Entretien avec le Dr Kamel Garba: « Je n’ai pas encore compris le revirement des syndicalistes »

Docteur Kamel Garba, les syndicats d’enseignants de la maternelle et du primaire annoncent pour ce mardi 17 janvier, une grève d’avertissement de 48 heures suite à la décision du Ministre des Enseignements Maternel et Primaire de faire appel aux inspecteurs et Conseillers Pédagogiques à la retraite pour l’encadrement des enseignants sur le terrain.

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En tant qu’expert et acteur de ce sous-secteur, quelles sont vos impressions ?

Je voudrais remercier votre journal qui me fait assez souvent l’honneur de prendre mes avis sur des questions qui touchent à l’éducation, surtout au sous-secteur des enseignements maternel et primaire, que je connais assez bien, pour y avoir fait une bonne quinzaine d’années.

Vous savez, je suis ancien responsable syndical dans le sous-secteur enseignement primaire au plan national. Il apparaît dès lors très difficile de faire la démarcation entre l’ancien secrétaire général de syndicat et l’homme de la science.

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D’abord, je ne crois pas qu’il s’agisse ici d’une mesure du Ministre des Enseignements Maternel et Primaire mais d’une décision gouvernementale, parce que adoptée en Conseil des Ministres.

Ensuite, je voudrais rappeler que dans l’un des entretiens que j’ai accordés à votre journal au lendemain des résultats du Certificat d’Etudes Primaires (CEP), j’avais déjà stigmatisé la faiblesse de l’encadrement des enseignants comme étant l’une des causes des faibles rendements scolaires que nous avions eus: environ 39% de réussite au plan national ! Ce faible encadrement a pour cause, l’insuffisance criarde de conseillers pédagogiques et d’inspecteurs.

Alors, je suppose que le Gouvernement a dû se poser une question : celle de savoir ce qu’il fallait faire en attendant de recruter et de former le nombre d’inspecteurs et de conseillers pédagogiques qu’il faut pour couvrir le système. Je rappelle qu’il faut bien souvent plus d’un an pour la formation des personnels d’encadrement. J’imagine bien que c’est ce souci qui a conduit le Gouvernement à faire appel aux inspecteurs et conseillers pédagogiques déjà admis à faire valoir leurs droits à une pension de retraite pour venir à la rescousse de la qualité de l’enseignement au cours de cette période transitoire.

A lire Grève dans l’enseignement maternel et primaire: une revendication excessive ?

Vous savez, si nous avons réussi magnifiquement à développer la scolarisation des enfants dans notre pays, il n’en va malheureusement pas de même pour la qualité de l’enseignement. Déjà, en 2014, le rapport du Programme d’analyse des systèmes éducatifs (PASEC), dont l’objectif consiste à produire des données à travers des enquêtes à grande échelle et à analyser les performances des systèmes éducatifs ainsi que les facteurs contribuant à la qualité de l’enseignement, indique que le Bénin faisait partie des 4 pays sur les 10, membres de la CONFEMEN enquêtés, dans lesquels 80% des élèves n’atteignent pas encore le seuil suffisant en langue et où près de 70% ont des difficultés en mathématiques.

Or, dans l’état actuel des connaissances, il apparaît que la qualité de l’éducation dépend dans une grande mesure de l’enseignement, lequel dépend lui-même directement de l’enseignant. Il convient à partir de ce moment, de concentrer l’attention sur la profession, les mécanismes à mettre en œuvre pour améliorer l’encadrement pédagogique dans les écoles.

Docteur Garba, si le tableau est si sombre, qu’est ce qui peut expliquer selon vous la fronde syndicale et que proposez-vous?

Vous savez, j’ai encore beaucoup d’amis dans le monde syndical. Plusieurs parmi eux m’ont rapporté courant décembre, qu’ils se sont entendus avec le Ministre des Enseignements Maternel et Primaire sur cette mesure lors d’une session du Conseil Sectoriel pour le Dialogue Social.Je n’ai donc pas compris le revirement qui s’est produit.

Mais, je sais que, s’engager sur la voie du changement et des réformes est une opération difficile et laborieuse et c’est pourquoi de nombreux pays ne sont pas parvenus à faire de réels progrès. Ils sont souvent restés au stade des mots sans pouvoir les traduire véritablement dans les actes concrets. Les réformes en cours depuis peu dans ce sous-secteur semblent avoir pour objectifs l’amélioration des résultats scolaires des apprenants et un meilleur pilotage du système. Je comprends qu’elles ne rencontrent pas encore totalement l’assentiment des enseignants ; c’est dans l’ordre normal des choses.

C’est pour cette raison que, je voudrais inviter le Gouvernement,à travers le Ministère des Enseignements Maternel et Primaire, à maintenir comme il le fait déjà, le dialogue avec les syndicats d’enseignants afin d’améliorer les performances des futures cohortes.

J’invite pour finir les syndicats d’enseignants à la compréhension.

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