Pour attirer l’attention du gouvernement sur les conséquences liées au projet d’aménagement des berges lagunaires de Cotonou d’une part, et à la construction du contournement Nord-est de Cotonoud’autre part, le comité des propriétaires des maisons présumées affectées, a bien voulu anticiper sur d’éventuels désagréments à venir. Il a entrepris un certain nombre d’actions pour attirer l’attention des décideurs sur leurs craintes.
Après l’opération de libération de la voie publique qui a marqué péniblement les populations du pays, et particulièrement celles de Cotonou, le gouvernement se trouve de nouveau devant un cas similaire. Celui des projets d’aménagement des berges lagunaires de Cotonou et de construction de la voie de contournement Nord-est de la ville.
Des faits
Les populations riveraines des 33 quartiers où doivent se réaliser les deux projets, ont été intriguées courant 2017 par la présence de géomètres qui procédaient à une opération de marquage de leurs maisons sans donner la moindre explication. C’est autour d’octobre novembre et décembre 2017 qu’ils recevront la visite d’agents identifiables par leur blouse frappée du sigle ‘’IGES’’. Ces derniers dimensionnaient les maisons et remettaient des cartes aux occupants. Le président du comité, Maurice Agnèmon, rapporte que ces agents ont expliqué aux résidents que leurs habitations sont concernées par ces projets et qu’ils devront quitter les lieux après dédommagement. Puis, le 27 décembre 2017, les populations ont été invitées par le chef du 3e arrondissement en présence d’une équipe de techniciens.
C’est sur projection vidéo accompagnée des explications du chef des techniciens, que les concernés ont pris connaissance de ces deux projets. Il leur a été expliqué que le projet n’en était encore qu’au niveau de l’étude d’impact environnemental et social, et que les propositions faites par les participants seront prises en compte dans la rédaction de la mouture finale. Ce comité est constitué des représentants des quartiers : Zogbohoué, Zogbo, Vossa, VossaKpodji, Ahouansori-Ague, Ahouansori-Agata, Ahouansori-Toweta, Ahouansori-Toweta2, Ahouansori-Ladji, Ahouansori-Didjè1, Ahouansori-Didjè2, Hindé1, Hindé2, Dédékpo, Abokikodji Lagune, Ohè, Mindombo, Missessin, Kpankpan, Adogléta, Hxlacomey, Agbato, Agbodjèdo, Minontchou, Yenawa, Yenawa-Daho, Yagbè, Avotrou et Dandji, tous concernés par les deux projets.
Des actions du comité
C’est en constatant que les travaux des géomètres sur le terrain ont débuté et se poursuivent, sans qu’une autorité d’envergure ne les sensibilise ou ne les informe sur quoi ce soit, qu’est née l’idée de créer un comité et d’attirer l’attention des gouvernants et des institutions de la République sur ce drame collectif en gestation. Le comité adresse donc des correspondances en date du 7 février 2018 : aux Présidents de la République, de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle, de la Cour suprême, du conseil économique et social, au médiateur de la République, aux ministres du cadre de vie, de l’intérieur, des infrastructures et des transports, de la justice, des affaires sociales et celui de la culture. En réaction à ces correspondances, le comité est reçu au Conseil économique et social le 24 février 2018, avec la promesse d’une seconde rencontre.
Le comité a aussi été reçu le 27 février 2018 chez le médiateur de la République, par le directeur des recours. Le directeur du cabinet du ministère de l’intérieur reçoit ce comité le 28 février 2018. Celui-ci au nom du ministre, a félicité le comité pour sa démarche. Celle de n’avoir pas choisi de descendre dans la rue, mais de s’adresser aux autorités. Le ministre du cadre de vie qui reçoit ce comité le 1er mars 2018 dans son cabinet, leur a donné des explications sur les projets.
Sur la voie de contournement par exemple, il leur a dit qu’elle devrait avoir 100m de large. Il les a rassurés que le comité sera associé à la réflexion sur les étapes préparatoires à ces projets, et surtout que leurs propositions seront examinées et prises en compte. Le comité reste cependant inquiet de n’avoir pas eu réponse du côté de la représentation du peuple qu’est l’Assemblée nationale, et surtout du côté de la Présidence de la République qui coordonne l’ensemble de l’action administrative.
Les craintes de la population
Barthélémy Agbangla membre du comité, explique que la principale crainte du comité et partant de la population, porte sur la destruction des habitats et du patrimoine culturel. Il explique que si ces projets sont exécutés, ils risquent d’entraîner des dommages irréparables. Surtout la voie de contournement Nord-est de Cotonou, d’environ 37 à 42 kilomètres qui traversera 33 quartiers : elle entraînera la démolition de cent cinquante cinq mille habitations, détruira 1500 à 2000 lieux de cultes toutes obédiences confondues.
Le comité craint surtout que la destruction de ces habitations n’entraîne la dispersion de la population autochtone de Cotonou, qui après avoir cédé la grande partie de son domaine à des acquéreurs dont l’Etat, s’est retirée vers la lagune pour y pratiquer la pêche. Il explique que cette dispersion entraînera aussi l’extinction de groupes ethniques comme les « Sèto ». Barthélemy Agbangla évoque aussi le patrimoine culturel qui sera à jamais détruit et qu’on ne pourra plus reconstituer, de même que les habitations qui sont le fruit de plusieurs années ou décennies d’épargne. Pour éviter ce drame, le comité suggère que le projet de contournement conserve son plan originel, celui de contournement et non de traversée.
« Nicéphore Soglo qui a conçu ce projet au moment où il était maire de Cotonou sous le gouvernement de Mathieu Kérékou, avait parlé de contournement pour éviter de détruire les habitations et le patrimoine culturel. C’est ce même plan que les techniciens venus dimensionner la voie sous le régime de Boni Yayi ont suivi. Nous sommes étonnés que l’actuel gouvernement vienne redimensionner la voie et l’a déplace de la lagune vers la terre ferme où se trouvent des habitations et des lieux sacrés et de culte ».
Barthélémy Agbangla rapporte que c’est parce que le gouvernement veut aménager la lagune de Cotonou en y construisant des hôtels et d’autres infrastructures de luxe, que les populations seront contraintes de payer le lourd tribut qui passe par la démolition des 33 quartiers. Il se demande quel peut être ce développement qui place la transformation de la ville au dessus de l’homme ? Le comité espère que le gouvernement sera sensible à ses cris, pour que la réalisation de ces deux projets profite aux riverains, en n’entraînant pas l’extinction de leurs lieux de fixation, investi depuis déjà deux à trois siècles
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