Nécessite de créer une juridiction financière : La Cour des comptes au Bénin

Le Bénin a amorcé depuis 1998, un processus de création de la Cour des comptes qui n’a pas abouti jusqu’ici. Le non aboutissement de cette réforme, qui est une prescription de l’UEMOA et des Partenaires techniques et financiers, affecte la lutte contre la corruption et décrédibilise notre pays.Bien que nécessaire et accepté par tous les acteurs politiques notamment les Présidents Nicéphore SOGLO, Mathieu KEREKOU, Boni YAYI et Patrice TALON, cette réforme n’a pu se réaliser car toujours inscrite dans une grande et large réforme de révision constitutionnelle.

C’est pourquoi, dans un élan patriotique et pour prendre en compte les actions prioritaires du rapport sur l’évaluation du Système National d’Intégrité du Bénin (SNI-Bénin), il y a lieu d’explorer l’unique voie qui reste pour la transformation de la Chambre des comptes de la Cour suprême en une Cour des comptes autonome : la voie de l’amendement constitutionnel.

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Les motivations pour la création d’une Cour des comptes au Bénin

A sa création le 14 janvier 1994, l’UEMOA, suiteau constat d’un bilan très critique des Chambres des comptes créées au lendemain des indépendances et logées dans les Cours suprêmes ouest-africaines, a demandé à chaque Etat membre « d’instituer une Cour des comptes nationale … au plus tard un (1) an après l’entrée en vigueur du présent Traité ».

Comme les Etats trainaient à mettre en œuvre cette réforme, elle a précisé dans la Directive n° 002/2000/CM/UEMOA du 29 juin 2000 portant code de transparence dans la gestion des finances publiques au sein de l’UEMOA : «Il n’y a pas de bonne gestion des finances publiques sans un contrôle à posteriori efficace dévolu à une juridiction financière indépendante et dotée de pouvoirs et de capacités d’investigation étendues. Les Etats membres devront créer des Cours des Comptes Autonomes au plus tard le 31 décembre 2002 ».

Si le processus de révision de la Constitution en cours au Mali aboutissait, le Bénin serait le seul pays de l’UEMOA à ne pas disposer d’une Cour des comptes. Pourtant cette réforme est devenue pratiquement une exigence des Partenaires techniques et financiers (PTF) qui ont réduit, voire annulé leurs aides au Bénin ces dernières années principalement pour défaut d’existence d’un contrôle externe performant sur les finances publiques.

Mais au-delà des préoccupations communautaires et des PTF, la véritable raison pour laquelle notre pays doit transformer sa Chambre des comptes en une Cour des comptes est de permettre à cette juridiction de jouer pleinement son rôle de garant de la bonne utilisation des fonds publics, donc de lutte contre la corruption.

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En effet, la juridiction financière est au cœur de la reddition des comptes puisque obligation est faite à tous les gestionnaires de ressources publiques de lui produire chaque année les comptes de gestion pour contrôle et sanction par elle-même des déviances constatées et communication des infractions graves au juge pénal pour les poursuites appropriées. Elle contribue par les recommandations contenues dans ses rapports à l’amélioration de la gestion des entités publiques. La Cour des comptes est aussi chargée d’apporter au citoyen, l’information indépendante sur la gestion des ressources publiques.

Toutes ces attributions, la Chambre des comptes n’a pu les exercer en raison des dispositions constitutionnelles qui méconnaissent les spécificités de la juridiction des comptes; une juridiction qui n’est pas une contentieuse et qui devrait être animée par des professionnels de l’audit public recrutés suivant des critères de compétence et d’égal accès à tous les citoyens.

La nécessité de l’amendement constitutionnel pour la création de la Cour des comptes

Les premiers textes pour la création de la Cour des comptes ont été rendus disponibles en 2002 par un comité technique créé à cet effet.

En 2014, un autre comité ad hoc,créé par décret n° 2011-367 du 26 octobre 2012 et composé de quinze membres provenant de la Cour suprême,des ministères de la justice et des finances, de l’Université d’Abomey Calavi et de personnes ressources, a été chargé de conduire le processus de création de la Cour des comptes au Bénin.

Les principales conclusions à la suite des travaux, qui ont fait objet d’un atelier de validation ayant impliqué des députés, des représentants des PTF, des syndicats et de la société civile,ont porté sur :

la Cour des comptes à créer est une institution juridictionnelle comme la Cour constitutionnelle. Elle ne sera donc pas dans le titre de la Constitution relatif au pouvoir judiciaire. Un titre spécial sera consacré aux juridictions financières qui comprennent la Cour des comptes et les cours régionales des comptes ;

la mise en place d’un corps particulier pour les magistrats de la Cour des comptes ;

l’institution d’un Conseil supérieur de la Cour des comptes distinct du Conseil supérieur de la magistrature. Cette option est apparue pour le comité comme la seule solution garantissant l’indépendance effective de la Cour des comptes et de ses membres.

