Entretien avec Jean Yves Sinzogan: « Le Pag manque d’objectifs »

Le mercredi 04 janvier, c’est dans le cadre olympien de la résidence Iléfiè sise au quartier résidentiel Patte d’Oie que Jean Yves Sinzogan nous reçoit. 

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Entre une interview et un rendez vous en ville, cet ancien statisticien de la Bceao se prête à nos questions. Il revient sur son litige avec la Banque centrale, les réformes entamées par le gouvernement, son avenir en politique et sur celui du franc Cfa.

Bonsoir Mr Sinzogan. On savait que vous étiez à la Bceao mais actuellement on vous a un peu perdu de vue. Quelles sont vos occupations actuelles ?

J’étais effectivement à la Bceao. Après la présidentielle de 2011 j’ai été licencié sous prétexte que j’avais fait de la politique et cela avait été fait, selon toutes les informations que j’ai reçues de mes collègues de la BCEAO, avec la bénédiction voire l’exigence du Gouvernement de Boni Yayi, avec à la manœuvre des personnes comme Pascal Iréneé Koupaki et Marcel de Souza. De toutes les manières, il est surprenant que je reste à ce jour, le seul agent de la BCEAO qui ait été sanctionné pour avoir fait de la politique ; cela semble corroborer les informations que j’ai reçues. Le dossier est en justice, c’est vrai que cela traine mais je continue de faire confiance à la Cour de Justice de l’Uemoa qui, elle-même, a connu quelques déboires jusqu’à une période récente. Je sais qu’elle dira le droit. J’avais à l’époque écrit d’ailleurs au Président Yayi Boni pour lui rappeler l’obligation qui lui est faite par la Constitution de notre pays de défendre mes intérêts en tant que béninois à l’étranger. Je n’ai pas reçu de réponse de sa part mais je ne compte pas en rester là, non pas pour moi mais pour que plus aucun cadre béninois travaillant dans un organisme international ne subisse une telle violation de ses droits de citoyen.

Actuellement, mon occupation principale est celle de consultant de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement Industriel (Onudi). Je travaille sur la mise à niveau de l’industrie et je suis chargé d’accompagner les gouvernements de certains pays d’Afrique centrale à l’implantation de ce programme dont l’objet est d’accroitre la compétitivité de l’industrie de ces pays dans la perspective de la mise en œuvre de l’Accord de Partenariat Economique entre l’Union européenne et les ACP.

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Le gouvernement du président Patrice Talon a engagé des réformes surtout économiques ? Quelle est votre lecture de ces réformes ?

D’une manière générale, d’abord je dois dire que je m’inscris dans une tendance optimiste et positive. Je souhaite vraiment que le président Talon réussisse ce qu’il a entrepris parce qu’au-delà de la politique politicienne c’est d’abord le pays qui est concerné. S’il réussit c’est bon pour tout le monde. Il a effectivement engagé un certain nombre de réformes, des privatisations, des suppressions de sociétés, etc. et il y a eu le Programme d’action du gouvernement, le PAG, qui comprend un certain nombre de projets et qui offre des perspectives intéressantes dans plusieurs domaines. Je pense que tout cela est globalement positif ; certainement, il y a des améliorations à apporter et elles pourront intervenir une fois que les leçons seront apprises. Ce que je souhaiterais en plus c’est qu’il y ait plus de transparence dans les réformes, dans la manière dont les choses sont mises en œuvre,  pour que tous les Béninois se sentent concernés et puissent se rassurer qu’ils ressentiront les effets de ces actions dans leur quotidien.

Et le Programme d’action du gouvernement ?

