Quelques jours après la publication par le Conseil des ministres d’un extrait du rapport du cabinet Mazars sur trois campagnes cotonnières, rien n’a bougé au niveau de ce dossier.
En dehors du tapage médiatique entretenu exprès, on a pas l’impression que le gouvernement est préoccupé par une poursuite réelle des mis en cause, jusqu’à les amener à rendre gorge.
Pour avoir proclamé dans son discours d’investiture « faire de la lutte contre la corruption un combat de tous les temps », Patrice Talon apparaissait aux yeux de maints béninois comme le « justicier » de la corruption. On attendait de lui le dépoussiérage des vieux dossiers de prévarication et la poursuite implacable des mis en cause. Icc-services, Machines agricoles, Maria Gléta, Cen Sad, Ppea 2… revenaient sur les lèvres comme un chorus. On était donc à mille lieues de penser que les choses allaient se passer autrement.
Hélas, c’est pourtant ce qu’on observe aujourd’hui avec l’inhumation des affaires Icc-services et Ppea2. Lorsque l’affaire des scandales de la filière coton, les chantres de la lutte contre la corruption qui déchantaient de Talon ont retrouvé un peu d’espoir avant de retomber une fois encore dans leur désespoir. En effet, quelques semaines après avoir révélé cette affaire en conseil des ministres, le gouvernement n’a plus posé d’actes pour afficher sa bonne foi en la matière. Selon des indiscrétions, le gouvernement n’a pas encore confié ce dossier à la justice.
Et d’ailleurs, il ne peut en être autrement. Selon toujours les mêmes sources, le fameux rapport du cabinet Mazars n’a pas l’air « d’un truc sérieux ».
Plusieurs des mis en cause cités par le rapport affirment n’avoir jamais été approchés et écoutés par ledit cabinet. Cela laisse planer quelques doutes sur le sérieux du travail et sur l’existence même d’un tel rapport, le gouvernement n’ayant lui-même, publier que quelques extraits. Comment peut-on faire un audit sérieux sans écouter des acteurs majeurs ?
Comment donc sans les avoir écoutés, on a pu établir leurs responsabilités ? Autant de questions auxquelles il faut trouver des réponses. Ceci pourrait expliquer la nonchalance ou la réticence du gouvernement à vite transmettre le dossier au tribunal pour enclencher la procédure. En vérité, l’on se demande si ce dossier n’a pas été agité juste pour « négocier le silence » de certains qui prenaient trop de libertés à critiquer le gouvernement.
La presse comme instrument de diversion
Alors qu’on attendait le dossier au tribunal où la justice pourrait s’en servir et poursuivre les enquêtes, c’est une certaine presse qui est mise à contribution pour entretenir un tohu-bohu médiatique autour du sujet. Plusieurs tabloïds ont accusé les mis en cause comme s’il s’agissait d’une décision du tribunal. Dans un premier temps, ils ont chanté en cœur que le détournement portait sur 125 milliards, puis après, cette même presse a révélé que certaines des personnes accusées tentaient de se rapprocher de Patrice Talon pour faire allégeance avant de commencer à affirmer qu’il n’y aura pas de « chasse aux sorcières ». On comprend que cette presse a servi à entretenir la confusion sur ce dossier et à détourner l’attention des populations sur la vraie préoccupation du moment, qui est de savoir si le gouvernement a transmis le dossier à la justice. Car, un rapport d’audit fut-il celui du cabinet le plus crédible au monde, ne peut remplacer une décision de justice. Le gouvernement a tellement médiatisé cette affaire-juste pour mettre la presse à dos de certaines personnes impliquées, qu’il est inimaginable de penser qu’il n’ait pas été transmis au tribunal. Cette lutte folklorique contre la corruption a d’ailleurs suscité l’indignation de Martin Assogba qui a dénoncé l’attitude du gouvernement à entretenir le flou autour de cette affaire, au lieu d’aider la justice à poursuivre les enquêtes pour condamner les potentiels prévaricateurs cités dans le rapport d’audit
Il n’y avait que les naïfs pour croire la volonté de Talon de lutter contre la corruption. Surtout au moment où il a gardé le contrôle du business familial qui continue d’avoir l’état beninois comme principal partenaire.