Projet de révision de la Constitution: L’approche du consensus, selon le Gouvernement

Depuis que des acteurs du pouvoir Talon ont annoncé que le projet de révision de la Constitution est fin prêt pour être envoyé à l’Assemblée nationale, certaines voix s’élèvent, entre amalgames et opportunisme politicien, pour dénoncer la démarche du gouvernement et crier au scandale, parce qu’on chercherait à écarter le peuple.

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Pourtant, à l’analyse, on voit bien que ce sont ces manipulateurs qui abusent le peuple. Ces personnes, en mal de sensation ou de popularité, ou encore pour se faire remarquer du pouvoir, ne semblent rien y comprendre.

Que dit la Constitution elle-même en ce qui concerne sa révision ? Elle ne prévoit nullement le référendum comme solution première ou unique.

Pour rappel : Article 154 : « L’initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la République, après décision prise en Conseil des ministres, et aux membres de l’Assemblée nationale. Pour être pris en considération, le projet, ou la proposition de révision, doit être voté à la majorité des trois quarts des membres composant l’Assemblée nationale. »

Article 155 : « La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des quatre cinquièmes des membres composant l’Assemblée nationale. »

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De la lecture combinée de ces articles, il ressort que le projet doit franchir deux étapes. D’abord celle de sa prise en considération pour engager le processus de révision proprement dit. Ensuite, celle de sa validation proprement dite. Et là-dessus, le constituant de 1990 est explicite. Soit le projet ou la proposition emporte l’adhésion des 4/5e des députés composant l’Assemblée nationale et passe, soit il recueille au moins ¾ des voix de députés composant l’Assemblée mais ne réussit pas à rassembler les 4/5e des voix ; et alors la voie est ouverte au référendum qui validera ou rejettera le projet. Ou alors le projet manque carrément de rassembler au moins les ¾ des voix de députés et tombe. Il faudra alors, si l’on veut toujours réviser la Constitution, reprendre le processus selon les formes règlementaires et législatives requises.

C’est vrai que le Président TALON avait une approche différente de la démarche, qu’il a formulée lors de son historique entretien avec les médias et la société civile, le 1er août 2016. Il affirmait en substance : « Avant l’ultime étape de saisine du parlement, je pense recueillir, par une consultation en forme référendaire, l’appréciation de l’ensemble du peuple béninois sur les choix que j’ai opérés… »

Depuis, il a bien compris que cette démarche serait bancale et que la Cour ne manquerait pas de la remettre en cause. D’ailleurs, à l’issue d’un séminaire de réflexion sur le référendum organisé à Athiémé courant première semaine de septembre 2016, le président de la haute juridiction, le professeur Théodore Holo laissait entendre: « l’étude du contrôle de la régularité de la procédure nous a permis de savoir que la mise en œuvre du référendum est soumise à une procédure qui paraît plus exigeante lorsqu’il s’agit de la Constitution et dont l’inobservance ne peut échapper à la censure. »

Il est donc clair que la démarche suivie par le gouvernement est celle prescrite par la Constitution en vigueur. Suggérer une démarche contraire, c’est vouloir induire le président en erreur. Rien d’autre !

Maintenant, il est vrai que la Cour constitutionnelle exige la réalisation du consensus pour réviser la Constitution. Si cela est une exigence, ce qui n’est pas spécifié, c’est la façon de réaliser ce consensus. Là-dessus, plusieurs formules sont envisageables. Soit on organise de grandes assises pour en discuter, soit l’initiateur de la révision, en l’occurrence ici le président de la République, prend sur lui de consulter diverses composantes de la nation aux fins de recueillir leurs préoccupations et de les convaincre, soit encore le consensus peut-être l’expression de l’accord des institutions de la République.

En l’espèce, le président a évité de confier le soin à son seul gouvernement de mener les réflexions. Pour ce faire il a mis en place une commission pluridisciplinaire qui y a travaillé. Ensuite, il a pris le temps de mener des consultations  et de discuter avec divers acteurs de la vie sociopolitique sur le sujet. Enfin, l’Assemblée nationale, une fois saisie du projet, a la latitude, à travers sa commission des Lois, de consulter diverses composantes de la vie sociopolitique du pays. Toutes choses qui concourent à la réalisation du consensus. Celui-ci n’adviendra donc pas seulement du fait de rassembler des citoyens dans une salle pendant quelques jours.