De manière particulière, s’agissant du programme d’action du gouvernement, j’en ai suivi la présentation avec beaucoup d’intérêt et il est indiscutable que ce fut une excellente opération de communication; le PAG a été bien présenté et j’ai été satisfait par un certain nombre de choses. En premier lieu, c’est le fait que le Président Talon lui-même soit intervenu plusieurs fois pendant la présentation pour repréciser des orientations. Cela m’a fait plaisir parce que, en dehors peut-être du président Soglo, jusqu’ici, nous avons eu des présidents qui s’inscrivent, disons, dans le mouvement, qui n’expriment pas de points de vue spécifiques et marquants, et  qui donc gèrent en quelque sorte, la machine gouvernementale sans pouvoir apporter une touche personnelle fondamentale qui soit le fruit de leurs propres réflexions sur le développement du pays. Ici, quand le Président de la République intervient publiquement pour rectifier, je dirais en temps réel, des propos de ses collaborateurs, ça veut dire qu’il a une vision, des convictions et un engagement personnel sur des aspects précis. Cela me parait important pour la conduite effective de l’action gouvernementale. Ça montre que le tempo, c’est lui qui le donne et qu’il comprend ce qu’il fait.

Cela dit, il y a quand-même quelques inquiétudes. La première, c’est que, étant donné que c’est un programme d’action du gouvernement, les projets ne devraient être que la traduction d’objectifs en actions répondant à des stratégies bien définies. Et ces objectifs doivent refléter les grandes préoccupations relatives au développement et à l’amélioration du bien-être des béninois. Malheureusement, ici, les objectifs ne sont pas clairs. C’est vrai que le Ministre des Finances a parlé d’une croissance annuelle de 6,5% en moyenne, ce que je trouve d’ailleurs quelque peu modeste, au regard du volume additionnel d’investissements attendu du PAG, sachant que conventionnellement, nous devons réaliser une croissance annuelle de 7% au minimum pendant une longue période pour pouvoir espérer atteindre le stade de pays émergent. Mais au-delà de cet objectif de croissance, au plan sectoriel, on ne sait pas très bien où nous souhaitons aller à travers le PAG. Si je prends un domaine comme l’agriculture par exemple, j’ai été un peu surpris du fait que l’essentiel de la présentation ait porté sur la création d’une agence. C’est très bien de créer une structure autonome dédiée à l’agriculture mais au-delà, où veut-on aller ? Qu’est-ce qu’on veut faire de l’agriculture ? Est-ce que c’est l’autosuffisance alimentaire qu’on vise ? Est-ce que l’objectif principal est de fournir de manière compétitive des matières premières pour favoriser l’industrialisation de notre économie ? Où s’agit-il d’amener l’agriculture à mieux contribuer à l’accroissement des exportations ? La création d’une agence chargée de la promotion agricole ne permet pas de répondre à ces questions et ne peut d’ailleurs être une fin en soi dans la mesure où nous avions déjà expérimenté ce type de structures au Bénin et les avions supprimées parce qu’elles n’étaient finalement que des gouffres financiers sans grand impact sur la production agricole. Quand on dit qu’il y a des filières départementales, je ne sais pas ce que ça veut dire. Le Bénin est un petit pays. Une filière couvre plusieurs secteurs. Quelle est la population d’un département pour qu’on puisse y créer des filières viables ?

Je n’ai pris que l’exemple de l’agriculture mais en réalité, le Programme, dans son ensemble, appelle ce type d’interrogations dans tous les secteurs. De ce fait, le PAG peut apparaître comme une juxtaposition de projets et de réformes sans qu’on ne sache exactement quels sont les objectifs de développement, de croissance et de transformation structurelle qui les sous-tendent. Cela a conduit certains à dire que ce n’est que du business ; je ne partage pas forcément cet avis, mais j’avoue que je suis un peu perplexe.

Parlant des réformes, vous avez souhaité qu’il y ait plus de transparence. Est-ce que vous êtes en train de dire que tout ce qui se fait manque de transparence ?

J’ai lu dans les journaux, des inquiétudes qui ont été exprimées par plusieurs acteurs dont une organisation de la société civile qui a même fait une déclaration publique dans laquelle elle a interpellé le Président de la République sur cette question. Ça veut dire qu’il y a quand même un certain nombre d’opérations au sujet desquelles les béninois s’interrogent. Je note une inquiétude diffuse concernant des décisions dans le domaine portuaire, le coton, la sécurité aéroportuaire, etc., des interrogations sur le respect des textes régissant les marchés publics et le partenariat public-privé, etc.

