Bénin: Entretien avec le plasticien Philippe Hachémin

Philippe Hachémin raconte comment il en est arrivé à l’art, comment il y évolue, et ses ambitions.Artiste plasticien formé à l’Institut national des métiers d’art, d’archéologie et de la culture (Inmaac) de l’Université d’Abomey-Calavi, Philippe Hachémin est un passionné de l’art qui ambitionne de se faire une place dans le domaine des arts plastiques.

Dans une interview qu’il nous a accordée à son domicile le vendredi 05 mai 2017 à Cotonou, l’artiste raconte comment il en est arrivé à l’art, comment il y évolue, et ses ambitions.

Vous avez opté pour une carrière dans les arts plastiques en tant qu’artiste, et vous vous êtes fait former pour ceci à l’Inmaac. Pourquoi un tel choix ?

J’ai été tellement influencé depuis mon enfance par les dessins animés japonais, que j’ai voulu faire carrière dans le domaine, mais j’hésitais entre les arts plastiques et l’architecture. Je voulais en réalité un métier qui me mettrait en relation permanente avec le crayon, qui était aussi ma passion. Je faisais des dessins soigneusement dans un cahier. Après l’obtention du Bac série A1, je suis rentré avec cette confusion de choix à l’université, où je me suis inscrit à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam). C’est en pleine année universitaire, que j’ai découvert, grâce à une amie, l’école d’arts du campus. Dès ce moment, mon choix est fait. J’ai opté pour les arts plastiques.

Est-ce à dire que vous avez abandonné les cours à l’Enam ?

Quand j’ai fait part de mon choix à mon père, il m’a dit : «tu suis déjà une certaine formation, alors termine là avant de passer à l’art». Mais heureusement ou malheureusement, à la fin de l’année, j’avais eu comme moyenne 11.84, insuffisant pour passer en année supérieure à l’Enam. Quand j’ai appris la nouvelle à mon père, il était déçu. Alors après réflexions, il m’a dit : «tu veux continuer ou tu vas faire ton art plastique ?» Sans hésiter, j’ai choisi les arts plastiques, et il me l’a accordé. Voilà comment je me suis retrouvé au département des arts.

Des années après, ton père et tes autres parents sont-ils heureux de ce choix ?

Mes parents m’ont accompagné dans ce choix. Ma mère, je l’ai malheureusement perdue à l’âge de 7 ans. Quant à mon père, je l’ai perdu il y à peine 2 mois. J’aurais aimé qu’ils soient toujours là, surtout mon père. J’avais sur mon père de grands projets, j’avais envie de lui faire découvrir le monde parce que je savais que le métier que j’embrassais me donnerait des possibilités énormes. Hélas ! C’est mon plus grand regret. Mais je pense qu’il a commencé à voir mon travail avant de partir.

Qu’est-ce qui vous inspire le plus dans vos créations ?

Franchement, je ne sais pas d’où me vient l’inspiration. Des propos, un souvenir, un film… c’est ce que j’entends, ce que je vis, ce que je sens. Je les transforme, mais parfois je ne sais pas comment a lieu la transformation parce que c’est hors de mon contrôle.

Avez-vous déjà fait une exposition ?

Plusieurs.

A quand remonte la première ?

C’était en 2015 dans le cadre d’un projet initié par l’artiste Laudamus Sègbo au Café des arts. Il a mis le matériel à notre disposition et on venait travailler sans thème. C’est là que j’ai eu ma toute première expérience. Nous étions 9 à exposer nos œuvres dont Gandhi Tomede, Franck Zannou, Carlos Balè et d’autres artistes.

Parlez-nous d’autres expositions de vos œuvres

En 2006, toujours au Café des arts, j’ai exposé lors d’un festival de cinéma organisé par un proche de Laudamus Sègbo, qui voulait joindre les arts plastiques au cinéma pour donner un nouveau public à son événement. Cette fois-ci, c’était sur un thème précis : «l’émancipation de la femme». Aussi, le 6 janvier dernier, j’ai fait une exposition individuelle toujours dans le même espace.

Vous n’êtes pas encore sorti de cette galerie avec vos œuvres ?

Si. Ma quatrième exposition a eu lieu à Lomé au Togo dans la galerie « Agnansandzopé’’ de Claudio Kunakey. J’ai pris aussi part au 6è workshop qui a eu lieu sur le campus d’Abomey-Calavi, dans le cadre d’un colloque international le 3 mai 2017.

