Les violences dans les couples ne concernent pas que les femmes. Nombres de maris, conjoints, concubins… subissent quotidiennement des agressions physiques, verbales et psychologiques, de la part de leur partenaire dans le couple. Votre journal a consacré un dossier à ce sujet peu ordinaire, placé dans le contexte africain et béninois surtout. Les violences conjugales sont les actes d’agression portés vers l’un ou l’autre des partenaires dans le couple.
Elles sont physiques, verbales ou psychologiques. En Afrique et au Bénin en particulier, les violences faites aux femmes et aux filles sont les plus connues et les plus fréquentes. Ces 10 dernières années, avec l’ampleur que prend ce phénomène social, des dispositions légales et spécifiques ont été prises par le législateur, pour protéger le sexe féminin contre tout acte de violence conjugale, et sanctionner les auteurs.
Mais à côté, il y a aussi des hommes qui dans le silence souffrent, parce que souvent victimes d’agressions physiques, verbales et morales, de la part de leurs épouses. En clair des hommes sont humiliés, menacés, maltraités, et parfois battus, par leurs compagnes. Certaines femmes deviennent des bourreaux pour leurs conjoints et règnent en reine.
Ils souffrent le martyre
Benoît T. (le nom de famille a été volontairement omis), la trentaine et de taille courte, fait partie de ces hommes battus qui vivent la souffrance au quotidien. «Ma femme me donne souvent des gifles et des coups de poing sur la tête». A la question de savoir pourquoi il est victime de ces agressions, notre interlocuteur dit être sans reproches.
François H., caissier dans une buvette de la place, est obligé des fois d’attendre que son épouse s’endorme, avant de rejoindre le lit conjugal, parce qu’il craint des sévices corporels de sa part. Il lui arrive parfois de fuir la maison et de découcher parce que dépassé par la pression et les violences.
Tout comme ces deux, Benjamin A., infirmier d’Etat, affirme être victime de violences conjugales. Dans son cas, il s’agit de violences plus subtiles, parce que moins agressives : Injures, mauvais traitements, comportements désobligeants pour l’énerver, etc. sont des actes qu’il subit quotidiennement de la part de sa conjointe. « Je me fais fréquemment insulter et elle me néglige. Mais j’essaie avec le tempérament et l’âge de ne pas faire d’histoires autour», dit-il.
Tata Massouratou, chef du centre de promotion sociale d’Abomey-Calavi, nous a confirmé qu’effectivement des hommes subissent des actes qui portent atteinte à leur intégrité physique et morale, et qu’il arrive que son centre soit sollicité pour des règlements à l’amiable.
Un conseiller conjugal raconte le récit d’un mari qui, «un jour en pleine consultation, déchire sa chemise en s’exclamant : regardez ma poitrine, pourriez-vous accepter que l’on maltraite votre jeune frère de cette manière? Depuis des années je l’ai accepté mais là je n’en peux plus. Au départ je l’excusais en me disant que c’est dû à un excès de colère, mais elle exagère de jour en jour et je dois subir ses morsures, ses griffures etc. Maintenant c’est à elle de choisir, elle change ou je m’en vais.».
Malheureusement, l’orgueil masculin lui a tristement fait ajouter en baissant le regard: «je voudrais que tout ceci reste entre nous». Selon le même conseiller, un autre est traumatisé du fait qu’après 22 ans de vie commune, sa femme lui impose des scènes pornographiques. Mieux, elle interdit à sa famille d’avoir accès à leur domicile. Elle en vient parfois aux mains en poussant avec force et brutalité son époux sur le lit. Mais pour toute réponse, l’homme dit avoir peur de la tuer, rien qu’avec un coup.
Nous n’avons pas pu avoir de statistiques précises sur les violences conjugales faites aux hommes pour la réalisation du dossier, mais le fait existe et il est récurent.
