(Pourquoi les médias classiques peinent à convaincre) C’est le thème que nous avons choisi de développer dans ces colonnes pour parler succinctement du métier du journalisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui, à l’ère de la Rupture, et tirer la sonnette d’alarme sur le danger qui plane à l’horizon de la profession… Je commence par évoquer une anecdote pour camper mes propos.
L’autre jour à la faveur d’une des nombreuses messes d’enterrement des fins de semaine à Cotonou, je me retrouvai au milieu d’un groupe d’amis et en présence d’un ancien cacique du Prpb : ministre inamovible de Kérékou II jusqu’à sa démission spectaculaire à la veille des échéances de 2006.Dernier à rejoindre le groupe sous la bâche étendue à la droite du parvis de l’église pour nous protéger de la pluie battante, je me vis interpellé à brûle-pourpoint « :vous là, moi je ne vous lis plus.Les réseaux sociaux vous dament le pion et moi je suis branché dessus 24h sur 24 ».
L’instant de surprise passé, je me lançai dans une explication alambiquée au milieu des éclats de rire sur la différence entre ‘’la rumeur ‘’véhiculée par les réseaux sociaux, et l’information collectée et traitée par la presse classique.Je ne suis pas sûr d’avoir convaincu mon auditoire tout acquis à la cause des réseaux sociaux comme vecteurs de la « vraie information »aujourd’hui.
Tenez !Outre les injures sous couvert d’anonymat et les images « osées » interdites de diffusion, nous avons aujourd’hui toutes sortes d’informations sur les réseaux sociaux, celles qui enjolivent les actes du pouvoir et celles qui les vilipendent:les communiqués et déclarations des partis politiques de tous bords, les compte rendus de session à l’Assemblée Nationale, les faits divers, et chroniques rédigées par des journalistes et autres activistes notoirement stipendiés, et fiers de l’être.
Cependant, la grande nouveauté aujourd’hui est que les réseaux sociaux relaient des informations sensibles et dignes d’intérêt pour le public que la presse classique se refuse à publier pour diverses raisons.Au surplus,Les réseaux sociaux, ne connaissant ni jours fériés ni jours non ouvrables et, de ce point de vue, ils ont une véritable avance sur les médias classiques. Ces derniers sont souvent pris de court, car une information véhiculée sur les réseaux sociaux le temps d’un week-end, devient caduque à la reprise du travail en début de semaine.
L’exemple le plus frappant celui de la rupture du contrat de la société ‘’Securiport ‘’. Les preuves balancées sur les réseaux sociaux le week-end ont tué l’information des médias classiques, car les repreneurs de l’activité de la sécurité de l’aéroport ont eu tout le temps de maquiller les informations pour obtenir ce juteux marché de l’aéroport de Cotonou.
L’engouement pour les réseaux sociaux ne cesse de croître de nos jours où les médias classiques, à cause de la précarité liée à la profession et des charges d’exploitation, sont presque tous passés avec armes et bagages, pour ainsi dire, dans le giron du pouvoir. Ils ont pratiquement renoncé à leur mission d’information, et il n’y a qu’à lire les titres des quotidiens et autres, pour se rendre compte du désastre. Le pouvoir de la Rupture, passés les premiers mois dits de « normo communication », terme popularisé par le chargé de mission du chef de l’Etat en personne, par opposition à la période d’hyper-communication du régime Yayi, a rapidement changé de fusil d’épaule.
Aujourd’hui, et il faut le dire tout haut pour que tout le monde en prenne conscience, c’est la presse stipendiée par les services rattachés à la direction de la communication dirigée par notre ami et ex chroniqueur à la Nation, qui diffuse les informations favorables au pouvoir. C’est elle qui annonce pompeusement toutes les prouesses réalisées dans la filière coton et crucifie ceux qui réclament l’annulation des concours frauduleux, ou des sanctions contre les faussaires.C’est elle qui prend sur elle la charge de répondre aux attaques contre le pouvoir, ridiculise les chefs de parti qui s’opposent ouvertement au président Talon et les députés rebelles qui prennent fait et cause pour les syndicalistes en guerre contre les privatisations.
Le résultat n’est guère reluisant pour l’ensemble de la presse qui se trouve complètement embrigadée par un régime Talon qui communique tous azimuts sans véritablement informer. L’exemple le plus patent se trouve dans le traitement de l’information relative à l’absence prolongée du chef de l’Etat, du territoire National.
Au lieu de publier un simple communiqué pour expliquer le pourquoi de cette situation qui perdure depuis bientôt trois semaines, et pour couper court aux rumeurs les plus folles sur son état de santé, le pouvoir de la rupture préfère distiller dans les médias, et ce, à doses homéopathiques, des informations partielles, partiales et parcellaires plus farfelues les unes que les autres : sa supposée présence dans une clinique ou ses appartements cossus du 16ème arrondissement de Paris… Ce qui ne convainc personne. Comme si les Béninois avaient élu Talon pour qu’il « disparaisse de nos écrans radars » afin d’aller parader dans les rues de la capitale française ou de se vautrer sans raison connue dans ses appartements cossus de Paris.
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