La révision de la constitution comme le soutiennent, à tort ou à raison certains citoyens de bonne ou de mauvaise foi, ne sera jamais le monopole ni de l’exécutif …Par courrier n° 0373 PR /SGG/SP-C, du 15 mars 2017, le Président de la République a saisi le parlement béninois du décret n°2017-170 du 15 mars 2017 portant transmission à l’Assemblée Nationale du projet de loi portant modification de la Constitution du 11décembre 1990, aux fins de son examen en session extraordinaire et en procédure d’urgence.
Aux termes de cette correspondance, datée du même jour que le décret, indiscutablement, le parlement sur requête expresse du Président a été saisi pour examiner le projet dit de modification de loi sous une double urgence. Il est entendu que le recours à une session extraordinaire n’est pas moins l’expression d’une urgence.
Pour asseoir constitutionnellement cette expresse requête, le Président de la République a évoqué les dispositions de l’alinéa (sans précision du numéro) de l’article 88 de la Constitution et de l’article 78 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale, ainsi qu’on peut deviner l’alinéa premier de l’article 88 de la Constitution, comme prescrit :
« L’Assemblée Nationale est convoquée en session extraordinaire par son président, sur un ordre du jour bien déterminé, à la demande du Président de la République ou de la majorité des députés ».
Ensuite il est disposé aux alinéas 2 et 3, ce qui suit :
« La durée de la session extraordinaire ne peut excéder quinze jours.
L’Assemblée Nationale se sépare sitôt l’ordre du jour épuisé»
L’article78 du Règlement Intérieur de l’Assemblée Nationale sous le titre III : Procédures Législatives, Chapitre I : Procédure législative ordinaire énonce :
« La discussion d’un projet de loi, d’une proposition de loi, ou d’une proposition de résolution peut-être demandée par le gouvernement ou par dix députés.
L’Assemblée Nationale statue et se prononce sur l’opportunité de la discussion immédiate à main levée et sans débat. »
Il importe de faire observer que leRèglement Intérieur de l’Assemblée Nationale au titre de l’article 79 a pertinemment prévu les modalités de la procédure d’urgence, comme suit :
« Lorsque la discussion immédiate est acceptée par l’Assemblée Nationale, la commission compétente est mise en demeure d’avoir à présenter son rapport dans le délai qui lui est fixé par l’Assemblée Nationale. A l’expiration de ce délai, l’affaire vient en discussion au besoin sur un rapport verbal de la commission. »
Une lecture de ces diverses dispositions montre à suffisance que ce qui passe actuellement viole la Constitution.
En effet, il est notable qu’après avoir voté l’irrecevabilité de la procédure d’urgence comme demandée par lePrésident de la République,l’Assemblée Nationale ne pouvait plus poursuivre dans ce cas le processus d’examen du projet dont il est saisi. Il est sans conteste que le vote de rejet ou d’irrecevabilité de la procédure d’urgence, comme en toute matière a dessaisi le parlement d’un examen subséquent du texte. De doctrine constante, en raison même du principe de la séparation des pouvoirs, il n’appartient pas au législateur de modifier de sa propre initiative le contenu du décret pris par l’exécutif, fût-il dans une démarche de collaboration dite de démocratie apaisée.
Dans tous les cas, telle procédure vient en contradiction avec les dispositions de l’article 79 du Règlement Intérieur, en ce que le parlement a osé affecter le texte à une commission, comme, si elle voudrait mettre en application l’article 78, sans avoir au préalable voté.
Or dans les conditions ainsi réunies, le parlement n’avait qu’à renvoyer au Président de la République sa requête afin de se conformer à la procédure en vigueur.
Mais en agissant, comme il l’a fait, le parlement a inventé de toute pièce une procédure pour satisfaire une cause inavouable, contraire aux dispositions de l’article 89 de la Constitution, en ce qu’il a prescrit impérativement en son alinéa 1 :
« Les travaux de l’Assemblée Nationale ont lieu suivant un Règlement Intérieur qu’elle adopte conformément à la Constitution. »
De ce point de vue, le Règlement Intérieur s’était bien doté d’une procédure spéciale en matière de révision de la Constitution aux termes de son chapitre III, section 2, article 99.
Il s’ensuit qu’il n’existe point une procédure relative à l’examen d’une modification de la Constitution, tant il est vrai que jamais la loi des lois, la Constitution quoique promulguée sous forme d’une loi ne sera jamais considérée, ni traitée dans notre droit positif, comme une loi ordinaire.
C’est pourquoi, la procédure suivie aujourd’hui par le parlement encourt une nullité absolue, parce que radicalement en fraude à la légalité constitutionnelle et transpire une collusion de duperie du peuple pour se tailler une constitution assurant un maintien au pouvoir des anciens et nouveaux princes.