Dans cet ordre d’idées, les principaux textes pour l’opérationnalisation de la Cour des comptes ont été adoptés. Il s’agit :

  • du projet de loi portant révision  de la Constitution ;
  • du projet de loi organique sur la Cour des comptes ;
  • du projet de loi portant règles de procédures applicables devant les formations de la Cour des comptes ;
  • du projet de loi portant statut des magistrats de la Cour des comptes ;
  • le projet de loi sur le Conseil supérieur de la Cour des comptes.

Il convient de revenir sur la principale recommandation du comité qui est de procéder à une modification ciblée de la Constitution pour créer la Cour des comptes. Il s’agit en fait de la reconduction d’une recommandation qui a toujours été faite par les différents comités et partenaires qui se sont penchés sur la question pour éviter que cette réforme, qui est en réalité une mise en conformité avec le traité de l’UEMOA, ne soit noyée dans des considérations politiciennes.

Il urge pour notre pays, après l’échec de la révision globale, de circonscrire la modification de la Constitution à la création de la Cour des comptes. Les députés qui, à maintes reprises, ont marqué leur accord pour la création de la Cour des comptes, devraient s’approprier le projet et le faire aboutir afin de permettre à la juridiction financière du Bénin d’exercer pleinement sa mission dans le contexte actuel de quête généralisée de transparence et de redevabilité à travers la gestion axée sur les résultats.

Initier cet amendement constitutionnel aujourd’hui est de permettre à notre pays d’assurer :

  • l’effectivité de la reddition des comptes par les gestionnaires publics ;
  • le contrôle démocratique de l’utilisation des fonds publics ;
  • l’information des citoyens.

Partagé avec le Gouvernement, le droit d’amendement est aujourd’hui la forme d’expression principale du droit d’initiative des députés. Il faut donc cesser de vouloir obligatoirement intégrer cette création de la Cour des comptes dans une révision générale et globale de la Constitution du 11 décembre 1990.

Cette réforme de la création de la Cour des Comptes qui est une mise en conformité avec le traité de l’UEMOA sera effective que si nous procédons à une modification ciblée de la Constitution

Serge Prince Agbodjan
Juriste

3 réponses

  1. Avatar de Napoléon1
    Napoléon1

    @Joeleplombier,

     » une bonne et mauvaise idée », vous dites?

    Ceci montre que vous n’avez aucune idée des composantes d’un Etat de droit.

    Dans un tel Etat, les gouvernants: le Gouvernement et l’administration sont rédevables à la Nation de la reddition des comptes. Puisque obligation leur est faite de produire chaque année les comptes de gestion pour contrôle et sanction par elle-même des déviances constatées et communication des infractions graves au juge pénal pour les poursuites appropriées.

    La Cour des comptes est une instance autonome dans l’Etat qui contribue par les recommandations contenues dans ses rapports à l’amélioration de la gestion des entités publiques. Elle est aussi chargée d’apporter au citoyen, l’information indépendante sur la gestion des ressources publiques.

    C’est le garde-fou de la Nation qui encadre tout Etat de droit. Car l’on ne saurait gérer les ressources publiques en disposant d’elles comme s’il s’agissait de ses propres ressources et ne devoir rendre compte à personne.

    Ici, c’est la chose publique et l’utilisation de chaque 1 Franc doit être justifiée dans le cadre des la loi et les dispositions en vigueur.

    C’est ce qui se fait partout ailleurs dans les autres Etats.

    Cette instance a manqué jusqu’à présent dans l’architecture de l’Etat béninois. Et c’est une des raisons, pourquoi la culture des corruptions et des détournements a pu se proliférer jusqu’à ce niveau au Bénin.

    Voyez-vous bien qu’il ne s’agit aucunement d’un outil de plus comme le médiateur national (une instance inutile) pour rogner sur les finances de l’Etat.

    1. Avatar de Joeleplombier
      Joeleplombier

      Mdrrr !!!!

  2. Avatar de Joeleplombier
    Joeleplombier

    Monsieur Agbodjan; je partage la pertinence de votre argumentaire. Seulement ; pourquoi copier tout le temps ce qui se fait ailleurs alors que nous n’avons pas les moyens de cette politique.
    Qu’apporterait une cour des comptes à notre pays ??? Posez-vous la question. Je crois et pense que ce serait un outil de plus pour occuper d’autres incompétents et rogner sur les finances de l’Etat.
    C’est donc une bonne mauvaise idée .

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