Depuis plusieurs années déjà, des débats périodiques sur le francs CFA venaient alimenter diverses chroniques. Ces derniers mois, ces débats se font abondants sur les chaines de télévision, de radio, et sur les réseaux sociaux.Le 29 Août 2017, un certain KEMI Séba a poussé sa révolte contre la monnaie africaine, jusqu’à bruler un billet de 5.000 sur la place publique à Dakar au Sénégal, siège de la BCEAO. La réaction de cette Institution d’émission ne s’est point faite attendre. Elle a assigné immédiatement le sieur Kémi Séba en justice. Mais ce qui en a surpris plus d’un, et qui donne du contenu nouveau à ces débats, est la libération ou l’acquittement tout aussi immédiat de l’individu.
Voilà qui place désormais le débat autour du Franc CFA dans un contexte nouveau, en lui donnant une envergure continentale, voire internationale. Il n’est que loisible de voir les langues les plus autorisées se délier sur ces questions, pour s’en convaincre. C’est ainsi que nous avions eu et continuons d’avoir les échos des interventions d’anciens Ministres, d’anciens cadres de la Bceao, et de Professeurs d’Economie. Mieux, le jeune et intrépide Président Français, Monsieur Emmanuel Macron, en a fait son chou gras, et s’en est saisi pour créer après consultations avec certains de nos Chefs d’Etat, un Conseil Présidentiel pour le Développement de l’Afrique.
Les membres dudit Conseil sont tous issus de la société civile, et il comprendrait des Africains avons-nous appris. Si toutes ces informations se vérifient et se traduisent dans les faits, alors je dis d’abord Bravo au Jeune Président Français, dont je salue l’ardeur et la détermination à faire bouger les lignes. Ce qui tranche tout de même avec la politique de ses grands Prédécesseurs.
Mais la grande question est celle-ci : Qu’est-ce qui va fondamentalement changer avec tous ces branle-bas ? Que va-t-il nous proposer véritablement de révolutionnaire, ce nouveau Conseil Présidentiel ?
La France acceptera-t-elle de désarrimer le franc CFA de l’Euro, pour lui donner le contenu réel d’une monnaie Africaine qui lui sied?
Ce franc doit-il continuer à être « le franc Cfa » qui cantonne les 50% et peut être bien plus, de nos réserves dans les caisses de la BCE (Banque Centrale Européenne), ou dans les caisses du Trésor Français? Quelle chance de développement cette nouvelle initiative nous offrira-t-elle, pour booster réellement notre croissance, quand nos jeunes entreprises Africaines ne disposent que de 23% de leur PIB, comme possibilité de financement pour soutenir la croissance de leurs pays, alors que leurs homologues français ou Européens, bénéficient de 100% de ce même PIB, pour l’obtention de crédits, en vue de maintenir la croissance de leur pays à un taux raisonnable.
Autant de questions qui me taraudent l’esprit. Mais au-delà de toutes ces interrogations, ce qui me surprend et me gène, c’est le silence et l’absence dans ces débats, de ceux qui nous abreuvent de la France Afrique.
J’y constate également l’absence de nos Economistes, de nos Professeurs de *sciences éco* et de nos monétaristes. D’éminents cadres de mon pays le Bénin, ont assumé de hautes fonctions à la Banque mondiale et au Fmi. Il y a également dans mon Pays, d’anciens et éminents fonctionnaires de la Bceao à la retraite, donc qui ne sont point astreints à des réserves. Nous en avons entendu certains, pas des moindres, de leurs collègues des autres pays, se déterminer par rapport à ces débats cruciaux pour les 14 Pays Africains, ayant en partage cette monnaie. C’est par leur éclairage, que ces pays peuvent opérer un choix déterminant pour leur devenir économique.
C’est peut être le moment de saluer le courage de notre compatriote feu Claude d’Almeida, qui en anticipant les débats actuels, avait écrit un ouvrage sur le franc CFA, il y a une quinzaine d’années. N’est-ce pas le moment de revisiter ces documents et ceux que d’autres ont déjà écrit sur la question ? Il faut un débat ouvert qui permette d’admettre tous les courants d’idées, pour les examiner la tête froide, en vue d’un choix judicieux et responsable.
Pour ma part, profane en la matière, je pense qu’il est temps que nous nous débarrassions de cette peur d’un saut dans l’inconnu. La monnaie n’est pas moins un attribut de souveraineté. Tout est affaire de gestion rigoureuse. L’essentiel est que les 14 Etats utilisant le franc CFA, acceptent de frapper une monnaie commune.