L’ambiance est à la supercherie pour la rente étatique et l’élite béninoise continue de mettre en berne la connaissance et l’intelligence humaine. La descente propagandiste sur le terrain sous l’enveloppe d’une vulgarisation du projet de révision respire un complot contre le peuple et accroît la crise de confiance entre celui-ci et ses gouvernants. Les théories sur la beauté du texte et la légalité de la procédure fusent de toutes parts, au gré des intérêts bassement matériels, insultant la morale et la logique primaire du citoyen lambda.Cependant, c’est de son avenir qu’on discute et il en est exclu.
Seulement, importe-t-il de rappeler aux uns et autres que la constitution est le pacte national, la convention régissant le vivre ensemble de tous les Béninois d’aujourd’hui et pour le temps qu’elle existera.
La Constitution est la matrice de la république et ce n’est jamais le contraire. La révision peu importe la profondeur des modifications apportées constitue une atteinte à ce qui avait été convenu à un moment donné de l’évolution sociopolitique du peuple.
Elle est donc trop précieuse et de charge sociale et politique énorme pour être concoctée à l’insu du peuple, ou tout simplement traitée dans un obscur voile technique et citoyen.
Dans tous les cas, le principe de la république dans un Etat moderne démocratique de droit, est et demeure : « Le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple », comme le dispose l’article 4 de la CONSTITUTION de 1990.
Par conséquent, en dépit de tout, aucune double urgence, aucune légalité constitutionnelle, ne peut être excipée pour conduire le processus d’une révision de la loi des lois, du pacte social national, comme cela se fait aujourd’hui
La révision de la constitution comme le soutiennent, à tort ou à raison certains citoyens de bonne ou de mauvaise foi, ne sera jamais le monopole ni de l’exécutif, encore moins de la représentation nationale. Les articles 154 et 155 de la Constitution de 1990 n’ont jamais donné une telle exclusivité au parlement. Le cas échéant, cela contredirait le principe universel, selon lequel, le mandataire ne peut avoir plus de pouvoir que le mandant. Les députés restent et demeurent, en effet, les mandataires du peuple souverain, qui ne peut se dessaisir de sa souveraineté sur une question de sa survie. Et ce n’est donc pas un hasard, si l’article 89 de la Constitution française a prévu la voie normale de la révision en ce qu’il précise : « La révision est définitive après avoir été approuvée par referendum. » Pour autant, ce même article a exigé un examen préalable du projet ou de la proposition de révision par les deux chambres assorti d’un vote dans des termes identiques par les deux Assemblées. Cette formule d’approbation préalable du texte de la révision par les élus du peuple, s’il faut se référer au mode béninois, n’a pas pu empêcher le recours à la censure du souverain national à travers sa consultation par le referendum.
Toujours est-il que l’article 89 français quasi-recopié sans les nuances appropriées par les articles 154, 155 et 156 de la Constitution de 1990, a fait de la révision par voie parlementaire exclusivement une dérogation à la voie normale. Le BENIN de 2017 est en droit de s’en s’inspirer, si tant que le souverain national en 1990 a bien prescrit à l’article 159, que : « la présente Constitution sera soumise au referendum. » N’est-ce pas ladite Constitution qui est en passe de révision ?Sous cette prescription la révision d’un seul article est déjà très majeure pour la vie d’une société moderne, pour que cela fasse l’affaire d’une fraction du peuple, ou du duo exécutif et législatif, peut-être la Cour Constitutionnelle dans notredroit positif. Ça n’est pas démocratique, ni constitutionnellement acceptable.
Soyons raisonnables, saisissons sans passion, ni calcul, ni docte science, ni occultisme politicien, le sens et la portée du pacte social dans la vie d’une nation, surtout fragile comme la nôtre, sans vie partisane et citoyenne réelle.
Alors avec générosité et un peu de patriotisme, taisons les incantations juridiques et allocutives, les vacarmes et tintamarres antagonistes mus par des d’intérêts de classe, afin de rompre avec le processus actuel de la révision de la Constitution qui pue franchement le tripatouillage et l’opacité, alors que tout devrait se passer autrement.
Il ne s’agit point d’une question de la réalisation d’un fameux consensus sous les oripeaux du respect d’hypothétiques options fondamentales de la Conférence nationale, mais il est question de nous regarder en face dans toute la transparence requise et l’amour de la patrie pour envisager ensemble les correctifs idoines pour raviver les ressorts désarticulés de notre vivre ensemble. C’est le prix à payer après nos années d’errance et de ruse démocratiques. La révision de la Constitution est une occasion de sursaut patriotique et de redressement du pays, si nous le voulons telle et la voie est celle de la vérité et non de l’exercice occulte d’un pouvoir par les députés et le gouvernement, avec l’accompagnement des affidés insatiables, le peuple ne restera pas toujours insensible à la supercherie à la duperie de ses classes élitistes .
Amzat Bio Samari
Enseignant
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