaliser pendant ma carrière. Vous savez, c’est une question à laquelle je réponds plus ou moins. Parce que, il y a de cela 15 ans, je me promenais à la frontière entre le Togo et le Ghana, je n’avais pas de chaussure de football. Aujourd’hui, je me retrouve à être connu sur le plan mondial, il n’y a rien de mieux que ça. Pour moi, c’est une Can. Je suis à la maison et je n’ai pas de club puis tout le Togo me fait confiance.

Franchement, il n’y a rien de plus beau que ça. Et le Togolais te dit, si tu ne vas pas à la Can, on risque de te frapper. Donc, ça veut dire que je suis obligé d’aller à la Can. Et je suis obligé d’être le capitaine de la sélection. Et pour moi, on verra la suite. Pour l’instant, je me concentre sur la Can où je pense qu’il y a un coup à jouer pour l’équipe nationale du Togo. On va aller avec beaucoup de sérénité. On va être à fond dans notre rendez-vous. On va donner le meilleur de nous-mêmes et on verra ce que ça va donner. Et après, Seyi Adébayor restera toujours Seyi Adébayor, avec club ou sans club, il y aura toujours le sourire sur mon visage. Et c’est ça la clé de la réussite pour moi.

Le Bénin rêve aussi, un jour, de rentrer dans l’histoire. Vous connaissez un peu le football béninois. Quel regard vous avez sur ce football?

Le Bénin, c’est un pays frontalier comme le Togo et le Ghana. J’ai beaucoup d’amis comme Marcel (Noumon) qui est venu ici. J’ai eu la chance de le côtoyer et de discuter un peu avec lui. Sessegnon qui est un ami à moi, un frère à moi. Après ça, je ne connais pas trop l’équipe du Bénin mais je sais que j’ai eu le ministre béninois de la jeunesse et des Sports au téléphone. On a parlé et je vais essayer de voir dans quelle mesure je peux toutefois venir au Bénin pour rassembler les jeunes, les motiver et les encourager. A la fin de la journée, on peut leur apporter quelque chose. Ce qu’on peut leur donner aujourd’hui, c’est notre vécu à nous. En leur disant, en faisant ça, tu peux retrouver ceci. En donnant ça, tu peux payer ça. C’est tout ce qu’on a aujourd’hui. Un vécu, notre expérience. Tout ce qu’on peut leur dire, est que, quand tu vas en stage dans un club, c’est comme cela que l’entraineur veut que tu travailles. D’autant plus que, j’ai eu la chance de jouer et j’ai connu les meilleurs entraineurs de mon époque. J’ai joué pratiquement avec tout le monde, à part Ferguson bien sûr. J’ai joué avec José Mourinho, Arsène Wenger, Didier Deschamps, Stéphane Keshi, Claude Leroy. Donc, il y a eu un peu d’expérience. Donc, je peux toutefois donner de petits conseils à mes jeunes frères en leur disant quel pas il faut prendre à tel moment. C’est vrai qu’on ne peut que prier pour le football béninois. Si le Bénin gagne, je vois les amis Togolais qui se joindre à eux et je suis sûr que, si Adébayor marque à la Can,  ce ne serait pas que les Togolais qui vont fêter. D’autant plus que le Bénin n’est pas qualifié, et vous êtes entre le Togo et le Nigéria. Et le Nigéria n’est pas aussi qualifié mais nous, on est qualifié. Donc, tous les Béninois auront leurs yeux sur les Eperviers et ils vont nous accompagner. Et ça, je le sais d’autant plus que, j’ai beaucoup d’amis là-bas. Je sais qu’ils vont nous accompagner dans leur prière de tous les jours parce que, si c’est nous qui gagnons la coupe, ce sera facile pour un Béninois de venir à Lomé pour fêter avec nous que d’ailleurs.

On entend que Shéyi Adébayor veut avoir une fondation et un centre de formation de football en son nom. Est-ce une vérité?

A l’heure actuelle, oui! Et pour confirmer, j’ai ma fondation «Seyi Adébayor Fundation» qui marche très bien d’ailleurs. Mais ces temps-ci, comme je me suis focalisé plus ou moins pour pouvoir mieux préparer la Can, j’ai pris une petite pause. J’ai ma fondation et je suis en train de parler avec les autorités de ce pays pour pouvoir construire un centre de formation. Je pense que c’est très important pour les jeunes. On ne veut pas que notre nom soit oublié après notre carrière. Il faut qu’on puisse dire voilà un Togolais qui était très fort, qui jouait à Madrid, à Barcelone, à l’Inter de Milan. On veut faire comme lui. Maintenant, pour pouvoir avoir des joueurs comme nous, il faudra les préparer le plus tôt possible. Et aujourd’hui, ça fait partie de mon métier de préparer les jeunes de demain.

Si on vous demandait une adresse à l’endroit des jeunes qui ont envie d’une carrière de footballeur, que diriez-vous?

Le plus important, c’est de travailler dur. C’est vrai quand on est jeune, on ramène tout à demain, je quitte 18 ans, pour 19 ans. C’est l’erreur que moi-même j’ai plus ou moins commise dans ma carrière. Mais tout ce que je peux leur dire est d’écouter leurs parents, d’aller à l’école. C’est très important. Ce n’est pas vous, et vous ne serez pas à leur place pour lire leur contrat. Vous ne serez pas là pour faire les interviews pour eux. Donc, c’est très important d’aller à l’école. Parce que, vous savez, de temps à autre, on arrive à lire des choses qui se passent dans les pays occidentaux. On attend par exemple qu’un joueur est parti en stage et on lui a donné un papier à signer, il n’a pas lu et il a signé et c’était la fin de sa carrière. Donc, c’est vraiment dommage. Moi, je vais les encourager en leur disant, il y a le football, il y a le plaisir. Aucun joueur ne peut travailler ou jouer pendant 24 heures, pendant une journée. Ce n’est pas possible. On s’entraine une heure, deux heures, maximum trois heures. Et ça, c’est quand tu veux vraiment abuser de ton corps. Outre cela, c’est très important d’aller à la maison, d’acheter les romans, de lire, de payer un professeur pour pouvoir apprendre quelque chose. Franchement, c’est le top pour demain. Et là, tu vas pouvoir lire ton contrat et le signer sans soucis.

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