Cultures africaines et normes universelles

Que devons-nous convenir d’appeler « norme » ? C’est ce qui sert de règle, de modèle, de référence. Quand on convient que la durée des études dans le secondaire général doit être de sept ans, c’est une norme que l’on fixe.Il en est de même du kilométrage indiqué pour procéder à la vidange de son véhicule. De la date de péremption d’un produit, d’un médicament. Ainsi, la norme comme règle aide à réguler, à régulariser. Elle est synonyme de prescription, de méthode, de discipline. L’absence de norme ouvre la porte au désordre. Chacun en fait à sa tête, dès lors que personne n’est tenu par une ligne de conduite donnée ou convenue.

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En Afrique, d’une manière générale, sans dire que nous sommes « hors norme » ou « sans norme », nous prenons beaucoup de libertés avec les normes, notamment telles que  perçues en Occident. Si nos cultures peuvent expliquer et justifier une telle manière de voir, les exigences du monde contemporain nous pressent de changer notre fusil d’épaule. Prêter l’oreille à ce qui nous vient de loin n’induit pas forcément une trahison. La culture n’est pas enfermement sur soi. La culture est un mouvement dialectique d’enracinement et d’ouverture.

On a prétendu qu’en phytothérapie, le traitement des maladies par les plantes, l’Afrique ignore tout de la posologie. A comprendre comme l’indication de la quantité totale d’un médicament à administrer à un malade, en une ou plusieurs fois, estimée selon son âge et son poids.  Ce n’est rien moins que vrai. La posologie en médecine traditionnelle africaine s’établit à partir de la période de la journée où est cueillie une plante. Soit à l’aube, soit au zénith, soit au crépuscule. En dépend le degré de concentration du principe actif contenu dans la plante. Voilà ce qui constitue, en médecine africaine, le déterminant de toute posologie.

Pourquoi continuons-nous d’avoir des rapports ambigus avec le temps ? Il est rare que nous soyons ponctuels à un rendez-vous. Il est tout aussi rare que nous arrivions à l’heure à une rencontre pourtant convenue. Nous donnons constamment le sentiment de tricher avec le temps. Pourquoi ? Parce que nous nous acharnons à demeurer des héritiers lointains de ceux qui vivaient au rythme des saisons. Ils n’avaient aucune raison de se presser. Ils étaient dans la proximité de la nature. Ils vivaient en totale complicité avec elle. Ils pouvaient se donner l’éternité pour horizon.

Mais force est de reconnaître qu’au contact des réalités du monde contemporain, le changement frappe à nos portes. Le train qui entre en gare ou l’avion qui décolle d’un aéroport ont des impératifs de temps, d’horaires. Ni le train ni l’avion ne nous attendront. Aussi sommes-nous contraints et forcés de nous soumettre à l’heure quantifiée de nos montres.

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Sur un marché en Occident, les prix des diverses marchandises sont fixés à l’avance : tout est pesé, mesuré, tarifé. Sur un marché africain par contre, tout est estimé. Ce qui ouvre la porte à un marchandage digne du jeu du chat et de la souris. On tente le tout pour le tout pour acheter au meilleur marché. On discute à perdre haleine avec le vendeur sans se soucier du temps qui passe. C’est notre manière d’honorer la culture de l’oralité. Mais à quel prix ? Il nous sera de plus en plus difficile de continuer ainsi. Notre environnement quotidien   impose désormais un nouveau rythme de vie, donc de nouveaux pas de danse.  C’est à prendre ou à laisser. C’est une question de vie ou de mort.

Dans le domaine de la maintenance par exemple, il coûte cher de ne pas s’imposer rigueur et discipline. Et ce n’est pas parce qu’on aura invoqué Dieu, « Mahu kê dê », qu’on peut s’autoriser d’oublier de faire la vidange réglementaire de son véhicule ; qu’on peut se permettre de charger un ascenseur au-delà du nombre de personnes autorisées. C’est le laxisme ainsi célébré qui nous fait accepter comme une fatalité la surpopulation de nos salles de classe, de nos amphithéâtres ou de nos prisons.

Avez-vous jamais vu, chez nous, dans les toilettes publiques, la moindre trace d’un rouleau de papier hygiénique ou de quelque chose qui y ressemble ou en tient lieu ? Ici comme ailleurs, nous attendons que Dieu nous en mette un ou qu’il nous autorise à le faire. « Allah n’est pas obligé ». Parole de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma❒

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