Réformes structurelles du patrimoine béninois: péril en la demeure ?

Pour beaucoup de spécialistes, la mise en œuvre du projet souvent servie par choix hasardeux, semble en décalage avec les perspectives qui lui sont assignées.A peine « la rupture » a amorcé son virage qu’une grande agence du tourisme et du patrimoine a été créée, structure nationale dotée de moyens fort conséquents avec, à vue de nez, des objectifs bien définis et nettement perceptibles. Il s’agit de procéder à la réhabilitation des sites les plus fabuleux du patrimoine culturel et historique du pays en vue de leur exploitation touristique.

Projet phare du président de la République, appuyé et enrichi par le PAG, cette initiative était partie pour impacter de manière durable la filière avec, pour conséquences, le développement des secteurs connexes. Malheureusement, pour beaucoup de spécialistes, la mise en œuvre du projet souvent servie par choix hasardeux, semble en décalage avec les perspectives qui lui sont assignées.

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Le premier exemple, c’est la défiguration programmée d’un des sites les plus emblématiques du patrimoine historique, le musée-palais d’Abomey. Cette institution ferait l’objet, si l’on croit le rapport des responsables, d’une réhabilitation du domaine avec l’érection in situ d’un espace dédié aux spectacles vivants avec acoustique et éclairage sophistiqués. Des archéologues étrangers, notamment français et américains y ont été invités pour en étudier la faisabilité.

Mais ils ignorent sans doute qu’une telle initiative est en violation flagrante avec les principes sacro-saints de l’UNESCO. La vénérable institution qui a consacré le site du palais d’Abomey « patrimoine mondial de l’humanité » exige entre autre, pour continuer à bénéficier de son label, qu’aucune construction ne vienne en altérer la forme, ni l’esprit ayant présidé à son édification originelle.

Ces choix risqués auraient pu être évités et auraient fait économiser du temps et de l’argent à l’État béninois si les compétences locales avaient été associées.Je parle notamment des universitaires qui ont travaillé sur le site pendant plus de vingt ans avec des documents consultables au département d’histoire et d’archéologie du campus d’Abomey-Calavi. Je parle aussi des cadres de l’École Africaine du Patrimoine dont l’expertise est réputée pointue.

Informés par hasard de l’impensable qui était en train d’être commise,les universitaires ont protesté, dénonçant l’amateurisme et la légèreté avec laquelle les choses sont menées. Car le projet, tel qu’en lui-même,aurait coûté au Bénin le déclassement des palais royaux d’Abomey des sites de l’UNESCO. Or, il y a peu, ces lieux étaient sur la liste du « patrimoine en péril » parce que leur restauration avait été longtemps compromise, faute de financements. On a l’impression qu’au Bénin, on ne s’appuie jamais sur l’existant pour progresser.

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L’autre exemple, c’est celui de Ouidah avec la fameuse Route de l’Esclave, itinéraire connu des trafiquants du « bois d’ébène » dont le début se situe plus au nord, vers Allada et la fin, sur les plages blondes de Ouidah. Les frères de la diaspora ou les afro-descendants dont les souvenirs sont ancrés dans cette partie douloureuse du continent, font habituellement ce pèlerinage non pour revivre cette époque, mais pour comprendre ce qui était arrivé à leurs aïeuls.

Certes, l’émotion accompagne leurs pas dans la connaissance de cette souffrance, mais ils entendent, avant tout, vivre la catharsis pour se débarrasser enfin de cette mémoire saignante. Dans ce cas, les travaux de réhabilitation de la Route de l’Esclave doivent, sur Ouidah, garder l’authenticité des lieux en même temps qu’ils doivent respecter la vie actuelle des habitants.

Or, d’après mes informations, il s’agirait d’une reconfiguration à l’identique des sites qui ont vu l’histoire en déroulé. Dans ce cas, quelle époque va-t-on privilégier? Le XVII ème siècle, le XVIII ème ou le XIXème ? La place Chacha, naguère marché des esclaves, va subir quel genrede reconstruction ? Sera-t-elle isolée ou intégrée à la vie ordinaire des habitants ? Ou sont-ce alors les habitants qui porteront les habits d’époque pour être au diapason ? Les mêmes questions se posent tout au long de l’itinéraire de cette route sans qu’on sache ce qui relève, en réalité du tourisme, ou ce qui appartient à la vie quotidienne des citoyens.

On pourrait ajouter à ces projets d’autres initiatives concernant les sites comme Ganvié. Mais on nous opposera encore une fois des images en 3D comme gage de la qualité du travail. Mais on sait depuis toujours que si la forme garantissait le contenu, la princesse Ahluipkonou aurait été la femme la plus intelligente que le pays fon ait jamais connue

Florent COUAO-ZOTTI (Contribution)

2 réponses

  1. Avatar de gombo
    gombo

    En fait ces gens du clan Talon ont une conception bassement mercantiliste de la culture…
    Soucieux d’engranger le meximum de profits pour eux et leur amis ils veulent transformer notre heritage en disneyland pour gogos ventrus et repus…
    Il faut vendre, monetiser la culture disaient ils dans le programme d’appauvrissement generalise alias pag…
    Que voulez vous quand des incultes revendeurs d’engrais chimiques ramassent le pouvoir du sol ou il est tombe ils ne peuvent en faire grabd chose de memorable!
    Il faut s’opposer a ces marchands d’illusions et les renvoyer a leur escroqueries du dimanche!

  2. Avatar de Alfred NAHI
    Alfred NAHI

    L’UNESCO vient de réagir contre ce projet du Gouvernement. L’UNESCO n’est pas la Cour Constitutionnelle du Bénin. On voit bien que le mal c’est immaturité de ce Gouvernement sourd qui croit tout connaître mais qui en fait confond tout.

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