Deux hommes d’affaires au pouvoir: Les leçons à tirer des évènements récents aux USA

Survenant quelques mois après les élections présidentielles au Bénin, les élections aux Etats Unis ont propulsé à la tête de la première puissance mondiale, John Donald Trump, un président issu du monde des affaires, sans expérience politique, ni mandat électif.

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Comme au Bénin, notre pays. Des deux côtés de l’Atlantique, ces présidents sont engagés dans des actions qui suscitent questions  et émois.Les réactions des populations et des contre-pouvoirs (notamment judicaire) offrent des parallèles qu’il nous paraît intéressant d’examiner. 

Du temps où il n’était pas porte-parole du gouvernement et défenseur en chef de de la répression des populations, mais simple avocat, Me Joseph Djogbénou avait évoqué dans un article ou une interview, les leçons (de démocratie) qu’on pouvait tirer des évènements en Amérique. Ce ne serait pas trop demander que d’espérer que le ministre et avocat personnel du président TALON, engagé dans la justification des mesures les plus impopulaires, les plus autocratiques que notre pays ait connues depuis l’ère Kérékou I , tire à nouveau des enseignements de ce qui se passe en Amérique.

Les actions du Président américain  soumis au contrôle des juges

Un juge fédéral de Seattle vient de suspendre l’exécution de la décision du président américain de restreindre la délivrance de visas aux ressortissants de certains pays majoritairement musulmans. La cour d’appel de San Francisco vient de rejeter l’appel du gouvernement demandant la suspension de la décision de justice.

Ces deux décisions de justice illustrent de façon spectaculaire la séparation des pouvoirs et la soumission de tous à la constitution, éléments fondamentaux de l’état de droit ou « Rule of Law ».

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Dans la conclusion de sa décision, le juge de Seattle écrit « Ce qui est fondamental dans le travail de cette cour, c’est la reconnaissance vigilante qu’elle n’est qu’une des trois branches à égalité de pouvoir (souligné par nous) du gouvernement.Le rôle de la cour n’est pas de créer ou  juger de la sagesse d’une quelconque politique promue par les deux autres branches( législative et exécutive ndlr) . Cela relève du travail de l’exécutif et du législatif et de celui des citoyens de ce pays, qui de façon ultime, exercent le contrôle démocratique sur ces branches (souligné par nous). Le travail de la branche judicaire et de cette cour, se limite à s’assurer que les actes posés par les deux autres branches sont conformes aux lois de notre pays et plus important encore, conformes à notre constitution» . On ne saurait être plus clair.

Nous rêvons pour notre pays, d’un pouvoir judiciaire qui joue pleinement son rôle de gardien de la loi et de la constitution, sans compromis ni compromissions.

Pour que le juge puisse prendre sa décision, il a fallu plusieurs conditions qui ne sont pas toujours réunies chez nous :

  1. Les actions du président sont basées sur des actes administratifs ( executive order dans le cas d’espèce) attaquables en justice.

Aussitôt installé à la Maison Blanche, le nouveau président américain a pris des actes administratifs ( executive order) pour mettre en œuvre ses priorités politiques. Qu’observe t-on chez nous ? Le gouvernement déclare la guerre contre la « pagaille », pour l’ »ordre » mais on attend toujours le cadre législatif ou réglementaire fondant ou autorisant cette croisade contre la soit –disant « pagaille » des Béninois, déclarés par ailleurs incompétents.

Comment les citoyens peuvent-ils juger de la légalité de l’action gouvernementale, si celle-ci ne se fonde que sur les déclarations contradictoires des ministres ? Un jour c’est la « beauté » de la ville qui est le fondement des actions destructrices du gouvernement, le lendemain c’est le « cadre de vie », après c’est la « sécurité » des citoyens, et pour finir on invoque la « laïcité ». Un jour c’est l’installation des baraques et autres installations durables qui est en cause, le lendemain c’est l’utilisation même du domaine public –fût- ce à titre temporaire- qui est en cause. On attend les arrêtés ou décrets se fondant sur la loi (code foncier ou code général de la propriété des personnes publiques) justifiant les mesures de destruction tout azimut et les restrictions au droit de manifester.

