Le mot est du Président Léopold Sédar Senghor. Quoique vieux de plus de cinq décennies, ce mot ne garde pas moins l’aveuglante clarté de la vérité, la force expressive de l’actualité. « L’Afrique, avait affirmé le Président-poète, a tout pour se développer. Mais manquent encore à son tableau de chasse deux facteurs majeurs : méthode et organisation. »
Cotonou mène depuis peu des expériences intéressantes. La libération des espaces publics d’une part. Le déguerpissement des carrefours et feux tricolores de mendiants, vendeurs à la sauvette et autres malades mentaux d’autre part. L’opération Akpakpa-Dodomè commence à peine. Nous en reparlerons. Les deux premières expériences sont riches autant par les problèmes posés que par les enseignements proposés.
Dans la première opération, nous nous sommes cachés derrière l’autorité qui nous a été conférée. Nous nous sommes enivrés de la force de coercition dont nous disposions. Nous n’avions souvent entendu que notre voix. Aussi, nos approches d’action ont-elles manqué de compter avec les deux condiments qui conditionnent tout succès : méthode et organisation.
Libérer les espaces publics dans Cotonou, c’est s’attaquer à des habitudes qui ont eu le temps de se sédimenter et de se consolider. Ceci avec la complicité tacite, parfois active de l’Etat. Ce dernier peut-il se mettre à casser, sans se décrasser de ses propres fautes ? Cela veut dire que la sensibilisation et la concertation auraient dû être plus longues et plus profondes. Cela veut dire que la sensibilisation et la concertation auraient dû impliquer tous les segments concernés par l’opération. Cela veut dire que des mesures d’accompagnement auraient dû être prises, même à titre symbolique, pour marquer l’opération de la bienveillance de l’Etat. Cela veut dire qu’on aurait dû s’engager à amortir le choc de la casse par le rêve projeté de choses et d’autres à réaliser et destinées à combler un vide. Car servir du vide en lieu et place du désordre, c’est laisser l’espoir s’évanouir en fumée. Attention : les casses cachent souvent l’essentiel, à savoir l’homme. A respecter dans ses droits. A protéger en ses libertés.
A l’heure du bilan, l’opération est loin de faire l’unanimité. Le gouvernement, en manière de désaveux, a parlé « d’excès et d’exactions ». La Cour constitutionnelle, suite au recours d’un citoyen, a estimé que le bras qui a exécuté l’opération « a méconnu la constitution ». Les citoyens pour la plupart, toujours traumatisés par les dérives observées, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer.
La deuxième opération occupe en ce moment les autorités de la ville. Elle revient à sensibiliser tous ceux qui – mendiants, malades mentaux et autres – encombrent carrefours, feux tricolores etc.
Ce n’est pas en déplaçant un problème qu’on prend le chemin d’une solution. Pour dire que les mendiants et malades mentaux contraints et forcés d’abandonner un point « A » n’auront changé ni d’état ni de condition une fois débarqués à un point « B ». Mendiants et malades mentaux ils étaient. Mendiants et malades mentaux ils restent et resteront. Tout encombrement humain dans nos villes nous interpelle. Il hurle l’échec de nos politiques de développement. Plutôt que de déplacer un problème, demandons-nous comment guérir ou nous guérir d’un mal ? That’s the question !
L’homme appelé à conduire cette seconde opération n’est autre que Modeste Toboula, le Préfet du Littoral. La première opération l’a révélé en ses qualités qui sont incontestables. Mais également en ses limites et insuffisances. Pour opérer le changement, Modeste Toboula fait partie de ces rares Béninois dont nous avons besoin. Il sait traduire en actes une volonté politique exprimée et affichée. Il sait passer à l’action. Il sait faire montre d’un courage et d’une audace hors du commun. C’est le britannique Benjamin Disraeli qui nous rappelle cette grande et belle vérité : « L’action n’apporte pas toujours le bonheur, mais il n’est pas de bonheur sans l’action ».
Il faut aider les gens de la trempe de Modeste Toboula à s’améliorer, à aller de l’avant, à faire toujours plus et toujours mieux. Au service de la République, c’est-à-dire la chose publique. C’est certainement plus positif, c’est sûrement plus constructif que d’articuler des critiques plutôt malveillantes. Pour le Toboula nouveau que nous appelons de nos vœux, nous proposons les deux denrées par lesquelles nous avons ouvert cette chronique : organisation et méthode. Elles ont l’inestimable avantage de faire rimer assainissement et développement
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