Déguerpissement: Les Béninois subissent sportivement les séquelles

L’opération de déguerpissement des espaces publics engagés sous le contrôle du préfet Modeste Toboula entraîne des conséquences fâcheuses pour les Béninois qui tiennent sportivement, consolés à l’idée de l’embellissement des villes de leur pays.

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« La vente a totalement baissé. Maintenant, on ne vend même plus. Avec la devanture partiellement cassée, les clients nous jettent de loin un regard et vont ailleurs ». C’est en ces termes que Kocou Atiké, préposé dans une boutique de vente de divers articles pour nouveau-né au quartier Zongo, confie les dommages à eux causés par l’opération de déguerpissement en cours à Cotonou au Bénin. Bien que dépité, il comprend que c’est le prix à payer pour vivre dans une ville propre : « Cette opération n’est pas une mauvaise chose. J’ai aussi envie de voir notre pays propre comme le Ghana ».  En attendant, son patron a engagé un maçon à l’œuvre pour les marches d’entrée brisées par les crocs des caterpillars du préfet Toboula. Comme lui, un menuisier d’environ soixante ans retrouvé à Vodjè non loin des rails accuse le coup mais tient sportivement. « Je suis réduit à faire de petits trucs. Je ne peux plus réaliser de grands travaux »  fait-il savoir, occupé à monter un tabouret avec son unique apprenti sur les ruines de son atelier rasé. L’artisan du bois apprend qu’il travaillait à cet  endroit depuis environ trente ans, bien avant qu’on ne songe à paver la voie.  Encore sur cet endroit où seul son établi de fortune et quelques manches de chaises renseignent sur sa profession, il apprend qu’il a du mal à trouver non seulement un nouvel emplacement mais aussi un financement pour se réinstaller.

« Il y a des difficultés à trouver d’emplacement. En plus, le vrai problème c’est qu’on a pas un budget conséquent pour se réinstaller » s’est-il plaint.

Famille en détresse, crainte d’insécurité

Avec le menuisier de Vodjè apprend-on, l’opération de déguerpissement fait du mal dans les maisons.

« Il y a une baisse d’activités  et à la maison, c’est la restriction » confie-t-il.

« Il y a des gens dont les baraques ont été détruites alors qu’ils ont des familles à nourrir » renchérit M. Amedeo, propriétaire d’une boutique de vente d’articles vestimentaires non loin de la Place de l’Etoile rouge. S’il n’est pas personnellement affecté par l’opération puisqu’ayant pris la mesure des choses peu avant, il s’inquiète pour la vie dans les familles profondément touchées par l’opération de déguerpissement : « C’est avec ce que l’on fait qu’on nourrit sa famille. Si tu perds ton business, c’est sûr ta famille souffre ». Son autre inquiétude, c’est un éventuel regain d’insécurité avec des vendeurs d’essence frelaté envoyés au chômage. « On sait que parmi les vendeurs d’essence de contrebande se trouvent beaucoup de délinquants reconvertis. On les a déguerpis. S’ils ne se retrouvent pas, ils peuvent recommencer avec la criminalité » avertit-il. Il recommande aux autorités d’envisager des mesures d’accompagnement pour éviter une fatale implosion sociale.

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