La deuxième quinzaine du mois de juin qui vient de s’achever restera à jamais gravée dans les mémoires des justiciables comme celui des décisions pour le moins incomprises voire inquiétantes.1- C’est d’abord la « crise au sein de la Renaissance du Bénin » que les dirigeants légaux de ce parti politique ont déféré devant le tribunal des référés, en son audience du jeudi 22 juin 2017, pour voir interdire la tenue du congrès projeté par les « réformistes », censé se tenir le samedi 24 juin 2017.
L’affaire fut renvoyée au vendredi 23 juin 2017 à 15h pour être plaidée.
Et c’est curieusement ce jour que choisit le tribunal des référés pour annoncer un report de l’affaire au mardi 27 juin 2017, parce qu’il fallait « communiquer le dossier au ministère public ».
On était alors à la veille de la tenue du congrès des « réformistes » auto-proclamés, pour qui, ce verdict différé équivalait à « une autorisation implicite de faire ».
Conséquence inévitable : le congrès des « réformistes » que les dirigeants de la Rb ont voulu faire interdire a bel et bien eu lieu.
Pis, à la date du 27 juin 2017, l’affaire fut de nouveau renvoyée au 04 juillet 2017 alors que le référé était déjà devenu « sans objet », et que les juges ne l’ignoraient pas.
2- Deux jours plus tard, c’est la « crise » née dans le parti social-démocrate (PSD) qui est « déférée » au tribunal.
Dans la soirée de ce 29 juin 2017, le président intérimaire du tribunal de Cotonou signe une ordonnance de référé au profit du président Bruno Amoussou, qui de notoriété publique ne dirige plus le P.S.D. depuis sa démission en 2009, aux fins d’interdire le congrès du parti prévu pour se tenir le lendemain 30 juin par les dirigeants légitimes de ce parti politique.
En conséquence, le congrès du PSD n’a pu se tenir, comme préalablement annoncé.
3- Dans l’après-midi du vendredi 30 juin 2017, c’est la cour d’assises de Cotonou, convoquée pour statuer sur la plus grande escroquerie de ce début de 21e siècle (elle a favorisé la spoliation de dizaines de milliers de nos compatriotes), qui reporte sine die les débats qui étaient à terme, en renvoyant le dossier « à une session ultérieure », c’est-à-dire à une date inconnue et aléatoire.
Ne peut-on alors avoir des soupçons quant à l’impartialité de notre appareil judiciaire et parler de deux poids deux mesures ?
Deux poids, deux mesures
Les trois premiers cas cités auraient pu faire école et être enseignés ou cités dans les facultés de droit comme des références, s’agissant des contentieux pouvant naître dans la vie des partis politiques.
Mais malheureusement, il ne saurait en être ainsi ni ici, ni nulle part ailleurs.
Et il n’est point besoin d’être agrégé de droit ou juriste de haut niveau, pour comprendre que ces trois cas sont symptomatiques du « sentiment d’incertitude » que distille la maison justice dans le subconscient des justiciables à l’ère de la rupture, où la main de l’Exécutif paraît n’avoir jamais pesé aussi lourd dans les décisions de justice.
Cette sensation demeure persistante parce que :
o Les juges du tribunal des référés n’ignorent pas qu’en cette matière caractérisée par l’urgence ou le péril, ils sont tenus de statuer soit en accordant la mesure sollicitée à charge pour les parties et de porter leur différend devant le juge du fond pour être plus amplement discuté, soit de se déclarer incompétents par exemple parce qu’ils auraient estimé qu’il n’y a pas matière à référé.
Un juriste que nous avons consulté à l’occasion, donne l’exemple d’un couple en instance de divorce dont l’un des conjoints a décidé de faire voyager leur unique enfant par un vol prévu pour un samedi de fin de semaine à 19h . Le juge des référés saisi par l’un des conjoints est tenu de rendre une décision avant la date et l’heure indiquées. Repoussée au lundi de la semaine suivante, cette décision devient sans objet, puisque l’enfant, objet de la querelle, aurait déjà pris son vol le samedi.
o Lorsque le juge des référés du dossier Rb remet la décision au mardi de la semaine suivante, il commet un déni de justice en s’autorisant à ne pas examiner l’objet du contentieux pour émettre un avis consistant soit à accorder la mesure d’interdiction, soit à la repousser.
Tous les spécialistes de droit consultés admettent que le ministère public peut intervenir en matière civile mais s’agissant de la matière de référé, il n’y a aucune communication de dossier à lui assurer parce que le référé est essentiellement oral, et il lui appartient de prendre part à l’audience et de formuler oralement ses observations.
