Entretien avec Dieudonné Gnammankou: «Je suis persuadé que Porto-Novo peut devenir la capitale mondiale du livre»

Porto-Novo a vécu cette année une célébration particulière de la journée mondiale du livre.C’était la première édition de la fête du livre de Porto-Novo, tenue le 22 avril 2017 au Lycée Béhanzin. A l’occasion, les organisateurs ont porté à l’opinion publique leur ambition de faire de cette cité, la capitale mondiale du livre d’ici quelques années.

Approché, l’historien, écrivain et enseignant chercheur à l’Université d’Abomey-Calavi, Dieudonné Gnammankou, cofondateur et directeur scientifique du centre de la culture Akanga, nous livre les réelles motivations d’une telle fête, et ce sur quoi il compte pour atteindre son but. Interview.

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Lnt : Sur votre initiative, a eu lieu la première édition de la fête du livre de Porto-Novo. Quelles en sont les motivations ?

Dieudonné Gnammankou : Ce qui nous a motivés est très simple. C’est notre projet personnel de contribution à notre manière au développement du livre, de la lecture et de la littérature béninoise et africaine. Pour cela, il doit y avoir des événements littéraires réguliers. Et après un an de vie à Porto-Novo, nous étions tristes de n’avoir jamais été invités à assister à un événement littéraire ; tout se passe à Cotonou. Mais pour avoir ça, on a besoin de personnes et d’organisations qui veuillent promouvoir la littérature, et qui puissent motiver les publics à assister à des rencontres littéraires. C’est ce que nous avons commencé à faire au centre Akanga. Nous avons fait venir en septembre 2016, un grand écrivain africain inconnu au Bénin et même très peu connu en Afrique, Kama Syor Kamada, mais qui est pour moi l’un des plus grands écrivains africains contemporains. Il est à la fois auteur de poèmes, de romans et de pièces de théâtre. En faisant venir des écrivains de cette envergure à Porto-Novo, le centre Akanga espère créer une atmosphère et scuciter l’intérêt de personnes qui ont tenté des initiatives à Porto-Novo, mais ont été découragées.

Quel est l’objectif concret de la fête du livre de Porto-Novo ?

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Cette fête du livre a pour objectif de valoriser la littérature béninoise et de Porto-Novo. Membre du comité scientifique dirigé par le professeur Bienvenu Koudjo et qui a organisé le festival international de Porto-Novo, j’avais proposé qu’on incluse un salon du livre de Porto-Novo. L’idée avait été retenue initialement et un budget avait même été évalué ; mais finalement, les autorités de la ville pour des raisons dites « financières », ont abandonné le projet. J’en ai été très déçu, mais me suis ressaisi et j’ai réfléchi à comment organiser ici un événement littéraire, sans trop de moyens financiers pour faire venir de nombreux écrivains ou faire une grande fête du livre. J’ai donc expliqué le projet à un certain nombre de personnes et associations de la ville qui m’ont compris.

L’objectif principal est de démarrer avec quelque chose, parce que nous voulons rendre hommage aux écrivains de Porto-Novo et aux écrivains béninois. Cette première édition est en fait une sorte de répétition générale avant l’édition de 2018, qui aura lieu du 25 au 28 avril. Cette édition sera quelque chose de plus grandiose. Nous espérons plus de soutiens à cette occasion, afin d’inviter plus d’écrivains et de mobiliser un plus large public surtout.

Quels étaient les moments forts de la fête ?

Nous avons organisé une caravane du livre qui a ouvert la fête avec des marionnettistes, des comédiens, des bibliobus… Il y avait des stands de livres occupés par quelques éditeurs qui nous ont fait confiance et sont venus spontanément. Il y a également eu des conférences sur différents thèmes et toute une série de rencontres pendant la journée du 22 avril. Le public a ainsi pu rencontrer des écrivains et échanger avec eux. Le samedi 29 avril, nous avons clôturé la fête par la remise de prix aux lauréats de la grande dictée, lue par le slameur Kmal Radji au Lycée Béhanzin. Florent Coua-Zotti était alors dans les studios de la radio Bénin culture, pour lire le même texte en synchronisation. Le texte a apparemment été difficile à écrire, puisque personne n’a fait zéro faute. Celui qui a fait le moins de fautes en a fait dix. C’est un texte tiré d’un recueil de nouvelles du grand écrivain Olympe Bhêly Quenum. Il est intitulé «Années du Bac de Kouglo». Nous avons aussi créé un prix appelé « le Prix du jeune ambassadeur du livre ». Ceci, pour susciter l’intérêt pour la lecture au sein de notre jeunesse. Il convient de féliciter le jeune lauréat Alphalik Adamou, élève en classe de terminale qui a séduit le centre Akanga depuis plusieurs mois, par des actions bénévoles qu’il a menées.

