Intégration africaine : poids et pesanteurs

« Africa must unite ! ». L’Afrique doit s’unir ! Est-ce là le cri délirant d’un cinglé ou le rêve généreux d’un visionnaire de génie ? La formule est du Ghanéen Kwame Nkrumah. Elle est et reste l’expression d’un robuste acte de foi.L’Afrique a été divisée au gré des intérêts de prédateurs venus de loin. C’est un fait d’histoire indéniablement établi. Le mal est fait. Nos larmes n’en gommeront point les méfaits. Autant se retrousser les manches, la foi chevillée au corps, avec la ferme résolution que « L’Afrique doit s’unir ! ».

Mais pourquoi ce qui a tout l’air d’une évidence a-t-il tant de mal à s’incarner ? Combien de temps les Africains resteront-ils statiques, passifs, laissant aux autres le soin d’écrire l’Histoire, d’écrire leur histoire ? Que gagnent-ils à demeurer sourds à l’appel d’Aimé Césaire ? « L’heure de nous-mêmes a sonné ».

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On s’en laisse accroire que les obstacles à l’unité africaine, à la réalisation du grand rêve de Kwame Nkrumah tiennent à une suite d’alibis. Des alibis chaque fois repris en chœur et égrenés comme un chapelet d’excuses. On invoque le zèle outrancier des fonctionnaires, gardiens intraitables de nos frontières. On agite le principe proclamé dès 1963 par l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) à Addis Abeba, celui de « l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation ». On met en avant la volonté de ceux qui ne peuvent continuer de dominer les autres qu’en les divisant, qu’en les maintenant divisés. On fait référence à un nationalisme intransigeant, frappé d’une sévère myopie. Ce qui empêche ses affidés de voir plus loin que le bout de leur nez. Nos déboires tiennent principalement à un seul mot : ignorance.

1- L’ignorance des textes et règlements. Vous avez dit intégration africaine au niveau continental ou sous-régional ? Nous avons pris, sur la question et en la matière, tout un arsenal de textes de lois. Ils tendent tous à effacer progressivement nos frontières actuelles, autorisant la libre circulation des hommes, des idées et des biens. Combien d’Africains connaissent-ils ces textes ? Quel effort font-ils pour se les approprier ? Les textes, c’est le bel arbre-prétexte qui cache la forêt-vérité des responsabilités non assumées.

2- L’ignorance de l’idéal d’une Afrique unie. Le rêve d’unité du continent remonte à loin, avec de valeureux fils d’Afrique tels El Hadj Omar, Ousmane Dan Fodio, Samory Touré, Kankan Moussa, Chaka et tous les autres. Ils ont été relayés dans leur action par de non moins valeureux pionniers dont le Dahoméen Tovalou Houénou. Les générations qui suivent ne savent pas toujours qu’elles en sont les légataires universels, c’est-à-dire les héritiers légitimes à charge de faire croître et de faire fructifier le legs commun.

3 -L’ignorance des raisons de nous estimer et de nous rapprocher. Nous, Africains, sommes à jamais marqués, par l’histoire, du sceau de la primogéniture, c’est-à dire notre antériorité dans l’ordre des choses. C’est ce qui fait de notre continent « le berceau de l’humanité ». Les premiers de cordée, à l’aube de l’humanité, accepteraient-ils de dégringoler pour se retrouver les derniers de classe, les damnés de la terre ? S’il nous reste encore un peu d’orgueil, mettons-le à nous valoriser à nos propres yeux, à croître en confiance et en constance. Nous ne sommes pas des êtres de hasard. Le chemin de la force et de la puissance, c’est le chemin de l’unité. Ensemble, on est plus fort.

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4 -L’ignorance d’un devoir de solidarité. Le ciment de l’unité, c’est la solidarité. Nous devons multiplier les occasions de nous rencontrer pour mieux nous connaître. Nous devons déconstruire les stéréotypes mentaux qui font qu’un Africain peut vendre, comme esclave, un autre Africain.  Nous devons travailler ensemble pour réaliser grand. Nos frontières ne sont que des accidents de l’histoire, de vilaines cicatrices à gommer au plus vite. Notre unité, par notre solidarité, c’est notre revanche sur l’histoire.

5 – L’ignorance du rôle et de la mission des élites. Ceux qui ont vocation à tirer l’Afrique vers le haut sont absents du chantier de l’unité du continent. Beaucoup dorment encore.  D’autres ont transféré leurs ressources et leur espérance dans les paradis fiscaux étrangers. Ne touchez pas à leur confort. Ne leur parlez pas d’unité africaine. Ils ne croient pas aux mythes. Ils ne se nourrissent pas de contes et de légendes. La messe est dite. Que reste-t-il encore à faire ? Continuons la réflexion. Donnons-nous des raisons de croire et d’espérer. Agissons !

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