Le chômage technique, le complexe d’infériorité, la jalousie maladive, l’irresponsabilité du conjoint…
Selon Tata Massouratou, chef du centre de promotion sociale d’Abomey-Calavi, l’irresponsabilité de certains hommes en ce qui concerne leur rôle de chef au foyer, est source de violences conjugales. L’alcool, la drogue, et l’impuissance sexuelle, sont également à l’origine des mésententes dans le foyer. Les hommes qui n’arrivent pas à satisfaire leurs conjointes au lit sont mal vus et considérés comme faibles. Dans le cadre de la réalisation de ce dossier, nous avons eu l’occasion d’échanger avec deux femmes au foyer qui se bagarrent régulièrement avec leurs hommes. Il en ressort qu’elles ne sont pas souvent satisfaites des performances de leur partenaire au lit.
Cyra Padonou Sèkè, directrice exécutive de Love Power, ajoute que le chômage technique, le complexe d’infériorité, la jalousie maladive de l’épouse, le besoin pour elle de se venger quand elle se sent menacée par le divorce etc., sont aussi à l’origine des violences faites aux hommes.
Pour Tata Massouratou, il se pose un problème d’éducation et de mauvaises fréquentations, car l’environnement éducatif de chacun n’est pas le même. Elle relève l’implication des membres de la belle famille qui poussent certaines femmes à agir violemment contre leurs maris. Quand ces derniers ont une grande capacité financière, avec la complicité de leurs parents, elles cherchent à avoir la main mise sur tout. Les mariages arrangés ne sont pas à occulter. Dans ces conditions, l’homme se soumet pour éviter le pire.
Mme Hountondji Victorine estime qu’«une femme bien éduquée ne peut pas lever la main sur son mari». C’est un manque de respect et comme le dit la bible, l’épouse doit soumission et respect à son époux, et l’homme l’amour à sa femme. Sur cet aspect du sujet, Benjamin Aloukoutou pense que l’homme doit apprendre à rester dans sa peau d’homme, pour dire qu’il doit se faire respecter dans le foyer, ce qui passe forcément par les actes posés au quotidien.
Conséquences fâcheuses et dispositions à prendre
Les violences conjugales ont d’énormes conséquences sur la santé du couple, les enfants et l’entourage. Cyra Padonou Sèkè nous en a cité quelques-unes que sont les griffures, l’alcoolisme (pour celui qui veut cacher son état), honte, le harcèlement, la dépression, les troubles du sommeil, les difficultés au travail, etc. Ce qui pose la problématique de la préparation des conjoints à la vie conjugale, et de leur suivi une fois ensemble. Selon la directrice de Love Power, l’homme doit se reconnaitre comme « battu » ou victime de violences conjugales, ce qui est très difficile car portant préjudice à son identité. Il doit parvenir à user de son autorité de père et d’époux pour reconstruire sa personnalité (si possible rencontrer un psychologue et se confier), éviter d’en parler aux amis qui n’aideront en rien. Au contraire dit-elle, ils vous pousseront au divorce.
Ayatomey Laurin, assistant social en service à Wildaf sur le projet Empower II financé par l’Usaid, suggère aux hommes de porter plaintes auprès des structures compétentes  comme  les délégués de quartier ou chefs de village, les centres de promotion sociale, brigades et commissariats, les tribunaux et organisations de la Société civile intervenant sur cette thématique, telles que WILDAF/BENIN, etc. Et si malgré tout rien ne change, il conseille de mettre un terme à la relation, en toute conscience.
La problématique des dispositions légales qui protègent les ‘’hommes’’
«Il n’y a aucun texte qui protège les hommes en matière de violences basées sur le genre», fait savoir Tata Massouratou. Pour Benjamin Aloukoutou, on ne devrait pas demander de légiférer pour si peu. Mais Ayatomey Laurin apporte quelques clarifications et précise que le Bénin a fait l’option, depuis 1990 à travers sa constitution, de prôner le principe de l’égalité des sexes en droit.
Au-delà de tout, les intervenants dans le cadre de la réalisation de ce dossier,  ont unanimement affirmé que le dialogue peut permettre de surpasser les difficultés conjugales. Mme Victorine Hountondji suggère à tous pour finir, de bien se connaître avant de s’engager dans une relation de couple
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