Face à un tel comportement des juges, il est évident que légitimement naissent dans l’esprit des responsables légitimes de la RB, des sentiments de suspicion surtout lorsqu’on observe la position prise par certains pontes de la rupture, qui trônaient royalement en première place au congrès des « réformistes ».
Venons- en au cas de l’interdiction du congrès du Psd. L’ordonnance du juge -président intérimaire du tribunal de première instance de Cotonou ne manque pas de surprendre.
Ici, il ne s’agit pas d’une procédure contradictoire au cours de laquelle les parties sont invitées à faire valoir leurs arguments. La sollicitation d’une ordonnance de référé est l’expression d’une démarche personnelle et unilatérale d’une partie, et l’ordonnance qui la sanctionne est un acte dit « gracieux » que le juge peut donner, refuser ou même rétracter.
Selon nos sources, le juge président- intérimaire du tribunal de première instance de Cotonou aurait fait le déplacement des 160 kilomètres aller et retour, Cotonou –Grand Popo pour signer illico presto sa décision d’interdiction déposée dans la matinée du 29 juin, veille du congrès du Psd. Pourquoi ce magistrat jusque-là si irréprochable aux yeux de plusieurs justiciables s’est-t-il autorisé à prendre une décision aussi grave, à la veille d’un congrès où les frondeurs avaient l’occasion d’étaler leurs griefs et faire élire leur champion, non « par la ruse et la rage », (sic) mais par le jeu démocratique ?
Si c’est pour faire plaisir à un leader de grande renommée comme Bruno Amoussou qui n’a plus rien à prouver dans le paysage politique, c’est raté ! A soixante- dix -huit ans révolus, notre ami, le président Bruno Amoussoun, n’a plus rien à prouver. Lui qui a tous les atouts pour devenir un bon président et qui n’a pu l’être, non à cause de ses qualités intrinsèques unanimement reconnues mais du fait de l’arithmétique politique et de cette tendance toute béninoise à ne jamais choisir « le meilleur d’entre nous », mais celui que nous pouvons tous manipuler une fois au pouvoir.
En tout état de cause, il y a une jurisprudence plusieurs fois éprouvée en ce qui concerne la paternité d’un parti ou d’une association : loi 1901. Et cette jurisprudence, Me Abraham Zinzindohoué, le médiateur devenu président par effraction ne l’ignore guère. Cette jurisprudence constante est favorable à ceux qui ont la légitimité conférée par les textes du parti ou de l’association : loi 1901.Ceux qui ne sont plus d’accord avec les instances dirigeantes doivent plier bagage et créer leur propre parti. Le drame est que tous ceux qui ont tenté de le faire après moult batailles juridiques, n’ont pas pu faire prospérer leurs formations politiques en dehors du parti qu’ils ont quitté. Houedjissin alias Dah Woudji Woudji en sait quelque chose ! Des exemples foisonnent sur l’échiquier politique.
Impunité, quand tu nous tiens !
Le dernier cas est celui de la cour d’assises sur l’affaire ICC Services. Alors que les débats battaient leur plein et que les protagonistes s’expliquaient à la barre, la présidente de la cour a brutalement suspendu l’audience et reporté la session sine die. Pourquoi a-t-on pris le risque de convoquer une session d’assises sur un dossier vieux de sept ans qui concerne une grande partie des citoyens de ce pays, sans avoir pris la précaution de faire les choses comme il se doit ?
N’est-ce pas simplement pour l’effet d’annonce sur les médias et la grandes chaînes de radio du monde entier ? Sinon comment comprendre que ce dossier Icc qui a fait trembler la république sous le président Yayi jusque dans ses entrailles, provoqué l’embastillement injustifié à ce jour d’un procureur général, la démission et l‘interpellation d’un ministre, ait pu être traité avec tant de légèreté?
Des cas qu’on peut rapprocher des dossiers scabreux d’assassinat du juge Coovi, ainsi que de Dangnivo où le mystère demeure entier sur les auteurs et commanditaires de ces meurtres. L’affaire ICC services est un dossier aux multiples ramifications que nous entendons exhumer au grand jour dans nos prochaines éditions, pour faire la preuve que ce pouvoir dit de la rupture n’a aucunement l’intention de rompre avec l’impunité et les pratiques avilissantes d’une classe politico-affairiste, essentiellement cupide et vénale, qui n’a appris qu’à vivre aux crochets de l’Etat.
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