Restitution des trésors béninois: « Il faut des recours ultra complexes … » dixit Marie-Cécile Zinsou

Présidente de la Fondation Zinsou, Marie-Cécile Zinsou a donné mardi 7 mars dernier, l’alerte sur la réponse de l’Etat français en date du 12 décembre 2016, à la lettre de demande de restitution des trésors royaux du Bénin.

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Rencontrée dans la soirée de la même journée au siège de la Fondation, elle nous livre son analyse du contenu de la lettre, ainsi que des éventuelles prochaines étapes dans le dossier. Interview.

Lnt: Vous avez donné l’alerte mardi, par un tweet, de ce que dans le dossier de restitution des trésors royaux du Bénin, la France a répondu au Bénin. De quoi s’agit-t-il ?  

Marie-Cécile Zinsou: On a porté à ma connaissance la lettre du 26 août 2016 du ministre des Affaires étrangères du Bénin, Mr Agbénonci qui faisait une demande à la France pour la restitution des biens. Et j’ai lu la réponse de Jean-Marc Ayrault, ministre des Affaires étrangères de la France le 12 décembre 2016, qui disait que la France ne pouvait pas restituer les biens parce que les objets du patrimoine français sont inaliénables et insaisissables. Du coup, ça ne fait pas partie des choses qu’on peut faire restituer.

La France a signé la convention de 1970 de l’Unesco dont le Bénin n’est pas signataire. Il ne faut pas l’oublier, il y a 131 pays qui l’on ratifié mais pas le Bénin. A priori, la France est protégée par cette convention. Et vu que la convention n’est pas rétroactive, ça ne permettrait pas au Bénin de récupérer les œuvres. Le ministre des Affaires étrangères de la France précise dans sa lettre qu’il ne s’oppose pas à de futures collaborations muséales qu’il serait ravi de développer. Il fait notamment allusion à l’exposition de 2006 «Béhanzin roi d’Abomey», qui a été faite en coopération avec la Fondation Zinsou qui était partenaire technique du gouvernement béninois. Donc la lettre, c’est non pour la restitution mais oui éventuellement pour des prêts.

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Ce refus était-ce prévisible à votre avis ?

Les sujets de restitution sont des sujets très compliqués, c’est des batailles compliquées. Par exemple, ça fait 200 ans que la Grèce mène une bataille contre l’Angleterre pour le retour des frises du Parthénon, sans aboutissement. Entre 2001 et 2012, il y a des œuvres qui ont été restituées au Nigéria, mais ce ne sont pas des choses qui tombent sur le coup de la fameuse convention de l’Unesco. Il y a eu des restitutions dans certains pays comme l’Irak, la Suisse qui a restitué des pièces à l’Egypte

Mais pour ce que je sais, dans le cas d’une institution, il faut avoir une batterie d’avocats et des arguments ultrasolides, parce qu’effectivement il y a une loi en France et des lois internationales sur le sujet du patrimoine, qui sont des lois complexes. Le problème c’est que ces œuvres sont rentrées dans le patrimoine français depuis plus de 100 ans ; on les considère comme françaises. Du coup, il n’y a pas de raison pour qu’elles reviennent au Bénin ; c’est là tout le sujet ; c’est le problème de base en fait. Pour arriver à contester la possession française, il faut des armes énormes. Je ne pense pas qu’une simple lettre de bonne volonté suffise. C’est ça le souci. On leur a envoyé une lettre et ils nous ont aussi renvoyé une lettre qui dit non. Ce n’est pas dans un courrier que des situations du genre se règlent. Il faut engager des recours ultra complexes, engager des avocats super précis et que ce soit un combat de très longue alène, un combat utile et intéressant.

Lnt: Vous pensez que c’est un jeu raté déjà pour le Bénin ?

Je ne sais pas mais ça dépend de la motivation des gens qui font la requête, c’est quel est l’investissement que l’Etat va mettre dans cette cause. On ne peut pas savoir si ça peut marcher ou pas, mais ce qui est certain, c’est que c’est des choses qui prennent du temps. Ce n’est pas forcément quelque chose d’ici la fin de 2017.

Lnt: Est-ce que des Fondations comme la vôtre peuvent intervenir ?

Je suis contente que vous me posiez la question. C’est ce que j’ai écrit sur Facebook pour que ma position soit claire. Ce n’est pas une action du citoyen ou de fondation privée. Ça ne peut être en aucun cas des citoyens, aussi motivés, engagés ou sympathiques qu’ils soient. La Fondation Zinsou ne peut pas s’engager pour ça. Ça ne peut qu’être une action d’Etat. C’est des relations diplomatiques, des relations juridiques. Il s’agit vraiment d’une conversation d’Etat à Etat. C’est pourquoi je dis aux gens que ce n’est pas une pétition citoyenne qui va changer la donne et qui va permettre de résoudre le problème, puisque les gens se mobilisent sur les réseaux sociaux. Les réseaux sociaux, c’est formidable pour faire des plaidoyers mais ici ce n’est pas ça qui va changer les choses.

Certes, le plaidoyer c’est assez important aussi parce qu’il faut parler du patrimoine, il faut parler d’histoire mais il n’y a pas que ça. Ce n’est pas qu’en faisant des tweets qu’on pourra récupérer le patrimoine.

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