Qui est Béninois ?

Ambigu Bénin ! Il a un pied dans ses traditions ancestrales. Il garde la tête dans les nuages et les brumes de la mondialisation. Les enfants de ce pays portent la casquette commune de Béninois. Sans que ne s’esquissent encore les contours d’une nation béninoise. Pourquoi en est-il ainsi ? Il y a encore trop de groupes distincts de Béninois. Les uns disent être des Béninois de souche. Les autres exhibent les « papiers » qui leur confèrent de droit la nationalité béninoise. Et il y a des Béninois de circonstances. Ces chasseurs d’opportunités à forte odeur d’opportunisme.

Beaucoup, non sans naïveté, regardent dans la direction de nos campagnes et de nos zones rurales. Comme s’ils étaient en quête d’une espèce animale rare ou en voie de disparition. Ceux-là pensent que nos campagnes et nos zones rurales sont restées culturellement vierges. Espaces inviolés, sanctuaires inviolables, nos campagnes et zones rurales seraient, de ce fait, le refuge du Béninois authentique. Soyons catégorique : le Béninois n’est ni à chercher ni à trouver dans une réserve animale. Le Béninois est un être humain. Il a faculté de penser, d’aller et de venir, de changer autant que l’autorisent ses rencontres, échanges et métissages avec d’autres.

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Dans ces conditions, c’est peine perdue que d’aller à la quête du Béninois authentique, si tant est qu’il en existe ou qu’il en a jamais existé un. Le Béninois authentique, c’est une vue de l’esprit. Notre conviction reste ferme et inébranlable : on peut naître Béninois. Mais on devient Béninois. Parce qu’on a choisi, en conscience, d’être Béninois et de rester Béninois.

Le Béninois tout court est à chercher et à trouver dans un certain nombre de manifestations et situations fortement chargées de sens et de signification. A travers celles-ci, et grâce au ciment de nos cultures revisitées, la nation béninoise de nos rêves prend progressivement corps. Des lignes, jusque là rigides, bougent. Un nouveau pays se profile. Ce pays, chaque jour, se voit autre et différent dans le miroir de son avenir. Appelons à notre attention quelques faits pour illustrer notre propos.

Les fêtes communautaires se généralisent. Des plus anciennes, comme le « Nonvi tcha » des Popo ou comme la Gany des Bariba de Nikki, aux plus récentes comme le « Houémê houé » des peuples de la vallée. La citoyenneté nationale se cristallise autour d’un sentiment d’appartenance basique qui sert de plate-forme à la citoyenneté communautaire. Au nom du fait qu’on ne peut prétendre aimer le Bénin sans commencer par aimer son quartier, son village, sa ville, son terroir. La fête de l’igname à Savalou tous les 15 août, l’afflux des gens de Ouidah dans leur cité tous les week-ends de Pâques participent de la même réalité.

L’administration béninoise, comme coincée dans un code vestimentaire strict qui privilégie le complet veston-cravate, se libère ou se rebelle le dernier jour ouvrable de la semaine, le vendredi en l’occurrence. C’est un signe. Sont à l’honneur, les pagnes qui reflètent les couleurs chaudes de notre environnement. Les « bazins » de toutes couleurs, dans la diversité des coupes et des styles, ramènent au terroir ceux qui les portent. Tous ces habits étalent et célèbrent tout à la fois le génie et le talent de nos couturiers et tailleurs. C’est une brèche dans le mur protocolaire gouvernemental. Il y est inscrit, en effet, que nul n’entre dans la salle du conseil des ministres sans laisser à la porte une part de son être, une part de sa culture.

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Si de jeunes parents, chrétiens notamment, continuent de recourir au calendrier pour prénommer leurs enfants, ils se préoccupent de plus en plus de les « béniniser » avec un prénom béninois. En plein accord, désormais, avec l’Eglise catholique du Bénin qui a ainsi bien compris les choses. Plus qu’un phénomène de mode, c’est un acte identitaire fort. C’est un clin d’œil au terroir ainsi mis à l’honneur dans le village planétaire qu’est devenu notre monde.

« Les Ecureuils », notre équipe nationale de football n’est pas un foudre de guerre, une équipe conquérante auteur de victorieuses razzias sur les stades d’ici et d’ailleurs. Mais chaque fois qu’elle porte symboliquement haut levé le drapeau national, il y a quelque chose de fondamentalement béninois qui sourd du tréfonds de tout Béninois. C’est plus qu’un frisson. C’est un véritable tsunami intérieur. C’est la marque extraordinairement forte de ce qui fait de chacun de nous Béninois. Fier de l’être. Fier de le rester.

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