Eviter le syndrome Air Afrique
Il faut que nos Etats osent une fois ce saut dans l’inconnu, pour avoir cette fois-ci une monnaie commune avec la même parité dans les 14 Etats concernés. Ce faisant, ils créent ainsi une zone d’échanges non moins importante, avec laquelle on comptera nécessairement.
Mais le premier danger qui les guette, c’est bien nos Maîtres d’hier, qui mettront en œuvre toutes les astuces possibles, pour empêcher une décision commune.
Qu’il nous souvienne ce bel outil de communication et de développement qu’était Air Afrique. De mémoire d’homme, jusqu’à sa disparition Air Afrique n’a jamais connu de sinistre. Mais comment ne pas pouvoir gérer ce bel outil si efficace et si utile pour notre Développement? Pourquoi n’avions nous pas pu appliquer les règles élémentaires de gestion à nous mêmes, pour finir par faire s’effondrer ce bel outil de communication et de développement ? Le pire, ayant été de faire venir notre concurrent pour lui assener le coup de grâce. Mieux, chaque Etat a par la suite créé sa propre compagnie aérienne.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
La vieille méthode du Diviser pour régner étant toujours d’actualité, ils feront des pieds et des mains pour empêcher cet heureux événement. On aura tôt fait d’opposer les Etats entre eux, en faisant valoir le poids économique des uns par rapport aux autres. En la matière, je nous rappelle que tous les Etats de la zone Euro n’ont ni les mêmes dimensions, ni le même poids économiques. Les plus gros épaulent les plus démunis ou plus faibles, pour sauvegarder l’union de la zone Euro. Que la France et l’Allemagne servent aujourd’hui de fer de lance et soient la locomotive de l’Union Européenne, doit nous servir de leçon et de modèle pour renforcer et sceller l’union Africaine. Pourquoi alors refuser d’imiter ce qui est imitable?
Faute de n’avoir pas pris une position commune ferme au moment des négociations de notre pseudo indépendance, nous voici depuis plus d’un demi siècle, confinés dans nos micros Etats, incapables de la moindre résistance et de la moindre initiative.
Il est temps et surtout urgent, que nos Dirigeants actuels prennent la mesure des événements, suivent l’évolution, la soif de justice et de progrès, qui s’emparent des Africains aujourd’hui, et singulièrement du désarroi de notre jeunesse. Il ne peut plus y avoir de nos jours de sujets tabous. Osons donc aborder tous ces sujets sensibles avec courage, détermination, ayant pour seul souci et objectif, l’avenir du continent et de sa jeunesse, qui en constitue la véritable force. Ne pas suivre et accompagner de façon responsable ces remous, expose le continent à une implosion certaine, dans un avenir qui ne sera pas si lointain.
Il n’est que de voir la détermination avec laquelle ces bras valides, notre jeunesse, affrontent tous les obstacles, bravant périodiquement par milliers la mort dans la Méditerrannée, à la recherche du mieux-être, pour s’en convaincre. Cela doit donc être pour nous et nos partenaires européens, de sérieux sujets de réflexion et de méditation. Cette situation dramatique et récurrente doit nécessairement interpeller nos dirigeants et nos partenaires Européens, à aborder nos problèmes communs de développement, sous le seul angle d’intérêts réciproques, débarrassés de tout paternalisme, généralement sous tendu insidieusement par un instinct de domination.
En conclusion, si notre salut passe par la création et la maîtrise d’une nouvelle monnaie commune, choisissons d’y aller avec courage et souci permanent d’une gestion rigoureuse. La zone Uemoa et la zone Cemac réunies, avec les quatorze Etats qui les composent, constituent déjà une zone d’échanges très intéressante pour le commerce intra-Africain et la coopération sud-sud. Le commerce international suivra nécessairement.
Il est temps que nous cherchions en nous-mêmes, les solutions à nos problèmes et les remèdes à nos maux. Mais encore une fois, que nos Dirigeants ne se laissent point diviser par des intérêts égoïstes, qui depuis nos pseudo indépendances, nous maintiennent en l’état, pendant que les autres Pays du même palier que nous en 1960, nous ont distancés de par un bond véritablement qualitatif, pour se hisser au rang de pays émergents. Notre développement dépend de nous, et de nous seuls. Sa conception et sa conduite ne peuvent venir d’ailleurs. Revenons-en à chaque instant de notre existence, à cette simple mais exigeante réalité❒
Mr Lucien Gbohaïda Glèlè
Ancien président du Patronat du Bénin et ancien président de la FOPAO (Fédération des Organisations Patronales de l’Afrique de l’Ouest)
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