La fête de la fête

La fête de la fête. Que pourrait cacher cette expression plutôt bizarre ? Elle est redondante. Comme pour faire un jeu de mots douteux. Elle est creuse. Elle semblerait ne pas signifier grand-chose. Mais attention : ne nous fions pas aux apparences. Qui sait semer une année entière de 365 jours de fêtes diverses, peut consacrer un jour dans l’année à la fête elle-même. Ne dit-on pas que qui peut le plus peut le moins ?

Alors, question : ce que nous tenons pour la fête de la fête ne serait-elle pas une fête de trop, une fête qui ferait de l’ombre à toutes les autres fêtes ? Et Dieu sait qu’il y en a. Les fêtes chrétiennes comme Noël, Pâques, la Pentecôte, la Toussaint. Les fêtes juives comme la fête des lumières, le Yom Kippour. Les fêtes musulmanes comme la fête du sacrifice, la fête de rupture du jeûne. Les fêtes des religions de l’Extrême Orient comme le Têt. Les fêtes civiles comme la fête de l’indépendance, du travail, des pères, des mères. Les fêtes traditionnelles comme la fête du vodun et des religions endogènes. Les fêtes communautaires comme le Non vi tcha, la ganny, ou le Houémè hwé etc.

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La fête de la fête s’ordonne dans notre esprit comme la fête   type : toutes les autres fêtes devraient s’y reconnaître. C’est en somme la fête modèle, cadre de référence de toutes les fêtes, pour toutes les fêtes. Comment dessiner les contours de la fête de la fête, à partir de nos fêtes actuelles ? Cinq arrêts sur image pour cinq gros plans.

1- Une fête libérée de toute hypocrisie. La plupart de nos fêtes ne servent que de prétexte et de paravent à ce qui ressemble à tout sauf à une fête. On met en avant le pauvre petit Jésus pour mettre en branle toute une industrie de jouets et de cadeaux. Les commerçants s’octroient le droit et le plaisir, chaque année, de se frotter les mains avec les fêtes des mères et des pères. Plus malins qu’eux, tu meurs : ils viennent d’inventer la Saint Valentin. C’est, dit-on, la fête des amoureux. Ces détournements répétés entretiennent une hypocrisie qui ne dit pas son nom.

2- Une fête soulagée de la politique politicienne. La politique, sous nos cieux, est comparable à la poussière de l’harmattan. Elle infiltre tout. Elle s’infiltre dans tout. Voilà comment la gangrène politicienne s’est installée au cœur de nos fêtes. Qu’elles soient religieuses ou profanes. Les politiciens de tout poil, en mal d’audience et de visibilité, vont y trouver une tribune de propagande. La fête électorale ou la fête électoraliste, rien avoir avec la fête de la fête.

3 -Une fête déchargée des dépenses inutiles. Nos fêtes sont horriblement chères. Elles éreintent et laissent sur le carreau, tous les imprudents qui s’essayent à jouer les nouveaux riches. Ainsi, une tradition plutôt bête, dans un pays plutôt pauvre, pousse même les plus humbles et les plus modestes à mettre le paquet à l’occasion de toutes les fêtes. Il s’agit de paraître, de brûler en un jour et pour toujours toute une fortune. C’est, au bas mot, de la bêtise faite homme ou faite femme. C’est de la connerie en barre.

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4-Une fête couronnée de nos valeurs de partage et de solidarité. Une fête, en son esprit, est une communion. C’est à tort qu’elle tourne à la ripaille. C’est par ignorance qu’elle s’effiloche en beuverie. Avec la fête, c’est quelque chose qui est commémoré ; c’est quelque chose qui est célébré ; c’est quelque chose qui rassemble une communauté humaine autour d’une idée à partager, d’un idéal à défendre et à illustrer. N’y ont donc pas leur place les larrons en foire et les enfoirés mondains.

5 -Une fête à perpétuer comme un legs transmis de génération en génération. La fête aujourd’hui, la fête demain, la fête pour toujours. La fête est ainsi à l’image du grand fromager sur la place du village. Autour de celui-ci et à son ombre tutélaire, un espace-creuset pour les retrouvailles se dessine et prend forme. Avec celui-ci, un témoin majeur manifeste sa présence pérenne. C’est le témoin d’une tradition pluriséculaire, articulant les anneaux de la mémoire, organisant les bases du présent, traçant les chemins d’avenir. Au regard de quoi, la fête de la fête doit être un exemple, le modèle accompli

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