Mise en demeure de Canal 3 par la Haac : un cahier de charges caduc au service d’une régulation liberticide

Depuis le vendredi 10 novembre 2017, la Haac a envoyé une lettre de mise en demeure à la chaîne de télévision Canal3, pour lui demander de cesser la diffusion de l’émission 100% Bénin produite par Sikka Tv. Raison évoquée, les dispositions du cahier de charges prévoient l’obtention préalable de l’autorisation de la Haac, avant toute diffusion du programme d’une chaine sœur par une autre. Il s’agit là d’une disposition rétrograde et d’une injure à l’endroit de la démocratie béninoise. La décision de la Haac poursuit certainement un objectif noble. Celui d’encourager les médias locaux à produire leurs propres programmes.

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Mais en observant la modicité des moyens de nos médias ; il y a à s’interroger sur la possibilité de ces médias d’assurer leurs propres productions. Un tour des programmes des différentes chaines de télévision nous fait observer que les productions propres aux chaines de télévision locales portent sur les éditions des journaux, les émissions de débats, les programmes du matin et quelques émissions culturelles et sportives. Le reste des programmes qui porte sur le divertissement, notamment des films et documentaires diffusés en journée, sont des productions extérieures.

C’est pour cela que de nombreuses chaines locales s’appuient sur des productions extérieures pour étoffer la couverture des programmes au quotidien. Ceci passe par des coproductions et des échanges de programmes. Dans ce monde devenu « village planétaire » selon l’expression de Mac Luhan, il est incompréhensible que dans un pays dit démocratique comme le Bénin, il soit demandé aux médias de requérir l’autorisation préalable de la Haac pour diffuser le programme d’une autre chaine TV.

Depuis des décennies, l’échange de programmes entre médias est monnaie courante. On observe même des programmes comme « le débat politique » diffusé sur Rfi, et coproduit avec les journaux Le Monde et Libération. Et les cas sont légion : coupe du monde, coupe d’Afrique des nations, feuilletons, novelas,  etc. La chaine de télévision Golfe TV Africa, diffuse d’ailleurs souvent les programmes de Voice of America.

De quoi parle donc la Haac ? C’est honteux pour le Bénin d’user de tels prétextes au 21e siècle pour justifier l’acharnement envers une chaine de télévision qui visiblement dérange. Voici plus d’un mois que la radio Soleil Fm est victime du piratage de sa fréquence par un acteur resté jusqu’ici mystérieux. La Haac qui a attribué ladite fréquence à cette station radio et qui doit veiller à ce que cette dernière jouisse avec quiétude de sa fréquence, est devenue atone voire aphasique face à ce problème. Donnant ainsi raison à ceux qui parlent d’une Haac aux ordres et résolument orientée vers le musèlement de la liberté de presse.  

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La démocratie béninoise est souvent citée en exemple lors des grandes rencontres internationales. L’ancien président américain Barack Obama, lors de sa tournée africaine, cita ainsi le Bénin comme modèle de démocratie à la tribune de l’Union africaine à Addis-Abeba en 2015. Il n’a d’ailleurs pas été le seul. Mais toutes ces personnalités et institutions qui présentent la démocratie béninoise sous un jour clair, changeraient certainement d’avis en apprenant que la liberté d’expression qui est l’un des grands piliers de la démocratie, fonctionne avec des lois liberticides et surtout d’une autre époque au Bénin. C’est vivement ramener le Bénin au système de gestion stalinien du pouvoir, que de disposer d’une telle exigence dans le cahier de charges. En tout cas, il parait de plus en plus évident, que la véritable intention de la Haac est de se servir de cette situation pour réprimer certains médias gênants

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