En outre, les Béninois se plaignent d’une manière générale de ne pas voir l’argent circuler. On perçoit une détresse générale comme si le pays était devenu un immense champ de lamentations. Et pour moi, quand l’argent ne circule pas c’est soit parce qu’il y en n’a pas ; soit parce que les règles de gestion ne sont pas suffisamment transparentes et impartiales pour permettre à tout le monde de bénéficier de la croissance. Je ne crois pas que nous soyons dans une situation de décroissance particulière qui explique une situation difficile, nous ne sommes pas non plus un pays pétrolier, donc on ne pas dire que nous avons subi des pertes parce que le prix du pétrole a baissé, bien au contraire. C’est vrai que nous avons la situation du Nigéria mais il nous revient de réfléchir pour y faire face et même en tirer profit ; et je connais des gens qui arrivent à bénéficier de la situation actuelle du Nigéria. Donc je pourrais être fondé à penser que si l’argent ne circule pas, c’est que le type de gouvernance en œuvre ne le permet pas. Je pense donc qu’il y a lieu d’améliorer la transparence dans la gestion du pays de manière à favoriser l’accès des entreprises aux marchés publics sans cloisonnement particulier, afin que la croissance économique soit le plus largement partagée.

A cet égard, l’une des questions importantes me paraître être celle de la gestion de la dette intérieure. Il y a eu des annonces et des velléités mais il me semble qu’il reste beaucoup à faire. Il est important que les règles qui régissent cet apurement soient connues de tous, de manière transparente, ce qui contribuera à donner un signal positif aux entreprises et aux banques et encourager les acteurs économiques à s’investir dans de nouveaux projets. Je m’attendais personnellement, lors de la présentation du PAG à des annonces claires, des engagements précis du Gouvernement quant au payement  des arriérés intérieurs, parce que restaurer la qualité de la signature de l’Etat me paraît fondamental si l’on veut se lancer dans de grands investissements et attirer les investisseurs. Et au-delà de l’apurement des arriérés, le délai de  paiement des factures par le Trésor doit être connu, afin que l’économie puisse tourner, que les banques puissent aisément soutenir les entreprises qui sont en affaires avec l’Etat et que tous les acteurs puissent se sentir rassurés pour investir et faire tourner l’économie nationale. En l’absence de ces indications claires, il se créée une ambiance d’incertitude qui pèse sur le dynamisme de l’économie et explique aussi la faible circulation de l’argent. J’invite sincèrement le gouvernement à y remédier.

Je ne peux non plus passer sous silence les inquiétudes qui se font jour quant à la préservation des libertés républicaines. Les béninois ont le sentiment que le Gouvernement veut faire taire la presse ou l’intimider. C’est vrai que pour moi, les acteurs de la presse ne sont pas non plus au-dessus de tout soupçon. Leurs  prises de position en tant que membres de la HAAC sont plus que surprenantes sans oublier les louvoiements de nombreux patrons de presse dans les conflits de cette nature. Mais dans ce domaine, je souhaite que Patrice Talon s’inspire plus de Mathieu KEREKOU que de Boni YAYI. J’ai tout dit.

Le président a également parlé des réformes politiques dont la plus importante c’est la révision de la constitution avec l’option du mandat unique et la réforme du système partisan. Que pensez-vous de toutes ces réformes ?

