(La méthode Talon : l’opacité avec la ruse et la rage) En l’espace de quelques mois, des textes de lois de grande portée ont été votés à la hussarde, pour ainsi dire, au nez et à la barbe de la minorité parlementaire. Et fait gravissime, tout s’opère dans l’ignorance totale des populations cible, validé de manière expéditive par la cour constitutionnelle et aussitôt promulgué par le président de la République.
Ce sont : la loi sur les collaborateurs extérieurs, celle relative à l’embauche, et last but not the least, celle sur l’identification des personnes physiques au nom nébuleux de ‘’Ravip’’ !? A cette allure, si on n’y prend garde nous risquons de nous retrouver à la veille des échéances électorales de 2019 et 2021, avec un corpus de nouveaux textes aux antipodes de la loi fondamentale de février 1990, ouvrant ainsi un boulevard pour l’adoption mécanique de la constitution rejetée en avril 2017.
Pourquoi ? Parce que personne ou presque n’avait pris au sérieux la célèbre phrase : « désormais nous allons gouverner avec la rage et la ruse », prononcée sur le mode de la boutade par le professeur Joseph Djogbénou, au lendemain de l’historique rejet de la constitution Talon. On la cite souvent pour s’en moquer, avec la conviction qu’elle ne sera jamais mise en œuvre. Erreur ! Aujourd’hui tout se fait dans l’opacité totale, entre les seuls pouvoirs exécutif et législatif. Avec le recul, on commence à comprendre la stratégie soigneusement montée par le président-homme d’affaires et le cercle restreint d’intimes qui constituent son brain-trust. Le mode opératoire est toujours le même. Comme sous l’ère Yayi, la préférence du gouvernement Talon va vers les propositions de loi. Car la voie pour l’adoption des projets de loi est trop complexe. Elle passe par le tamis de la Cour suprême qui sait, elle, se hâter lentement. Mais à l’opposé de Boni Yayi, les stratèges pressés du pouvoir rupturien savent faire durer le plaisir de l’empressement. Le scénario est immuable : Ils font organiser un séminaire sous la houlette du professeur agrégé de droit privé -ministre et avocat personnel du chef de l’Etat- sus-nommé. Les endroits prisés pour ces conclaves d’initiés sont Dassa et son hôtel trois étoiles propriété d’un député de la mouvance, et Grand-Popo, la cité balnéaire réputée pour ses plages et ses bungalows, quand la nuit tous les chats sont gris. Là-bas, selon une terminologie invariable, les députés « s’approprient » le futur texte de loi endossé par l’un des leurs. Plus tard, la proposition de loi est tranquillement votée au parlement sans tambour ni trompettes, comme lettre à la poste. Les médias contraints à la couverture mécanique des sessions parlementaires, les syndicalistes et autres acteurs de la société civile n’y voient que du feu et toute la population se réveille les matins « Gros-Jean-comme-devant », avec une nouvelle loi en vigueur.
Par le passé, les choses ne se passaient jamais ainsi
Des lois comme celle relative au recrutement à grands frais des collaborateurs extérieurs et celle liée à l’embauche n’auraient jamais été envoyées au parlement sans avoir fait l’objet de débat et de contre-propositions des acteurs sociaux que sont les centrales syndicales. Comparaison n’est pas raison : on peut citer l’exemple des lois Macron sur le code de travail. Le président français ne s’est pas contenté de ses annonces pendant la campagne électorale où il a affiché son choix pour une réforme fondamentale du code du travail. Après son élection, il a réuni tous les acteurs sociaux et leur a soumis toutes les réformes qu’il entend conduire avec détermination, contrairement à ses prédécesseurs. Pourquoi le président Talon qui n’avait jamais dit pendant la campagne qu’il allait réformer le code du travail, ne peut pas adopter la même démarche, ou à tout le moins, faire semblant de soumettre son projet aux premiers concernés que sont les employeurs et les employés, pour qu’ils en débattent. Des cadres de concertation existent aussi bien pour le secteur privé que pour la fonction publique.
Cependant, le cas le plus flagrant d’opacité et d’absence de concertation concerne la loi sur l’identification des personnes physiques en République du Bénin. Quelle en est l’opportunité après toutes les « Lépi dites de développement », financées à grands frais ? Pourquoi s’est-on précipité pour mettre sur pied une commission composée de ministres et de députés, pour la plupart de la mouvance, là où les techniciens de l’Insae auraient suffi ? Qu’est-ce-que le ministre Bako, ancien coordonnateur du cps-Lépi de triste mémoire, peut faire d’autre que de transformer le Ravip en Lépi pour les échéances de 2019 et 2021? N’est- ce pas lui qui nous avait dit au lendemain de sa prise de fonction en 2010 que cette liste qu’il était chargé de confectionner ne serait pas prise en compte pour l’élection présidentielle qui a pourtant conduit au KO inexpliqué de 2011 ? Il ya fort à parier que le Ravip ainsi conçu est déjà mort-né, si c’est pour reproduire les errements et la supercherie de l’établissement et des mises à jour bâclées et tronquées de la Lépi par des hommes politiques stipendiés par les ploutocrates au pouvoir. Il y a véritablement péril en la demeure !
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