Le magistrat Honoré Rufin Akpomey est décédé subitement le lundi 8 mai 2017 dans sa 60ème année, des suites de ce qui est apparu comme une attaque cardiaque.Il a été conduit à sa dernière demeure samedi dernier à Porto-Novo, après de longues heures d’hommages d’abord à la Haute Cour de justice, puis à la Cour suprême et une messe corps présent à la cathédrale Notre Dame de l’immaculée conception de la ville. Il devait faire valoir ses droits à une retraite paisible le 02 juillet prochain. Il n’en aura pas eu le temps. Il n’aura pas eu non plus le temps de célébrer son soixantième anniversaire, puisqu’il a tiré sa révérence trois jours seulement avant.
Le corps du magistrat Honoré Rufin Akpomey repose désormais au cimetière de Djègan -daho à Porto-Novo, depuis l’après-midi du samedi 27 mai 2017. Mais déjà dans la matinée, la dépouille mortelle, après la Haute Cour de justice, a été conduite à la Cour suprême pour une cérémonie d’hommages mérités à l’illustre disparu, précédemment conseiller à la Chambre judicaire de la Cour suprême, et Procureur général près la Haute Cour de justice.
C’était en présence du ministre de la Justice Me Joseph Djogbénou et d’un parterre de personnalités de la grande famille judiciaire, de parents et amis du défunt, encore sous le choc de sa mort subite. Ils étaient tous présents pour honorer la mémoire du magistrat, l’un des membres les plus éminents, les plus respectés et probablement les plus discrets, de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab), d’après la Présidente de la Chambre judiciaire de la Cour suprême, Dieudonnée Amélie Assionvi-Amoussou. (Lire ci-dessous l’intégralité de l’oraison funèbre de Michel Adjaka président de l’Unamab qui a l’a bien connu).
La cérémonie a été faite de témoignages émouvants notamment sur les 34 ans d’exercice professionnel d’un digne ressortissant Xwla –natif de Grand-popo-, qui a marqué son parcours professionnel d’honnêteté, d’intégrité et de rigueur d’après ses collègues qui regrettent fortement son entrée dans le repos éternel, depuis ce lundi 8 mai 2017 après une journée de travail intense. «Nous sommes tous dans un inconsolable chagrin» confie la présidente de la Chambre judiciaire.
«Une carrière riche»
Né le 11 mai 1957, marié et père de 4 enfants dont un garçon, Honoré Rufin Akpomey est entré en 1983 dans le corps des élèves administrateurs avec sa maîtrise en droit, option droit des affaires et carrières judiciaires, avant d’intégrer le rang des magistrats le 26 juillet 1985. Il est titulaire depuis 2003 d’un doctorat en droit privé de l’université de Perpignan en France. Sa carrière fut riche et marquée par une grande mobilité, sous le sceau de la diversité, témoigne Dieudonnée Amélie Assionvi-Amoussou, présidente de la chambre judiciaire de la cour suprême, représentant le président Ousmane Batoko en mission.
«Il a été successivement a-t-elle mentionné, juge des biens au tribunal de première instance de Cotonou, procureur de la République près le tribunal de première instance d’Abomey, président du tribunal de première instance de Kandi, vice-président du tribunal de première instance de Porto-Novo, Président du tribunal de première instance de Cotonou, Conseiller à la Cour d’Appel de Cotonou et Président de la Chambre sociale de ladite cour.».
La carrière du magistrat Honoré Rufin Akpomey, c’est aussi un bon moment dans l’administration du ministère de la justice en tant que, successivement, coordonnateur de la cellule technique du programme intégré de renforcement des systèmes juridiques et judiciaires, directeur de cabinet, directeur des affaires juridiques et de la coopération internationale à la cellule nationale de traitement des informations financières (Centif). Officier de l’Ordre du mérite du Bénin, il s’en est allé en laissant à ses collègues un modèle d’humilité, de dévouement, de détermination, d’excellence et d’amour du travail bien fait, qu’il a aussi su partager avec les nombreuses promotions d’auditeurs de justice -futurs magistrats- qu’il a encadrés. Paix à son âme.
Oraison funèbre de Michel Adjaka, Pdt de l’Unamab
Feu Magistrat Honoré Akpomey, un véritable combattant contre l’injustice et l’inculture
……Distingués invités, parents et amis du président Honoré Akpomey,
A
u nom de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (UNAMAB), je vous souhaite la bienvenue à la présente cérémonie d’hommages au président Honoré AKPOMEY,
La vie, selon Sénèque, a été donnée par le Créateur avec une condition, la mort. Autrement dit, la vie a pour but la mort, vivre, c’est accepter la triste réalité de la mort. La vie terrestre est un voyage vers la mort. La vie prépare à la mort, et la mort nous prédispose à la vie éternelle.
En tant qu’arrêt des fonctions organiques, la mort nous impose, sans voie de recours, sa décision. La fortune, le pouvoir et la force sont impuissants et parfois inutiles devant cette fatalité. Roi, sujet, riche ou pauvre, faible ou fort, nous devons tous tribut à la mort. Ceux qui nous ont précédés dans le paiement de cette dette sont, certes invisibles, mais ils demeurent encore à nos côtés.
Pour Victor Hugo, «Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents.» Selon Claudio Magris, ils «restent nos compagnons de route. Une histoire d’amour continue après la mort. La mort a beaucoup moins de pouvoir qu’on le croit. Elle fanfaronne un peu sans droit».
C’est par ces réflexions sur le rapport entre la vie et la mort que je me permets de prendre la parole en cette cérémonie solennelle d’hommages au président Honoré Akpomey, endormi dans la paix du Seigneur au Centre Hospitalier Départemental de l’Ouémé-Plateau, le lundi 08 mai 2017 dans sa soixantième année.
La disparition soudaine et cruelle du président Honoré Akpomey a plongé toute la famille judiciaire en général et la magistrature béninoise en particulier dans une profonde tristesse.
Nous sommes émus et perdus dans des interrogations sans réponses, dans la mesure où le président Honoré Akpomey a été beaucoup pour nombre d’entre nous. En effet, dans la vie, il y a parfois des gens qui marquent à jamais notre existence. Le destin les place sur notre chemin et, comme par magie ils influencent notre comportement et parfois notre façon d’être. Ils tissent sur nous une toile qui nous retient prisonnier de leur essence.
Pour beaucoup de magistrats, le président Honoré Akpomey faisait partie de cette catégorie de gens ayant façonné notre parcours professionnel. Le magistrat Honoré Akpomey était notre collègue, mais aussi un frère, et pour certains un confident.
Militant discret mais très actif de l’Unamab, l’illustre disparu avait placé sa vie sous le signe du combat contre l’injustice et l’inculture.
Son combat contre l’injustice, avait conduit après l’obtention en 1977 de son baccalauréat, le jeune étudiant Honoré Akpomey à entreprendre les études juridiques qui ont fait de lui magistrat après son intégration le 26 juillet 1985.
A la magistrature, le président Honoré Akpomey avait occupé successivement les fonctions de juge au tribunal de Cotonou, de procureur de la République près le tribunal d’Abomey, de président du tribunal de Kandi et de vice-président du tribunal de Porto-Novo.
Le 05 mars 1997, il fut nommé président du tribunal de Cotonou. Très tôt le nouveau président va se fait remarquer par ses qualités et sa probité à toute tentation. Son professionnalisme, surtout son hostilité aux incursions indues du pouvoir exécutif dans son office, notamment dans le dossier Sonacop Sa lui a valu de sérieux ennuis psychologiques et professionnels, de la part de ceux qui perçoivent le droit et la justice comme un instrument au service de la compromission et de la corruption.
Devenu le 14 février 2002 conseiller à la Cour d’appel de Cotonou, il a contribué par sa science, jamais soupçonnée, à s’imposer en tant que président de la chambre sociale.
Soucieux de contribuer à l’édification d’une justice véritablement indépendante, le président Honoré Akpomey accepta en 2006 d’occuper le poste de coordonnateur de la Cellule Technique du Programme Intégré de Renforcement des Systèmes Juridique et Judiciaire du Ministère de la Justice, avant d’être nommé un (01) an plus tard Directeur de cabinet du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme. C’est de ce poste que l’illustre disparu fut nommé et détaché au Ministère des finances en qualité de membre de la Cellule Nationale de Traitement des Informations Financières (Centif) où il a été Directeur des Affaires Juridiques et de la Coopération Internationale.
Le 12 octobre 2011, il a été sollicité par la Cour suprême où il fut nommé conseiller à la chambre judiciaire, puis président de la section chargée des affaires foncières.
En 2015, élu par ses pairs, cumulativement avec ses fonctions de conseiller à la Cour suprême, Avocat Général près la Haute Cour de Justice, le président Honoré Akpomey deviendra en 2016 Procureur Général de cette juridiction.