Là par contre je suis très réservé pour ne pas dire plus, sur l’ensemble de ces réformes. J’ai entendu le professeur Victor Topanou dire que la constitution n’a rien fait à personne et qu’il ne comprend donc pas pourquoi tout le monde s’en prend à elle. Je suis de cet avis. Je continue de penser que nous avons une très belle constitution et que la plupart des problèmes qui sont posés aujourd’hui et pour lesquels on a voulu ou l’on veut la réviser peuvent être résolus en dehors d’elle. En outre, notre constitution est jeune ; elle n’a connu que quatre chefs d’Etat. Une constitution ce n’est pas pour 5 ans, 10 ans. C’est pour des siècles et nous devons nous garder de la retoucher au gré des humeurs et des ressentiments personnels. Si non, cela deviendrait dangereux et conduirait à une perte de repères. En fait, tout se passe aujourd’hui comme si la Constitution n’avait pas fait l’objet de débats approfondis avant son adoption. Or, la quasi-totalité des questions qui sont soulevées aujourd’hui ont fait l’objet de débats intenses lors de la vulgarisation du projet de constitution et de la campagne référendaire, ce qui a permis aux béninois de faire leur choix en connaissance de cause. Ma position de principe est donc de ne pas toucher à la Constitution et il me semble que c’est aussi la position de nombreux béninois.

Cela dit, quand on entre un peu le détail des propositions et des arguments qui sont évoqués – j’utilise ce terme parce qu’on ne les ne connaît pas officiellement, le gouvernement ne les a pas présentés formellement aux béninois – on peut s’interroger sincèrement sur leur bien fondé. Sur la base de ce que j’ai entendu au cours de la dernière campagne présidentielle, je crois savoir qu’il y a cette proposition de mandat unique. L’argument que j’ai pu entendre, c’est que le fait qu’il y ait deux mandats empêcherait le Président de la République de travailler parce qu’il passerait le premier mandat à manœuvrer pour avoir le second ; mais là où notre  constitution est cohérente sur ce point c’est qu’elle a prévu deux mandats tout en donnant aux béninois la faculté de refuser le second mandat au Président si le premier est jugé mauvais. Dès lors, la question la plus pertinente, c’est de savoir pourquoi nous n’arrivons pas à mettre en œuvre cette prérogative qui est donnée aux électeurs. La réponse réside évidemment dans les incroyables insuffisances de notre système électoral et non dans une quelconque faiblesse de la Constitution. La réponse, c’est, à mon humble avis, une refonte honnête du système électoral afin qu’il devienne suffisamment performant, c’est-à-dire fiable et transparent pour permettre aux Béninois de s’exprimer tout en étant sûrs que leurs opinions seront traduites fidèlement dans les résultats. Aujourd’hui nous sommes loin de cela :  la liste électorale permanente informatisée n’a jamais été accessible aux béninois dans son entièreté puisqu’elle n’a jamais été publiée dans le Journal Officiel comme l’exige le Code électoral si bien que nous allons aux élections depuis plusieurs années sans une liste revêtue du sceau  juridique exigé par la loi ; il s’y ajoute que le caractère biométrique de la LEPI n’est qu’une apparence, que les cartes d’électeur sont toujours en vadrouille, que le COS LEPI est une injure politique, intellectuelle et juridique aux béninois dans la mesure où son existence confère légalement aux députés la prérogative incroyable d’être juges et partie de leur propre élection tout en violant le principe  constitutionnel de la séparation des pouvoirs, la CENA permanente est forcément moins transparente que l’ancienne formule de la CENA et moins performante qu’une institution comme le SAP-CENA qui aurait dû être renforcée pour pouvoir organiser les élections avec la technicité requise et en toute autonomie… la liste est longue de tout ce qui nous sépare d’un système électoral démocratique !  C’est très grave ce que nous vivons au plan électoral ! Je pense donc qu’il faut d’abord reformer le système électoral parce que pour moi, le fondement de la démocratie c’est la possibilité donnée aux citoyens de s’exprimer ! Le nombre de mandat, que ce soit 1, 2, 3 ou illimité, est presque un détail dès lors que les citoyens ont la possibilité de sanctionner le Président de la République à tout moment.