Pourquoi c’est maintenant ou jamais ?

D’abord, le candidat Talon a promis, durant toute sa campagne, de procéder à une révision objective et ambitieuse de la Constitution. C’est, entre autres, sur cette base qu’il a été élu.

Le président ne fait donc que tenir sa promesse et on devrait l’en féliciter. D’autres candidats avaient aussi proposé la révision de la Constitution dans leur projet de société. Talon n’était donc pas le seul à identifier cette réforme majeure pour faire avancer le pays. Il avait même promis d’en finir à fin 2016. On peut donc se demander, à raison, ce que diraient ou ce qu’auraient fait ceux qui pensent aujourd’hui que cette réforme n’est plus nécessaire ou que le temps ne s’y prête plus, si elle avait été engagée pour aboutir déjà en décembre dernier.

Malheureusement, ceux qui avaient voulu d’une révision opportuniste pour prolonger leur séjour dans les arcanes du pouvoir, parce qu’ils ont échoué, en grande partie grâce à l’engagement de Talon, pensent lui régler des comptes en l’empêchant de procéder à la révision.

Or, la différence fondamentale entre eux, c’est que si eux voulaient de la révision pour s’éterniser au pouvoir, lui la veut pour limiter son séjour à la tête du pays, et pour donner une dimension plus grande à notre démocratie (rééquilibrage des institutions, réelle indépendance de la justice, fin de l’impunité pour les dirigeants (procédure revue pour la poursuite des ministres notamment. On comprend alors la hantise que cela crée chez certains), etc.)

La révision prônée par Talon, c’est donc celle des ambitions pour faire du Bénin un grand pays démocratique.

En outre, le pays jouit d’une accalmie électorale actuellement et nous sommes encore en début de mandat. Les révisions en période électorale sont déconseillées, car couvertes de suspicions, autant que celles en fin de mandat le sont, tant la tentation est alors grande pour les gouvernants de s’octroyer une prolongation de bail.

C’est maintenant parce qu’après, la Constitution va induire de grandes avancées, (harmonisation des mandats des institutions, rationalisation du paysage partisan (ici, il faut préciser, puisque cela fait peur à certains apprentis politiciens, que l’objectif n’est pas de limiter le nombre de parti. Mais de faire en sorte qu’il y ait de véritables grands partis, quitte à ce que d’autres, beaucoup moins importants, voire marginaux, cohabitent avec eux) ; rationalisation du calendrier électoral (couplage législatives et communales) pour solliciter moins les citoyens aux urnes, économiser un peu pour consacrer de substantielles ressources à d’autres priorités, mais aussi consacrer plus de temps à l’œuvre de développement plutôt qu’aux joutes électorales…

En outre et c’est tout aussi important, Talon a promis le mandat unique. Par son engagement, il montre que ce n’était pas une promesse électorale. La facilité pour lui aurait été, en effet, de se dédire et de chercher à rester plus longtemps au pouvoir. C’est la mode sous nos cieux. Or, au contraire de cela, il veut concrétiser cette promesse. Que veulent donc ceux qui s’emploient à dénoncer, plus par mauvaise foi que par souci du Bénin, ses réformes ? Lui demander d’oublier le mandat unique et de faire dix ans, sachant que généralement, dans notre pays, le président en exercice qui organise les élections les gagne ou se fait maintenir en fonction ?

Enfin, il convient de se demander dans combien de temps le pays bénéficiera d’une conjoncture politique comme celle-ci, où il n’y a pas d’élections immédiatement en vue, et où les débats sur la révision peuvent donc se faire en toute quiétude ?

Au total, il apparaît évident, qu’en toute objectivité, et par réalisme politique, les temps sont bien favorables à une révision sereine et ambitieuse de la Constitution. Cessons donc de jouer à nous faire peur, cessons d’abuser le peuple et regardons l’avenir de notre pays. Car, il se déduit bien des propositions formulées par le Gouvernement, que le président Talon n’a aucun intérêt personnel ou égoïste dans la révision, si ce n’est le caractère historique que cela revêtirait

Fred Mensah
Sociologue (Contribution)

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