Depuis des décennies, une certaine élite béninoise, qui s’est engouffrée dans les partis politiques et les pseudo coalitions,s’est apparemment condamnée à la soif du pouvoir et de l’avoir. Une soif analogue à l’alcoolisme chronique dont la cure de désintoxication est pénible voire impossible. L’addiction au pouvoir et à l’avoir est un esclavage irréversible. Cette cupidité extrême prend bien évidemment en otage la nation qui devient pratiquement un bien personnel, une propriété, une fortune et un patrimoine à léguer.
L’ère démocratique vient, tout bien pesé, accentuer et pérenniser les pratiques mercantilistes de la politique au truchement des liens de sang, de clan, et de terroir. Les partis politiques, poussant à floraison comme des champignons dans les terroirs, servent de lieux de courtage politique. Entre temps vassalisés, ces différents gîtes politiques sont désormais tétanisés et paralysés par les richissimes faiseurs de roi. Cette occurrence décadente contraint les élites politiques à une migration ou un va-et-vient entre la résignation et l’aliénation.
Pour ce qui nous est donné d’observer de la vie publique béninoise au cours de ces dernières décennies, il n’est pas difficile de constater qu’une certaine élite a fait montre parfois sinon souvent d’une approche trop égoïste et égocentrique du pouvoir politique avec la complicité inavouée d’une frange écornifleuse du peuple.Au point malheureusement de faire de la carrière politique la voie royale de l’avoir et des honneurs.
Il est vrai que tout pouvoir est grisant dans son exercice, mais il faudrait toujours se mettre au-dessus avec un esprit de service et de détachement. Savoir exercer une responsabilité publique ou politique avec humilité, dévouement et désintéressement en sachant la quitter à temps. Ceci est très rare dans notre pays, car les bons exemples en la matière ne sont pas légion. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de contre-exemples de la part des premières générations.
Notre vie politique souffre de la mainmise de quelques-unes de ces générations qui voudraient, ayant même déjà tout donné, être toujours, d’une manière ou d’une autre, dans les sérails politiques. Ce calcul politique qui consiste en une présence ininterrompue dans le camp présidentiel fait école et devient la norme politique au Bénin. De toute évidence, notre praxis politique ne connaît que des aphorismes sur le plan de la vision politique et du projet de société.
Toute la place est plutôt donnée à l’homme du terroir, à l’ami, au voisin ou au numéro gagnant, nonobstant les lacunes et les incapacités de ce dernier. Pourvu qu’il soit élu pour le bonheur des élites résignées qui le plébiscitent. Ce qui en découle est nuisible pour le pays et agréable pour les escarcelles des élites altérées !
Depuis ces dix dernières années, ces élites sont subjuguées par les richissimes faiseurs de roi qui ont tôt fait de laminer les partis politiques et en ont fait, dans leur majorité, des valets de pied. Dépassés par la puissance financière des richissimes faiseurs de roi, sans étoffe d’élite, des partis politiques se sont inclinés et ont rejoint honteusement les rangs des mouvances présidentielles.
Est-ce donc pour le bonheur du pays ou pour leur propre fatuité ? La réponse est claire et sans ambages vu, par exemple, le silence de mort des grandes écuries politiques face à la morosité actuelle. Comment ces élites peuvent-elles s’aliéner à ce paroxysme pour la vanité de l’argent en ensevelissant leur dignité et leur intelligence ? La gravité de la myopie politique ambiante et la perversité insidieuse donnent raison aux Béninois qui pensent relativement que le Bénin est une jungle infernale ou un pays maudit!
En réalité, de tout ce qui précède,ne peut-on se permettre, toute proportion gardée, d’avancer que c’est plutôt une certaine élite, quelque peu maudite, qui assombrit le Bénin ?A ne point douter, la nation est la résultante de ce qu’une élite fait d’elle : une patrie malmenée et spoliée ! Et l’autre revers est que cette élite en question est bien à l’image du peuple dont elle émane.
Plusieurs Béninois banalisent ce qui se passe actuellement. Aucune vraie politique constructive ne correspond à la politique de l’autruche. Nous passons d’un miroir de la prospérité partagée à une vitrine de la prospérité des richissimes. Où sont passées les élites, les politiques, les universitaires et les cadres de ce pays ? La peur n’a jamais rien construit, au contraire, elle inhibe tout l’être !
Au fond, il y a peut-être pire que la peur ; il semble qu’il y ait probablement et subrepticement en jeu, sans aucune précision,des guêpiers d’achats faramineux de conscience d’une certaine élite ! Difficile sans doute de résister aux séductions de l’argent, mais il est encore plus difficile de laver son honneur après l’avoir souillé dans le temple de l’argent. Outre les qualifications académiques, le statut social, l’avoir et le pouvoir, il n’y a de vertus que les hautes qualités de détachement, de hauteur d’esprit, d’humilité et de mesure !
Manquer de pratiquer ces différentes vertus, peut-on prétendre être véritablement une élite ? On peut bien entendu être un grand diplômé sans être une élite. Les élites, selon Le Petit Robert 2016, constituent des personnes considérées comme les meilleures, les plus remarquables d’un groupe et d’une communauté. Hors du commun,distinguée, éclairée, éminente, supérieure, tels sont les traits d’une élite !
Abbé Arnaud Éric AGUÉNOUNON
Professeur au Séminaire Propédeutique de Missérété
Ecrivain-essayiste
Laisser un commentaire