Sur la question de l’élection des membres des institutions, nous sommes libres de feindre d’ignorer que le Président de la République peut aisément interférer dans ces élections. En revanche, nous devons nous souvenir de ce que les modalités actuelles de choix des membres de la Cour constitutionnelle ont permis de produire, il y a quelques années et plus d’une fois, une cour constitutionnelle qui a fait preuve d’indépendance vis-à-vis du Président de la République, qui a  contribué à consolider notre démocratie et a fait la fierté des béninois ! La question qui doit nous préoccuper c’est plutôt le pouvoir immense laissé à des personnes qui ne sont pas élues  par le peuple et qui ne répondent devant personne de l’usage qu’ils font de ce pouvoir exercé au nom du peuple. A mon avis, la principale réforme devrait viser à soumettre les membres de toutes les institutions de la République au principe de la redevabilité au même titre que le Président de la république, le premier élu au suffrage universel. C’est d’ailleurs le lieu de dire que le Président de la République du Bénin ne peut être considéré comme surpuissant, en tout cas pas au sens des dispositions de notre Constitution. Je pense même que nous faisons certainement partie des rares pays où le Président de la république ne dispose d’aucune immunité. Mon sentiment est que nous avons mis en place un système politique très ouvert, très démocratique, très avancé,  à qui nous reprochons sa perversion après l’avoir, nous-mêmes, perverti. Notre démocratie a grandement reculé au gré des arrangements concoctés au fil des ans entre l’Exécutif et le Législatif sur le dos des béninois et validés à chaque fois par la cour constitutionnelle. Jetons un regard en arrière et nous retrouvons les choix qui ont fait la force de notre démocratie, dont de nombreux pays se sont inspirés et qui ont été gommés progressivement par une classe politique qui semble avoir choisi de faire du commerce au  lieu de faire de la politique ! Ayons le courage de remettre les choses dans le bon sens ! Personnellement, c’est cela que j’attends de Patrice Talon !

Et sur le système partisan, qu’en dites-vous ?

Concernant le système partisan, je pense que les dernières élections ont prouvé que nous avons un système partisan qui n’existe que de nom. C’est un système malheureusement qui est affaibli par le fait que dans les partis il n’y a pas de mécanismes vraiment démocratiques. Et sans cela on ne peut pas dire que nous avons des partis. Il est symptomatique qu’aux derrières élections, aucun des partis considérés comme les plus grands n’ait pu présenter un candidat simplement parce que les chefs inamovibles de ces partis ne pouvaient plus être candidats. Plus grave, il y a eu un  parti qui a rejeté tous ses candidats internes à la candidature au motif qu’ils n’auraient pas prouvé qu’ils sont suffisamment soutenus par d’autres partis. Vous convenez avec moi qu’un vrai parti ne peut  jamais dire une pareille énormité ! Un autre parti qui a ma sympathie, je l’avoue, décide de ne plus faire de l’opposition : donc plus de débat d’idées, plus de réflexions internes sur le développement du pays, plus de propositions alternatives, il faut juste aller à table ! Avec à la clé l’incapacité de mener une réflexion pour savoir pourquoi ce parti échoue en permanence à la présidentielle afin de définir une stratégie gagnante ! C’est tout juste scandaleux !

J’ai également beaucoup entendu parler de financement public des partis. Mais quels partis veut-on financer puisqu’il n’y en pas ? En fait, je n’ai rien contre le financement  public des partis mais l’argent public ne peut pas servir à financer un club d’hommes regroupés derrière des ambitions personnelles. Dans ces conditions, il s’agit d’abord de s’assurer que les partis existent et fonctionnent sur la  base de mécanismes démocratiques et que leurs membres en assurent le fonctionnement par des cotisations obligatoires, qu’ils animent la vie publique et politique en prenant régulièrement position, etc. Donc le principal problème n’est pas celui du financement de l’Etat. C’est déjà l’existence du parti lui-même et son fonctionnement qu’il faut garantir.

En 2011, vous étiez candidat à l’élection présidentielle. En 2016, beaucoup de vos partisans espéraient vous voir malheureusement vous n’étiez pas au rendez-vous. Est-ce que vous pouvez dire à nos lecteurs ce qui explique ce choix surprenant que vous avez fait ?

