Bénin : L’exercice du droit de grève dans le droit positif

La société béninoise moderne est une société politique traversée depuis l’aube des temps par le phénomène social des grèves. Durant la période coloniale par exemple, aucun gouverneur colonial n’a réussi à dépasser deux ans de séjour à la tête de l’administration coloniale. Ils ont été tous emportés, plus tôt que prévu, par la pression des forces politiques locales déclenchant alors des mouvements de revendication, de protestation et donc des grèves dans toute la colonie du Dahomey.

De 1958 à 1972, des mouvements contestataires sous forme de grève ont eu raison des gouvernements civils (Maga, Apithy, Ahomadégbé et Zinsou.) puis des gouvernements militaires à l’instar de ceux de Christophe Soglo, Alphonse Alley, jeunes cadres de l’armée, Hachémé et de Souza, Kouandété, etc.

Publicité

Dans cette même optique, le gouvernement militaire révolutionnaire et le régime du PRPB ont été fragilisés et emportés par des grèves en 1989.

Il en résulte que la grève est un mouvement collectif consubstantiel à la société politique béninoise.

Si toutes les Constitutions dahoméennes de 1959 à 1972 puis la loi fondamentale de 1977 à 1989, soit avant la Conférence des forces vives de la nation n’ont pas retenu la grève comme l’expression d’un droit constitutionnel, il n’en demeure pas moins que le droit positif béninois actuel issu de la Constitution du 11 décembre 1990, le droit de grève est consacré comme un droit fondamental sans pour autant constituer un droit absolu. En tant que tel, le droit de grève, droit fondamental reconnu à tout béninois, peut être réglementé et se voir, si besoin, limité.

En effet, c’est la Constitution du 11 décembre 1990 qui a réussi à constitutionnaliser le droit de grève lorsque son article 31 dispose que : « L’Etat reconnaît et défend le droit de grève. Tout travailleur peut défendre dans les conditions prévues par la loi, ses droits et ses intérêts, soit individuellement, soit collectivement ou par l’action syndicale. Le droit de grève s’exerce dans les conditions définies par la loi ».

Publicité

A la lumière de cette disposition de notre Constitution, affirmer que le droit de grève est un droit fondamental ne saurait en rien signifier que l’on est en face d’un droit absolu comme l’avait énoncé une jurisprudence ancienne (2006) de la Cour Constitutionnelle.

La référence à la notion de « droit absolu » est même contraire à l’article 31 de la Constitution qui prévoit, en dépit de tout, la possibilité de réglementer l’exercice de ce droit fondamental de grève soit par sa limitation, soit par son encadrement, ce qui, n’implique en rien son interdiction bien que des abus soient commis à l’occasion de l’exercice de ce droit de grève.

Est-il encore besoin de rappeler que l’abus d’un droit ne peut justifier son interdiction ou son retrait si ce n’est son encadrement, sa limitation.

La consécration du droit de grève dans la Constitution de 1990 répond aux aspirations légitimes de liberté du peuple béninois qui s’est vu ainsi reconnaître un droit fondamental certes mais qui dans son exercice peut être objet de réglementation. Cette réglementation consistera à faire la différence entre ce qui relève des intérêts matériels et moraux des travailleurs et ce qui relève des situations politiques.

Par Arèmou OGOUDEDJI, Université d’Orléans

Une réponse

  1. Avatar de ALLOMANN
    ALLOMANN

    Pourquoi nous ressert-on cette contribution au goût inachevé, qui était déjà parue ici la semaine dernière ?

Répondre à ALLOMANN Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité