Si l’affaire du PPEA2 n’était qu’une banale affaire de réorientation des fonds vers d’autres projets, pourquoi le gouvernement d’alors ne l’avait jamais évoqué. Le scandale de détournement de 3 milliards de Francs Cfa dans l’affaire PPEA II, est revenu ces derniers jours à la une de l’actualité politique nationale, à la faveur de l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction du deuxième cabinet de Cotonou, en date du lundi 16 mai 2017.
Le juge d’instruction en charge du dossier a rendu une ordonnance de non-lieu. La chronologie des faits et la compréhension qu’il faut avoir de chaque acte de ce feuilleton de mauvais goût, suscitent des interrogations légitimes. Et que dire du discrédit jeté sur le Bénin dont les responsables au plus haut niveau ont été accusés de détournement fonds d’un gouvernement étranger ? Tout ça… pour çà ? En attendant la publication de l’intégralité de l’ordonnance de non-lieu du juge d’instruction Rodolphe Azo, pour en comprendre les motifs, il paraît néanmoins important de retracer l’affaire à travers quelques dates marquantes.
En 2013, il a été décidé de commun accord avec la partie néerlandaise, de renouveler le Programme Pluriannuel d’appui au secteur de l’Eau et de l’Assainissement (PPEA II), à la suite de la première édition qui a couru de 2007 à 2012. D’un coût global de 43,65 milliards de FCFA, la grande partie sera financée par les Pays-Bas. Le ministère en charge de l’eau et la direction générale de l’eau seront chargés de gérer les fonds, et d’assurer la mise en œuvre du projet PPEAII. Il va durer de 2013 à 2015.
Courant avril 2015, un rapport du cabinet Fudicia Consulting Group (FCG), chargé d’élaborer annuellement le rapport d’audit de gestion du PPEA II, révèle à travers le rapport de l’année 2014, que 3 milliards de Francs Cfa auraient fait l’objet de détournement.
Le 6 mai 2015, le gouvernement du Bénin n’ayant rien fait, la ministre néerlandaise du Commerce extérieur et de la Coopération au développement, Lilianne Ploumen, décide de la suspension de la coopération bilatérale directe, entre les Pays-Bas et le Bénin. Elle annonce que la reprise de la coopération sera tributaire des mesures que prendra le gouvernement béninois afin d’élucider le détournement.
7 mai 2015, le ministre de l’Economie et des Finances, Komi Koutché dément l’arrêt de la coopération entre les Pays-Bas et le Bénin ; parce que le Bénin n’a reçu aucun rapport d’audit selon lui. Les Pays-Bas confirment la suspension de la coopération et annoncent que les institutions du Bénin ont pris connaissance du rapport.
Au cours de la semaine du 7 au 13 mai 2015, le gouvernement va réagir. Des cadres de la direction générale de l’eau sont gardés à vue suite à leur interpellation par la brigade économique et financière. Au même moment, la partie néerlandaise réclame l’audit d’un cabinet international pour faire toute la lumière sur l’affaire, proposition acceptée par le gouvernement béninois.
La démission du ministre de l’eau, Barthélémy Kassa, intervient le 12 mai, bien qu’il ait nié auparavant toute implication.
Vendredi 24 juillet 2015, le cabinet de conseil américain Kroll, dépose son rapport d’audit sur la gestion du PPEA II au gouvernement. Le rapport révèle que plusieurs milliards des fonds hollandais alloués à ce projet ont été détournés avec l’implication d’un réseau de fraude. Le rapport indique un détournement de 2,6 milliards dans le PPEA II, et 5 milliards disparus dans d’autres ministères. L’identité des auteurs a été révélée par le rapport. La poursuite judiciaire des mis en causes dont les cadres de l’administration a été ordonnée. Le ministre Barthélémy Kassa a été cité par le rapport. Le document informe qu’il a été au courant des malversations sans réagir. Il sera soumis aux procédures de la Haute cour de justice.
25 juillet 2015, suite au dépôt du rapport du cabinet Kroll, la partie néerlandaise, par le biais d’un communiqué de presse, salue le travail, mais se dit gênée par l’envergure des faits. Les Pays-Bas demandent au gouvernement des propositions concrètes en plus des mesures prises par le conseil des ministres. Le communiqué indique que la reprise de la coopération entre le Bénin et les Pays-Bas sera tributaire des propositions et de leur application. C’est seulement sur cette base que peut reprendre l’aide néerlandaise de l’ordre de 95 milliards au Bénin, sur la période 2014-2017.
Le lundi 27 juillet 2015, un conseil extraordinaire des ministres a lieu sur convocation du président de la République. Il s’agit de statuer sur la suite à donner au rapport du cabinet Kroll, ainsi que du sort à réserver aux mis en cause, dont notamment Barthélémy Kassa. A l’issue du conseil, la ministre de la justice a été instruite de saisir l’Assemblée nationale afin de traduire l’ex ministre de l’eau devant la Haute cour de justice. La procédure de radiation des fonctionnaires impliqués est engagée. Les acteurs du secteur privé et propriétaires de sociétés impliqués dans le scandale ont été exclus de toutes les procédures d’acquisition de marchés publics. Il s’agit nommément de Codo Rémi, Rock Niéri, Tchokotan Kotchénou et leurs groupes. La ministre de la justice a été instruite à l’effet d’engager des poursuites contre toutes ces personnes, et de leur faire rembourser les fonds soustraits de manière frauduleuse. Le conseil des ministres a également décidé de notifier cette décision aux commissions de l’Uemoa et de la Cedeao. La décision de lancer un mandat d’arrêt international contre toutes les personnes citées dans l’affaire a été également prise.
Le 14 septembre 2015, le gouvernement du président Boni Yayi annonce par un communiqué la décision de la partie néerlandaise de reprendre la coopération. Cette dernière a estimé qu’avec les mesures prises par le gouvernement, un pas avait été franchi.
Le 28 juin 2016, le gouvernement du président Talon dépose un collectif budgétaire dans lequel le gouvernement a inscrit une ligne de crédit de plus de 2 milliards, pour rembourser la dette envers le gouvernement néerlandais.
Le vendredi 16 septembre 2016, un nouvel accord de financement a été signé pour amener de l’eau potable dans 21 communes. Et pour éviter que la fraude ne se reproduise, un nouveau mécanisme a été instauré : avant l’argent était géré directement par la Direction générale de l’Eau au ministère de l’Energie. Désormais, il le sera par la Caisse autonome d’amortissement, la SONEB et les 21 communes, sélectionnées. Pour décaisser les fonds, les Pays-Bas feront plus de contrôle, afin qu’il n’y ait pas de marché fictif, par exemple
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