Interrogé sur la poursuite avec mandat de dépôt de Laurent Mètongnon et certaines personnes mises en cause dans l’affaire Cnss, Me Alfred Bocovo l’un des avocats de Laurent Mètongnon, revient sur la situation de son client.Il déplore une manipulation de la justice et dénonce de graves violations des droits de l’homme et du code de procédure pénale.
Quel était l’objet de l’audience de ce jour (d’hier jeudi)?
Ce n’était pas une audience. C’était une présentation au procureur de la République. Après l’enquête préliminaire à la police et les perquisitions qui ont été faites, les mis en causes ont été déférés au parquet où ils ont été présentés au procureur de la République. Mais avant de nous recevoir, le procureur de la République a pris connaissance du dossier. Suite à cela, il a fait venir à son bureau les personnes mises en cause et leurs avocats. Il était assisté de ses substituts. Il a d’abord donné la parole à M. l’ancien administrateur provisoire de la BIBE qui a exposé dans quelles circonstance il a demandé le décaissement des fonds qui devraient servir à des commissions.
Pour ce que lui-même a dit, ce n’étaient pas des commissions mais une pratique. Certains ont parlé de pratiques commerciales, d’autres ont parlé de ce qui est donné à des apporteurs d’affaires. Les avocats de chacune des parties mises en cause ont apporté leurs éclaircissements au procureur. Tout le monde savait que la personne visée n’était que Laurent Mètongnon, et que le dossier est un dossier politique. Sinon, au regard des faits et de l’absence de preuves patentes, on pouvait dire facilement qu’il y a lieu tout au moins, à défaut de classer le dossier sans suite, de poursuivre les mis en cause sans mandat.
Les avocats ont développé que celui qui se plaint ce devrait être la BIBE, si c’était l’argent de la BIBE qui était sorti. La BIBE ne s’est pas plainte, ce qui montre à suffire que c’était une procédure pour régler des comptes à des adversaires politiques. Après avoir écouté les développements des avocats qui ont même apporté des garanties suffisantes de représentation pour que leurs clients soient poursuivis sans mandat, on nous a demandé de retourner avant de nous faire appel.
Quand on nous a fait appel, deux ou trois personnes ont été poursuivies sans mandat. Mais tout le reste (Laurent Mètongnon, Edouard Alabi Adégokè, Célestin Ahonon, presque tous les membres du conseil d’administration), ont été poursuivis avec mandat de dépôt et l’audience des fragrants délits est fixée au 19 décembre.
Mais pourquoi un délai aussi long pour une affaire à juger en procédure de flagrant délit
En pareille matière, nous les avocats nous dénonçons la violation des droits de l’homme. Parce qu’on a droit à un procès équitable. La loi dit qu’en cas de fragrant délit, c’est la comparution immédiate ou à défaut le lendemain ou au plus tard 72 heures. Mais pour en rajouter aux peines des personnes mises en cause, on a sciemment envoyé ce dossier à pratiquement un mois, le temps de les voir en prison, derrière les barreaux.
Malheureusement c’est la nuit qui tombe sur la justice en plein jour. Parce que la justice est instrumentalisée. Je le dis clairement, je l’affirme parce que vous ne pouvez pas aller devant un procureur de la République dès lors que vous savez que le dossier à des relents politique, c’est sûr que même si votre innocence coule de source, on peut décider de vous placer sous mandat de dépôt. Alors qu’en droit, le principe c’est la liberté, l’exception étant la détention. Mais, il n’y a plus de raisons qui justifient qu’il y ait eu détention préventive. Parce que toutes les informations qu’il (le procureur de la République, Ndlr) recherchait, ils les a. Alors, ceux qui sont inculpés ont aussi le droit de se défendre surtout qu’ils bénéficient de la présomption d’innocence. Alors qu’en les plaçant ainsi, c’est une présomption de culpabilité qu’on leur applique. C’est grave, c’est dangereux, ça peut frapper tout le monde.
Quel est le chef d’accusation ?
Au départ, ce qui a été reproché à mon client au moment où on lui notifiait la garde à vue, c’était trafic d’influence prévu par l’article 50 alinéa 2 de la loi 2011-20. Mais nous savons en droit que la qualification pénale peut évoluer. A la date d’aujourd’hui (hier jeudi 23 novembre 2017, Ndlr), c’est pour des faits de corruption et autres. C’est le terme générique.
En quoi il a été corrompu ?
Je ne sais pas parce qu’il n’y a aucune preuve qui puisse justifier qu’il a été corrompu. Parce que celui qui prétend l’avoir corrompu, au moins, reconnaît la main sur le cœur qu’il ne lui a pas remis directement. Il a remis à quelqu’un. Ce dernier ne reconnaît pas avoir reçu pour remettre. Si simplement, on se fonde sur la parole pour déposer les gens en prison, alors que la personne qui dit avoir procédé ainsi est un banquier central qui a fait 28 ans dans les arcanes de la BCEAO avant d’aller à la retraite, et qui s’est retrouvé certainement grâce à ses appuis politiques, administrateur provisoire d’une banque commerciale et qui n’a aucune preuve de ce qu’il allègue. Je pense pour ma part que la justice se laisse instrumentaliser parce qu’ils ont été soumis à des pressions pour en arriver à des comportements du genre. Toute chose qui n’honore pas une justice indépendante ou une justice impartiale.
Quelles sont les voies de recours ?
Je ne vais pas exposer notre stratégie. Mais ce que nous voyions venir s’est confirmé. C’est un dossier éminemment politique et des dossiers politiques doivent parfois être réglés de manière politique. Je suis d’accord avec les avocats qui ont dit que nos clients ne sont pas poursuivis pour des faits de droit, mais qu’ils sont des détenus politiques. Je l’affirme, je le revendique. En droit pur, une personne est innocente jusqu’à ce que sa culpabilité soit établie à la suite d’un procès équitable où tous les droits de la défense lui sont accordés. Dans le cas d’espèce, nous avons exercé certains droits de la défense que le ministère public n’a pas écoutés parce que le ministère public a utilisé des artifices juridiques en passant par le fragrant délit. Car, c’est le seul cas où il a la possibilité de placer directement les gens en prison en attendant le jour de leur procès. Il faut dire en passant qu’il a violé proprement les dispositions de l’article 402 du code de procédure pénale, qui impartit un délai qui ne peut pas être au-delà des 72 heures.
Et pourquoi il est allé si loin ?
C’est lui seul qui peut donner une explication à son comportement EXTRAIT DE LA LOI 2012-15 portant code de procédure pénale en République du Bénin.
Article 402 : L’individu arrêté en flagrant délit et déféré devant le procureur de la République conformément à l’article 72 du présent code est, s’il a été placé sous mandat de dépôt, traduit sans délai à l’audience du tribunal.
Si ce jour là il n’est point tenu d’audience, le prévenu est déféré à la plus prochaine audience qui ne peut se tenir au-delà de soixante-douze (72) heures ouvrables.
Si la cause doit être renvoyée, le tribunal se prononce sur le maintien ou non du prévenu en détention
Laisser un commentaire