Dans son combat contre l’inculture, le président Honoré Akpomey, en dépit de ses multiples occupations familiales et professionnelles, a poursuivi ses études universitaires et a obtenu en 2000, un diplôme d’études supérieures en droit fondamental organisé par les universités de Nantes et de Paris X Nanterre. En 2003, il décrocha avec la mention très bien à l’Université de Perpignan en France un diplôme d’études approfondies. Loin de se contenter de ses efforts académiques, le président Honoré Akpomey a couronné ses études universitaires d’une thèse de doctorat qu’il a soutenue en juin 2015 avec la mention très honorable suivie des félicitions du jury à l’Université de Perpignan en France sur le thème: L’Etat de droit au Bénin : une délicate consécration.
Formateur depuis 2000 de plusieurs promotions d’auditeurs de justice sur la pratique des jugements en matière commerciale, le président Honoré Akpomey a œuvré à communiquer à beaucoup d’entre nous la technique de rédaction des décisions de justice. En tant que formateur, le président Honoré Akpomey n’est certes pas indispensable, mais il sera difficilement remplaçable.
En 2004, les valeurs de cet infatigable combattant de la justice ont été détectées et reconnues par l’Etat qui l’a fait Chevalier de l’ordre du mérite du Bénin.
En 2016, le président Honoré Akpomey a été fait Officier de l’ordre du mérite du Bénin.
C’est la mémoire de ce magistrat unanimement apprécié et respecté que nous saluons ce matin. Oui, homme de rigueur, le conseiller Honoré Akpomey était un modèle, un exemple, je dirai simplement un baobab de la forteresse que représente la magistrature béninoise.
Dans une discrétion parfois déroutante, l’homme incarnait à la fois la science, la sagesse, la politesse et la délicatesse. Ce monument très humble du temple judiciaire nous a indiqué le chemin, la voie à suivre pour libérer le pouvoir judiciaire des puissances politiques, sociologiques, financières et économiques qui ont de tout temps tenté de l’embrigader et de l’asphyxier.
Chers collègues, distingués invités et membres de la famille Akpomey, nous pouvons toute notre vie pleurer et déplorer le bref séjour terrestre de l’illustre disparu. Seulement, je nous invite à ne jamais perdre de vue que la vie ressemble à un conte où ce qui compte n’est pas sa longueur mais sa valeur et sa qualité. Très tôt le magistrat Akpomey a compris et fait sienne cette maxime sénéquéenne. Il a vite su qu’il importe de léguer à la postérité une saine réputation que l’or et le diamant de toute la planète ; car «Vanité des vanités, tout est vanité et poursuite du vent.»
Au-delà des larmes, je nous invite donc à honorer la mémoire de notre collègue, parent et ami par la duplication de sa leçon de vie à travers nos actes et comportements. J’ai la ferme conviction que cela lui ferait plus plaisir et il nous le revaudra depuis l’au-delà.
En cette instance d’hommages, la magistrature béninoise ne peut oublier la femme et les enfants du collègue disparu. Veuve Ida Maryse Akpomey née DIOGO, les enfants Gloria Christelle, Ghislaine Charbelle, Jasmin Kouassi et Ginette Elsie Akpomey, recevez les sincères condoléances de la magistrature béninoise que votre époux et père a honoré de son serment.
Trouvez dans son excellent parcours du réconfort moral et le ferme engagement à faire autant que lui, à défaut de mieux faire.
A la grande famille Akpomey, je réitère que la compétence, l’humilité, la probité et le sens du service public de votre fils Honoré ont positivement influencé plusieurs générations de magistrats. Ces valeurs, héritage de l’éducation familiale et de la riche culture Wxla, seront jalousement préservées, même s’il est difficile, avec la dissolution et la perversité ambiantes auxquelles notre société est en proie, de donner l’assurance qu’elles seront conservées et pérennisées.
Chers collègues et autres acteurs de la justice, pour mieux immortaliser la leçon de vie que nous a donnée le voyage terrestre de l’illustre disparu, loin des hommages, je nous exhorte, à nous laisser contaminer par son dévouement à l’œuvre de justice.
Pour aider son âme à obtenir le repos mérité, je nous supplie, en contrepartie des bons et loyaux services qu’il a rendus à la Nation, d’accompagner le président Honoré Akpomey de nos précieuses prières.
Depuis le 08 mai 2017, le président Honoré Akpomey est hors de nos vues, faisons en sorte qu’il soit constamment présent dans nos prières et que son âme aide la justice béninoise à être véritablement indépendante.
C’est la seule manière de lui témoigner notre gratitude.
Adieu, président Honoré Akpomey,
Que ton âme repose en paix !
Je vous remercie.
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