Etonnant destin que celui du premier Président de la République du Renouveau démocratique béninois !Son régime est apprécié par tous les observateurs depuis un quart de siècle comme celui qui a le plus fait dans la voie de la modernisation économique et institutionnelle du pays. le redressement des finances publiques , les PADME, les PAPME, le Fonds National de Solidarité pour l’Emploi, les nationalisations les plus pertinentes, tout cela était parmi ses œuvres.
Cependant, la plus belle femme ne peut donner que ce qu’elle a ; cet inspecteur général des finances devenu administrateur de la Banque mondiale est certes un technocrate et un bon administrateur du développement, mais il est peu doué pour la politique politicienne ; au grand dam de ses partisans. En effet, on peut s’étonner qu’il ait négligé pendant la Transition et durant son premier et seul mandat des aspects décisifs de stratégie politico-électorale qui étaient pourtant nécessaires à sa réélection. Ce sont :
L’immunité inconditionnelle conférée au Général Mathieu Kérékou ne peut s’analyser par tout stratège politique que comme une erreur rédhibitoire exploitée habilement par ses adversaires de l’ancienne classe politique pour faire « remonter en haut » l’ancien grand camarade de lutte : en ce qu’il avait au sein du HCR la majorité nécessaire pour s’opposer avec succès à cette épée de Damoclès.
Les limitations d’âge au plancher et au plafond semblent à première vue l’arranger, mais c’était un mauvais calcul car personne n’avait alors la légitimité nécessaire pour le battre pendant cette élection présidentielle de 1991 ; le cas échéant, cela aurait été vécu comme un désastre que ses partisans corrigeraient très vite en 1996 sinon en 2001 ou plus tard !
Le non-contrôle de sa majorité politique dite le GCP (Groupe de Concertation Politique) et un certain manque d’autorité sur les chefs des partis politiques qui l’ont soutenu au premier tour. Réunis au sein de l’Ex-UTR, il y avait l’UDFP, l’ULD, le MDPS et le PTD/PTA dont les leaders étaient des Fon. Le président patrice Talon essaie de nos jours de faire mieux en se constituant un bloc de la Majorité Présidentielle (BMP).
Malgré ce que ses adversaires d’alors claironnaient, Nicéphore Soglo était profondément un démocrate dont la préférence allait plutôt à la social-démocratie. C’est là l‘une des raisons de sa réconciliation avec l’ancien rapporteur général de la Conférence Nationale, partisan connu d’une démocratie participative et d’une politique sociale hardie qu’il avait baptisée minimum social commun. On comprend qu’il ne peut pas adouber la manière cavalière et autoritaire dont a souvent voulu réviser notre Constitution !
Les rapports avec l’ancienne métropole et la cinquième colonne de la Françafrique l’avaient durablement brouillé avec les suppôts français ou africains de cette Françafrique. Or, c’était politiquement maladroit pour un ancien énarque ayant la double nationalité de sembler nourrir tant d’animosité pour la France et ses relations avec son pré carré, préférant une coopération sous-régionale au sein de la CEDEAO.
Le problème de la monnaie CFA est une obsession pour la France. Or, le Président Soglo était le seul chef d’Etat du pré carré à défendre le point de vue d’une monnaie unique de la CEDEAO sous le leadership du géant nigérian.
La préférence de Nicéphore Soglo va aussi pour une politique sous-régionale de défense toujours au sein de la CEDEAO avec le leadership du grand voisin nigérian.
Même s’il a perdu le pouvoir par le plus incroyable des hasards en 1996, Nicéphore Soglo reste attaché à ses points de vue qui contiennent la substance de la politique que doit mener selon lui tout nationaliste opposé à la Françafrique devenue l’archétype de la domination française en Afrique. C’est à cette aune qu’il évalue tous ses successeurs : le général Mathieu Kérékou bien sûr, mais surtout Boni Yayi et dans une certaine mesure le nouveau venu, le président Patrice Talon.
Le leader charismatique puis le président d’honneur de la RB conduisait l’opposition au régime Kérékou et au régime Yayi de 1996 à 2016 ; mais peut-on dire que les Soglo (père, mère et fils) sont derechef opposés à la politique de Patrice Talon ? Bien malin qui pourra le dire. D’ailleurs y a-t-il à l’heure actuelle de vrais opposants au régime de la Rupture, à part 13 députés des FCBE ? Il y a toute une théorie à élaborer sur la vraie nature de l’opposition politique en Afrique.
Aussi des leaders d’opinion du genre d’un ancien Président de la République comme Nicéphore Soglo et ses conseils avisés sont-ils nécessaires au bon fonctionnement de notre pays et à son développement ! D’ailleurs, on ne peut à proprement parler d’opposition que pour des partis ou mouvements politiques ; les individus eux ne peuvent être que favorables ou plus ou moins mécontents vis-à-vis du régime en place.
Dénis Amoussou-Yéyé (Contribution)
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