Lors de vos conférences, quelques invités, notamment le professeur Tidjani Serpos, ont relevé que Porto-Novo dort dans le domaine de la littérature et regretté que cette ville n’ait encore décroché le titre de ‘’Capitale du livre’’. En réponse, vous avez confié que Porto-Novo en est capable. Sur quoi comptez-vous donc, avec l’état des lieux que vous avez exposé ci-haut ?

J’ai suivi de très près les sélections de 2014 et 2016 (Port Harcourt & Conakry). Mon épouse est camerounaise et a été sollicitée par la ministre camerounaise de la culture comme consultante, pour aider le pays à gagner. J’avais donc suivi de très près la façon dont le Cameroun a présenté son dossier à l’Unesco, et toutes les actions menées pour malheureusement perdre au final, (Yaoundé la ville en compétition au Cameroun en 2014 ndlr, n’avait pas été sélectionnée.). A  mon avis, ce résultat n’est pas étonnant, car Yaoundé n’avait aucun salon du livre.

Mais Conakry l’a emporté en 2016, toujours face au Cameroun !

Conakry l’a emporté grâce à un collègue à moi, Sansi Kaba, éditeur à Conakry. Il a en effet lancé un projet depuis 6 ou 7 ans : création d’une maison d’édition, organisation d’un salon du livre pendant plusieurs années, organisation régulière d’activités littéraires dans la ville, et incitation des autorités à mettre en place les conditions adéquates pour permettre le développement de la littérature à Conakry… Pour moi, Porto-Novo peut donc devenir capitale mondiale du livre. Si nous nous donnons 5 ans, nous pourrons présenter un bon dossier. Florent Couao-Zotti m’a appris d’ailleurs à ma grande surprise que Porto-Novo avait déjà présenté un dossier il y a une dizaine d’années, mais sans suite. Même aujourd’hui en 2017, Porto-Novo ne peut pas être retenue, malgré la présence de nombreux écrivains dans la ville.

Et pourtant vous pensez cela possible dans quelques années

Je suis persuadé que Porto-Novo peut devenir la capitale mondiale du livre. Nous sommes un certains nombre non seulement d’écrivains, d’intellectuels, d’acteurs du livre… qui pouvons faire de Porto-Novo ce qu’a écrit l’auteur Eugénie Dossa Quenum, dans son premier livre «Gény petit ange sorcier du Bénin», où elle disait que Porto-Novo était la capitale du savoir du Dahomey colonial et post colonial, les premières décennies après les indépendances. Nous pouvons faire de Porto-Novo une escale littéraire pour les grands écrivains, non seulement des pays voisins de l’Afrique de l’Ouest, mais de toute l’Afrique et de la diaspora. Nous avons des contacts avec des personnalités africaines du monde de la littérature, que nous pouvons faire venir à Porto-Novo pour promouvoir non seulement la littérature, mais aussi notre ville et le Bénin tout entier. C’est l’environnement intellectuel, littéraire, artistique et culturel, que nous voulons mettre en place : créer une industrie du livre au Bénin.

Comment ?

Nous devons mettre en place un plan de travail sur plusieurs années. Il faut mettre en place des infrastructures pour l’épanouissement du livre et de la lecture. Nous n’avons qu’une seule bibliothèque départementale à Porto-Novo, il faut qu’il y ait des bibliothèques de quartier ; il faut réactiver les bibliothèques scolaires ; il faut des bibliobus, des médiathèques, des espaces de loisir dédiés à la littérature, au théâtre, à la poésie. Il faut qu’il y ait des événements littéraires réguliers. Non seulement un grand rendez-vous littéraire annuel, mais aussi des rendez-vous mensuels, trimestriels, etc. pour faire la promotion des nouveaux livres qui paraissent, et des écrivains. Il faut aussi que la ville de Porto-Novo soutienne les acteurs du livre et aide à créer ces infrastructures et événements littéraires et culturels. Nous pouvons mettre en place toute une série de programmes. Et je demeure persuadé que si avec tous les acteurs locaux et nationaux, avec les autorités locales et nationales, nous décidons de nous fixer cet objectif, Porto-Novo peut devenir capitale mondiale du livre.

C’est là une condition importante ?

Que j’ai le soutien des autorités locales et nationales ou pas, je consacrerai toute mon énergie, mes contacts et mon expérience, à la réalisation de cet objectif, comme l’a fait Sansi Kaba à Conakry. Au début il était seul, c’était une initiative personnelle. J’étais à l’Unesco il y a trois ans, le soir où la ville de Conakry a été désignée capitale mondiale du livre… et je me suis dis : une ville béninoise doit être capitale mondiale du livre !

Une réponse

  1. Avatar de GbetoMagnon
    GbetoMagnon

    « Porto-Novo peut devenir la capitale mondiale du livre » n’ayons pas peur des mots ! 🙂 🙂

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