En dehors de ces expositions, de quoi d’autres est fait votre parcours ?

J’ai aussi fait des performances. Au cours de la première exposition, Laudamus Sègbo avait organisé un conte-sketch récité par des enfants. Moi, j’étais dans un angle de la scène en train de peindre le conte, pendant que les enfants le racontaient. J’ai réalisé une autre performance au cours de la «Nuit poétique», édition 2017, à l’Institut français du Bénin à Cotonou. C’était une performance de Body painting avec un mannequin qui m’a servi de modèle. C’était un travail préparé avec Laudamus Sègbo.

Visiblement, Laudamus Sègbo est votre référence !

C’est mon maître de stage. Ce monsieur m’a donné ma chance dans le domaine. Il m’a ouvert beaucoup de portes que je ne pouvais ouvrir en si peu de temps. Votre maître, on le connait comme le ‘’plasticien de la femme’’ avec des sculptures vivantes. Quant à vous, dans quelle branche des arts plastiques évoluez-vous ?

Ce que j’ai fait le plus, c’est la peinture mais je peux dire que je touche à tout. Je touche à tout. S’il y a une chose que je touche moins c’est la sculpture, parce que je n’ai pas vraiment commencé. Néanmoins je pense m’y mettre aussi. Je n’ai pas encore réalisé d’installation, mais j’en ai déjà conçu. Les plans sont déjà là et même dessinés, ils attendent juste d’être réalisés.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté ?

Dans le milieu plastique, je ne parlerai pas en terme de difficulté mais plutôt d’opportunité et de chance, parce qu’il y a des gens qui sont talentueux mais qui ne vont jamais éclore dans ce milieu. Il y en a d’autres qui ont moins de talents mais qui sont chanceux et arrivent à vite s’affirmer. En ce qui me concerne, mon milieu m’encourage.

Vos œuvres sont vendues ?

Le milieu artistique est extrêmement libre et imprévisible. On peut faire une exposition et ne pas vendre une seule toile. De même vous pouvez faire une exposition et tout vendre. En ce qui me concerne, il m’est arrivé de vendre lors d’un événement de mode auquel une amie a été invitée pour faire une prestation artistique. De façon inopinée aussi j’ai vendu des toiles à une sud-africaine que je ne connaissais même pas et avec qui un ami m’a mis en contact. Tout ceci pour vous dire que les ventes sont imprévisibles.

Donc, le métier vous nourrit ?

Oui. Mais c’est encore et toujours une question de chance. Un artiste quand il a la chance d’exposer dans des espaces reconnus, il a des opportunités de vente. Du jour au lendemain, son rythme de vie change. C’est une chance pour moi, je sens que j’ai embrassé une carrière d’avenir et surtout je suis très fier de ce que je fais. Mais est-ce-que je suis épanouis ? C’est le temps qui nous le dira.

Sur quels critères vous basez-vous pour fixer les prix de vos toiles ?

C’est toujours difficile pour moi de fixer le prix de mes toiles. L’idéal serait que je trouve un agent qui puisse le faire à ma place. Mes prix dépendent de beaucoup de facteurs. Je reconnais tout de suite que je suis un nom nouveau. Par rapport à cela, je n’ai pas la prétention de mettre de gros prix sur mes toiles. Mais je fixe mes prix en lien avec la dimension que j’ai travaillée, le temps que cela m’a pris et l’attachement émotionnel que j’ai avec la toile.

Outre l’art, que faites-vous d’autre ?

J’écris aussi des histoires fantastiques, des fictions ; j’écris du slam et de la poésie ; je danse ; je pratique du Rock n Roll dans un club de Cotonou, et je fais aussi du mannequinat. Il m’arrive également d’avoir des marchés de décoration d’intérieur et de peinture bâtiment. J’ai déjà tracé des parkings avec l’un de mes professeurs à St Michel.

Quelles sont vos perspectives ?

Pour l’avenir, en tant qu’artiste, j’aimerais bien avoir un grand atelier, aussi grand qu’il y aura toutes les gammes de matériels possibles et de toiles à perte de vue. Ce projet me tient à cœur et je suis déjà en train de voir où installer cet atelier.

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