Bénin : La réalité des faits, la vérité des chiffres

Prenons l’habitude de chiffrer nos dérives. Efforçons-nous d’évaluer nos ratés. Obligeons-nous d’estimer nos rendez-vous manqués. Sec et sûr est le discours des chiffres

Pauvres. Sous-développés. Déshérités. Endettés. Très endettés… Ceux qui nous situent à la périphérie du monde ont tant de mots pour diagnostiquer nos maux. Merci pour le miroir qu’ils nous tendent. Mais nous avons des raisons de préférer à leur miroir celui de Socrate. Il est impersonnel. Il est impératif : « Connais-toi, toi-même ». Au motif que personne ne peut penser avec la tête d’autrui. Alors, prenons l’habitude de chiffrer nos dérives. Efforçons-nous d’évaluer nos ratés. Obligeons-nous d’estimer nos rendez-vous manqués. Sec et sûr est le discours des chiffres.

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Le retard au travail, traversé, de temps à autre, par un absentéisme de mauvais aloi, c’est l’un de nos sports favoris. Combien coûte-t-il au développement de notre pays le retard érigé en habitude, en un art de vivre ? La conscience de la faute et la résolution pour une probable réparation sont à la mesure d’un chiffre. Il aura la vertu de fouetter nos consciences. Aussi devons-nous nous imposer le devoir de le chercher, de le trouver. C’est en sachant, chiffres en main, tout le mal que nous nous infligeons que nous nous disposerons à faire ce que nous devons.

La grève, chez nous, est un droit constitutionnel. Selon l’usage que nous en faisons, elle prend la forme et l’allure soit d’une arme salutaire, soit d’une arme dangereuse de destruction massive. De ce fait, qui a recours à la grève se met en position d’en user pour le meilleur ou d’en abuser pour le pire. N’est-il pas temps, dans notre pays, que nous cessions d’aller en grève comme l’on rentre dans un moulin ? Le souci premier doit être de savoir ce que coûte à l’économie nationale toute grève. La préoccupation première doit être d’estimer les préjudices de tous ordres, dégâts collatéraux en sus, infligés à autrui. Prenons la peine d’évaluer les conséquences des grèves sans service minimum dans certains secteurs sensibles. Se battre pour ses droits, réclamer quelques sous dus, quoi de plus légitime. Mais mépriser autant l’être humain, c’est criminel.

L’embouteillage ou le « go slow », c’est le triste spectacle quotidien qu’offrent les principales artères d’une grande cité comme Cotonou. A force de le vivre, on s’accommode au désordre. Et ce qui pénalise tout le monde finit par ne plus déranger personne. Quoi faire ? Il n’y a que l’électrochoc des chiffres pour faire fondre notre torpeur. Faisons calculer le temps que nous perdons dans ces embouteillages. Ayons une idée chiffrée sur le volume et sur le coût du carburant que nous brûlons dans ces « go slow ».

Toutes les fins de semaines, nombre de localités de notre pays se transforment en de vastes esplanades de fête. Obsèques, mariages, baptêmes, célébrations communautaires… ce sont là autant d’occasions de retrouvailles et de bombance. Cela sonne et résonne comme une démonstration publique de force et de prestige. Des millions de nos francs sont ainsi flambés sur l’autel de l’illusoire et de l’éphémère. Ceci, dans un environnement où on est loin d’avoir les trois repas/jour. Dans un milieu pauvre où des milliers de bonnes femmes attendent 30 000 francs de microcrédits comme la chance de leur vie.

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Que nous coûte exactement le fait de choisir de tourner nos têtes, nos yeux et nos bouches vers l’extérieur, entourant d’un mépris souverain tout ce qui mérite, chez nous, d’être estampillé et labellisé « Made in Bénin » ? Nous dépensons des milliards de nos francs à enrichir ceux chez qui nous allons quêter aide et charité. Nous ne mangeons pas ce que nous produisons. Nous ne nous produisons pas ce que nous mangeons. Avons-nous une idée de ce que coûte à l’économie nationale l’importation de la farine de blé ? Sachons que le pain que nous aimons tant est cher. Il coûte cher au pays.

Les citoyens auraient pu se porter partie civile contre l’Etat du fait du délestage intempestif quotidiennement subi. Un délestage qui coûte cher aux individus, aux ménages, aux entreprises, aux administrations, aux collectivités. Il aurait fallu chiffrer le préjudice. Il aurait fallu s’en faire une idée exacte, pièces en main. Au cas où on l’ignorerait, des citoyens qui s’illustraient dans des petits métiers, tels des soudeurs, des brodeurs, des artisans et autres ont été acculés à la faillite. Plus que des métiers biffés, ce sont des vies qui ont été brisées. Donnons raison à André Malraux : « La vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie ».

2 réponses

  1. Avatar de Tundé
    Tundé

    Toujours célèbres, les écrits dun doyen. Ses questions de fond restent souvent sans commentaires, alors qu’elles posent les grandes problématiques de vie au Benin.
    Ce syndicalisme sauvage et outrancier qui prend tout le pays en otage doit être réformé. Nous sommes au delà de l’esprit de la constitution qui a voulu une liberté integrale d’association.
    Les communistes ont eu une brèche, pour contrôler la mane des cotisations des travailleurs qui leur permet d’exister dans le paysage politique. Le PCD est la source nourricière du syndicalisme sauvage.
    Il faut des réformes drastiques.

    1. Avatar de CODJO ATAKOUN
      CODJO ATAKOUN

      Réformes sui consisteraient à éliminer les communistes et autres fouteurs de merde dans notre bonne société, Tundé ?

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