Je ne me suis pas senti prêt et je l’ai expliqué à mes sympathisants qui, je le pense, m’ont compris. Nous sommes toujours ensemble et je suis d’ailleurs très surpris de leur constante fidélité. Je dois aussi dire que je reste insatisfait des conditions électorales, particulièrement en l’absence de publication de la LEPI dans le Journal Officiel, comme je viens de le dire. Cela peut paraître anodin mais le fait même que le COS LEPI se soit toujours refusé à cela et que la Cour constitutionnelle ne l’y ait jamais obligé montre bien que ce n’est pas un sujet anodin ! Quand on y ajoute le silence assourdissant de l’assemblée nationale, de la CENA, de la société civile et des partis politique sur cette question, cela prend les allures d’un vaste complot contre  la démocratie ! Ce refus de publication de la LEPI est, à mon avis, destinée à dissimuler les charançons qui rendent ce plat immangeable mais qu’on oblige les béninois à avaler. J’en déduis que la LEPI, malgré les apparences de mises à jour, est peu fiable et ne peut servir de support pour des élections honnêtes !

Pour autant, je n’ai pas du tout abandonné le jeu politique. J’y suis même plus impliqué que par le passé.

Une question sur le Franc Cfa. Vous êtes banquier, vous avez travaillé à la Bceao. Il y a ces derniers temps le débat sur le décrochage du Franc Cfa de l’Euro. Qu’est-ce que vous en pensez ?

D’abord, je voudrais faire remarquer que le FCFA n’est pas institutionnellement accroché à l’euro puisqu’il n’y a pas de relation directe entre la BCEAO et la Banque Centrale Européenne. Le lien avec l’Euro résulte simplement du remplacement du Franc Français par l’Euro, donc d’une décision interne à la France. En soi, le décrochage ne pose pas de problème si je suppose que le décrochage est synonyme de dévaluation étant donné que dans tous les cas, le FCFA doit rester lié à une monnaie de référence. Mais je constate que le débat se focalise sur la suppression du compte d’opération en vue d’une gestion « souveraine » de la monnaie ! Là aussi, il n’y a pas de problème, sauf que avec ou sans le compte d’opération, nous devrons laisser nos réserves de change à l’étranger afin de pouvoir commercer avec le monde. C’est ce que font tous les pays. La vraie question est donc ailleurs et à mon avis, elle est relative à la gestion de la monnaie, c’est-à-dire à la politique monétaire mise en œuvre. C’est elle qui, à travers ses objectifs et la manipulation des instruments de politique monétaire, détermine notre capacité à assurer le financement adéquat de nos économies et à réaliser des croissances fortes et durables. A cet égard, j’estime qu’il est nécessaire de revisiter sérieusement les objectifs de politique monétaire dans l’UEMOA afin que ceux-ci reflètent mieux les besoins de financement de nos économies. A mon sens, c’est cela l’enjeu majeur aujourd’hui et non le décrochage de l’euro ou la suppression du compte d’opération : ces mesures, en soi, ne changeront pas grand-chose si la politique monétaire n’est pas remise en cause. Et il n’est pas nécessaire de décrocher ou de supprimer le compte d’opération pour améliorer substantiellement la politique monétaire afin qu’elle colle mieux à nos immenses besoins d’investissement. La gestion de la monnaie répond à des règles valables pour toutes les économies ; ni le compte d’opérations ni l’arrimage à l’euro n’empêchent, à mon humble avis, de respecter ces règles tout en visant prioritairement la recherche d’une croissance forte et durable ! Dans l’état actuel des choses, nos économies pourraient avoir du mal à réaliser des croissances durablement fortes et je pense que les Gouvernements devraient se pencher sérieusement sur la question et mener, chacun, des réflexions pertinentes puisque la supposée autonomie de la BCEAO ne leur enlève pas cette prérogative, bien au contraire, ils doivent s’obliger à le faire afin de s’assurer de la pertinence de la politique monétaire qui leur est proposée !

Votre mot de fin ?

Je voudrais demander aux béninois de rester optimistes et de continuer à soutenir Patrice Talon à qui je souhaite plein succès ! Mais je demande aussi à mes compatriotes de rester vigilants et intransigeants sur toutes les questions qui ont trait aux libertés, à l’approfondissement de la démocratie et à la gestion transparente de notre pays.

 

Je vous remercie.

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