  1. Les citoyens refusent le diktat présidentiel

Nombre d’intellectuels et de démocrates apparemmentsincères chez nous,décrient les manifestations de rue, voire les simples appels à manifester comme des comportements contraires à la démocratie, limitant l’expression du sentiment populaire aux seuls rites électoraux. Le peuple américain qui a une « petite » expérience de vie démocratique apporte un démenti cinglant à ces prétentions. Dès l’inauguration du nouveau président et même avant, diverses manifestations ont eu lieu et se sont poursuivies dans tout le pays.  La rue et les manifestations apparaissent comme un moyen , un canal parmi d’autres, de l’ expression du sentiment populaire que ni le président, ni les élus ne peuvent ignorer. Les citoyens actifs exercent par ce biais comme d’autres, leur contrôle de l’action gouvernementale et la menace de sanction dans les urnes conduit président et autres élusà tenir compte de cette expression comme des résultatsélectorauxantérieurs ( il est vrai que chez nous un président en » mission » se soustraità la sanction des électeurs en déclarant d’office qu’il ne briguera point d’autre mandat, s’autorisant apparemment àmépriser le sentiment et la volonté populaire, et pire cherchant à institutionnaliser ce mépris par le mandat unique constitutionnel).

  1. Les partis ont des projets politiques qu’ils défendent

Comme chez nous au Bénin, le présidentélu aux USA n’est pas issu des partis politiques. Toutefois la candidature de Donald Trump a été portée par le parti républicain qui lui a adjoint un vice président issu du parti. Chez nous les partis –au demeurant « obligés » du candidat Talon et obéissantà sa « télécommande » n’ont jouéqu’unrôlemarginal dans son élection. La conséquence en est que si aux USA certains élus du parti républicain peuvent élever la voix pour s’opposer aux décisions du présidentélu, chez nous c’est le silence plat, quand ce n’est pas  la course à qui fera allégeance le premier. Les partis, notamment les partis représentés à l’assemblée semblent avoir pour l’essentiel abandonné leur rôle d’animateur de la vie politique. Sans la création ou re-creation de partis représentant réellement  les classes et couches sociales de notre pays et déterminésadéfendre leur intérêts, il est illusoire de penser que notre démocratie pourra s’enraciner

Aux USA, le nouveau président s’est donné pour mission de restaurer la grandeur de l’Amérique (Make America great again) et « assainir » le milieu politique de Washington ( « drain the swamp » ou littéralement « vider le marécage » -politique) . Chez nous , si l’on s’en tient aux propos tenus par le président Talon face aux dignitaires musulmans, le gouvernement se donne pour mission de mettre fin à la « pagaille » et de mettre de l’ »ordre ».

Une différence notable : alors que le président américain a axé toute sa campagne sur ce thème auquel une large proportion de l’électorat a adhéré, on ne trouve pas dans le programme du candidat Talon, un mot sur le caractèreprétendument « pagailleur » des Béninois de l’intérieur, leur aversion à la discipline, et la nécessité de rétablir l’ordre !

D’emblée, on peut dire que le peuple béninois a été trompé. Il a été trompé sur les objectifs et les priorités de celui qui demandait ses suffrages.  Le président Houngbédji avait laissé entendre que les promesses électorales n’engagent que ceux qui y croient, mais ici, avec le président Talon, on atteint une nouvelle dimension « les priorités et la « mission » du gouvernement semblent avoir été délibérémentcachées aux électeurs lors de la campagne électorale ;au delà des promesses non tenues, on a un mensonge délibéré, une tromperie sur les objectifs !ll est vital que chez nous aussi, on exige des candidats une définition claire de leur diagnostic des problèmes de notre société et une définition tout aussi claire des objectifs et moyens.

Notre démocratie est jeune, comparée a celles établies de longue date, mais cette jeunesse ne saurait justifier que nous tolérionsà nos dirigeants et aux contre-pouvoirs laxisme et tromperie.

La tâche de gouverner est basée sur un contrat passé entre le peuple et ses dirigeants élus. Ce contrat s’exécute dans le cadre général des lois et de la constitution qui constituent des gardes fous, car le pouvoir corrompt.

Quand les dirigeants élus prennent leur volontés,  leurs rêves (aussi nobles soient ils), pour ceux de la population, quand la réalisation de leur rêves et chimères prend le pas sur la satisfaction des besoins de la société, son équilibre, ses traditions, son fond culturel, on assiste à un divorce irréparable entre dirigeants et dirigés.

Il appartient aux citoyens vigilants et aux contre-pouvoirs d’éviter que ce divorce ne soit consommé

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