Trois conventions différentes en sept ans, passant de 1,2 milliard de Fcfa, à 30 milliards de Fcfa. Voilà ce qui a plombé Bbcom Sa, un opérateur de téléphonie Gsm aux capitaux privés détenus par des Béninois, en dehors de l’opérateur historique Libercom. Quelle entreprise peut survivre dans ces conditions ? Même Libercom appartenant à l’Etat lui-même n’a pu suivre le rythme, tant le secteur est délicat et nécessite des investissements colossaux. Avec les échecs successifs de la tentative d’ouverture de capital ou de vente de Bbcom, d’abord à France Télécom Sa puis à Maroc Télécom Sa, et la période d’incertitude qui a succédé à l’offre du groupe Talon, Bbcom a traversé une période d’incertitude qui lui a sérieusement été préjudiciable.
Si l’Arcep n’a subi aucune pression comme l’a répété son Secrétaire Exécutif dimanche 3 septembre dernier, sur les antennes de la télévision privée Golfe Tv, c’est que les membres de l’Arcep, illégalement en place, ont confondu vitesse et précipitation, en ratant l’occasion de mieux maîtriser le sujet avant de prononcer des sanctions.
Lors de son passage sur l’émission Ma part de Vérité de « Golfe Tv » du dimanche dernier 3 septembre 2017, le Secrétaire Exécutif de l’Autorité de Régulation des Communications Electroniques et de la Poste, Hervé Guêdègbé, avait évoqué rapidement les contraintes auxquelles les entreprises de téléphonie Gsm sont confrontées, et qui perturbent leur équilibre financier. Si certains sont parvenus à vite trouver des repreneurs avec l’apport massif de capitaux nouveaux, tel n’a pas été le cas de Bbcom Sa, qui a sans doute bénéficié d’une attention particulière de l’Etat béninois, mais une attention qui, in fine, ne lui a pas vraiment profité… Commençons par le début.
Au commencement de Bbcom était Dukair Sa….
An 2000 : le Bénin fait l’expérience de la téléphonie cellulaire Gsm. Après Libercom, le réseau lancé en mai par l’opérateur historique Opt (devenu après Bénin Télécom), des opérateurs privés sont apparus dont le Groupe Dukair Sa., qui a signé une convention avec le gouvernement béninois, notamment le Ministre de la Culture et de la communication, porte parole du Gouvernement, le 6 décembre. Le Pdg du groupe avait pour nom Daouda Lawal, et le Ministre un certain… Gaston Zossou! Le même Ministre prend acte en mai 2001 du changement de dénomination du Groupe El Dukair, en Bell Benin Communications. Au point 4.1, il est mentionné que « Les frais d’agrément pour l’installation et l’exploitation des équipements de radiotéléphonie cellulaire mobile, sont fixés à un milliard deux cent millions (1 200 000 000) de francs CFA, payables en deux tranches comme suit : une première tranche de six cent millions (600 000 000) de franc payable avant la mise en service du réseau GSM, et une deuxième tranche de six cent Millions (600 000 000) de franc CFA, payable 12 mois après la mise en service du Réseau Gsm. La durée de la convention précisée à l’article 3.5 de la convention, est fixée à quinze (15) ans, à compter de la date de sa signature. Quatre ans plus tard, la donne change !
An 2004 : Cette fois ci, c’est avec les ministres en charge de la Communication, des Finances et de l’Economie, puis Garde des Sceaux Ministre de la justice, que Bell-Bénin Communications a dû signer une nouvelle convention. Cette fois-ci, la durée est ramenée à dix (10) ans, (point 3.1), contre un droit de concession de la licence qui est passé de 1,2 milliards, à cinq (5) milliards, un montant « non révisable pendant toute la durée » (point 4.1). Au point 4.2 on peut lire : « Le prix fixé ci-dessus sera payé de la manière suivante :
– francs CFA deux Milliards (2 000 000 000) à verser à l’Administration du Trésor, au plus tard quatre vingt dix (90) jours après la signature de la convention ;
– le solde, soit francs Trois Milliards (3 000 000 000) à libérer au profit de l’administration, par annuités égales de francs CFA Six cent millions (600 000 000), sur cinq (5) ans, le 1er terme étant fixé au 31 octobre 2004.
Au point 4.3 suivant, on peut lire « (…) les échéances ci-dessus convenues sont fermes, non révisables et non négociables ». Et comme si tout cela ne suffisait pas, l’entreprise Bbcom connut une nouvelle aventure avec l’avènement du régime Yayi I.
Puis vint le régime du changement
An 2007. Avec l’avènement du régime du changement, l’heure était aux réformes. Les sociétés Gsm ayant été mises au banc des accusés par bien des candidats, Boni Yayi décide de passer aux actes.
La pression est mise sur les sociétés en question, et des conditions sont posées pour la poursuite de leurs activités. Ainsi, les conventions antérieurement signées sont unilatéralement dénoncées par l’Etat, en violation des règles élémentaires en la matière. Les nouvelles conditions portent la Licence à 30 milliards Fcfa, dont la moitié payable dès la signature de la Convention. Le solde payable en 6 tranches. Quant à la durée de la convention, elle est maintenue à 10ans. Au même moment l’Etat, donne son agrément à un nouvel opérateur, « Glo ». Un concurrent de plus dans cet environnement déjà marqué par la pression financière.
Ainsi, entre 2000 où la licence était à 1,2 milliards FCFA pour une durée de 15 ans, et 2007 où la licence est portée à 30 milliards Fcfa, en passant par 2004 où la licence était à 5 milliards, Bbcom a fait de son mieux pour se maintenir sur le marché, sans apport extérieur. Les deux autres sociétés privées ont dû recourir à des capitaux étrangers, pour se maintenir. Libercom, pourtant une société est étatique, est elle restée à la traîne.
Face à toutes ces pérégrinations et inconstances de l’Etat béninois, la gestion d’une entreprise de Gsm n’est pas chose aisée. Pourtant, Bbcom a su se maintenir, allant jusqu’à avoir plus du million d’abonnés en 2012. C’est donc à juste titre que France Télécom d’abord, puis Maroc télécom après et Groupe Talon enfin, ont tenté de racheter l’entreprise. Si ces différents processus avaient fonctionné, personne ne parlerait aujourd’hui ni de retrait de licence, ni de gâchis, encore moins d’épave.
Comme on peut le constater, c’est ce même Etat qui crie « Au voleur », qui est à la base du malheur de Bbcom, décrié aujourd’hui. Il faut le dire et le souligner.
Laisser un commentaire