Bénin : Talon prêche pour la soumission de l’Assemblée nationale

Elle est passée, toute en ironie, vite classée dans la catégorie des blagues politiques mais la petite phrase du président Talon lors du lancement du Programme d’action du gouvernement (Pag) a de quoi faire réfléchir.

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En demandant aux députés de « voter les lois les yeux fermés », le Chef de l’Etat prêche ouvertement pour une nouvelle ère dans les relations gouvernement-parlement. Celle de la  complicité entre l’institution de contre- pouvoir qu’est le parlement et l’Exécutif.

Il y a quelques jours, on saluait le vote à l’unanimité par l’Assemblée nationale de la loi des finances 2017. Le gouvernement Talon avait réussi l’exploit inouï de faire voter son premier budget par l’ensemble des 83 députés (lire ici). Dans l’histoire politique de notre pays et de l’institution, ce cas est le premier et le gouvernement devrait en être fier. En premier son chef.

Non seulement il l’est mais il veut que l’Assemblée nationale reste dans son tempo, dans la cadence de son tambour en votant pour ses beaux yeux. En effet, emporté par la réussite de son show médiatique sur le lancement du Pag,

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Patrice Talon affirme : « L’Assemblée nationale nous accompagne depuis huit mois comme si nous sommes des partenaires. La toute dernière preuve, c’est le vote du budget à l’unanimité(…).Je suis votre poulain. Je voudrais compter sur l’accompagnement du parlement pour l’exécution du Pag ».Mais il ira un peu plus loin. « Votez les lois les yeux fermés», dit-il en souriant.

Si la volonté de tout Chef d’Etat est de voir ses projets aboutir et son programme d’actions réalisé sans anicroche, celle de vouloir que toutes les lois soient votées les yeux fermés est de nature à soumettre l’Assemblée nationale, à faire d’elle une caisse de résonnance du pouvoir exécutif. Sauf qu’à avoir une lecture biaisée des textes de la république, l’Assemblée nationale est une institution indépendante du pouvoir exécutif avec une autonomie financière.

Elle n’a avec lui qu’une relation de collaboration qui fait qu’elle met à sa disposition les textes de lois à appliquer dans les tâches quotidiennes du pouvoir et plus importante, à contrôler son action. Pour bien accomplir cette dernière prérogative, l’Assemblée nationale a besoin de rester cette institution indépendante, de contre pouvoir, pour utiliser la terminologie prisée en la matière. D’ailleurs, le débat sur le bon fonctionnement de notre système démocratique pendant ses 26 ans de pratique a été ponctué par la forme de relation que la deuxième institution doit avoir vis-à-vis de la première. Il n’y a donc pas à rechercher « une assemblée accompagnatrice du gouvernement » mais une « assemblée forte et contrôleuse du gouvernement » dans un contexte politique marqué par l’hyper-présidentialisme que le président élu n’a de cesse de dénoncer .Nest-ce pas la volonté affichée de  réduire cette superpuissance de l’Exécutif sur les autres institutions qui l’a conduit à faire sa proposition de mandat unique qui fait grincer des dents dans la classe politique ?

Talon sur les traces de Yayi

Mais alors, qu’est ce qui peut pousser un président qui a promis de gérer autrement de tenir de tels propos ? Il y a en premier lieu la révision de la constitution. Le président Patrice Talon, a, depuis son arrivée au pouvoir, fait de la révision de la loi fondamentale une réforme majeure de son quinquennat. Si les intentions qui sous tendent le projet et les arguments avancés peinent à convaincre le grand nombre, le Chef de l’Etat lui, ne se sent guère ébranlé. Il a mis en place une commission pour se pencher sur la question et compte, dans les jours à venir, passer à l’Assemblée pour valider cette réforme. En habile tacticien, Patrice Talon a compris qu’il peut se servir d’une assemblée quelque peu  docile pour valider son projet sans même aller à un référendum. Il s’agirait là d’un raccourci appréciable pour sauter l’étape de l’avis d’un peuple que les réformes engagées actuellement ou à venir rendent frondeur et contestataire. Mais ce n’est pas tout. L’opération de charme à l’endroit de l’Assemblée nationale permettra également d’ouvrir la porte à toutes les dérives. Des projets de lois taillées sur mesure pourraient être déposés à voter afin de favoriser des amis ou même déclencher l’acharnement contre de potentiels rivaux politiques. Avant lui, Boni Yayi avait aussi vanté ce larbinisme institutionnel de l’Assemblée nationale avec son affidé politique Mathurin Nago. Quelques années, on se surprend de voir l’antéyayi aller dans le même sens. Cette petite phrase, ressemble bien au grain de sable tombé dans la machine du lancement du Pag. Comme d’ailleurs celle de l’Elysée sur le désert de compétences. L’image qu’elle laisse du président est aux antipodes de ses aspirations de début. Talon aurait dû s’en passer

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