Bénin : Éléments pour une réforme du système partisan

Pour être un tant soit peu scientifique, une réforme du système partisan doit suivre le chemin suivant :1) Commencer comme dans tout travail scientifique, par clarifier les concepts. 2) Formuler au besoin des hypothèses de travail, puis circonscrire deux ou trois objectifs poursuivis.

3) Déterminer clairement les actions à mener pour être sûr d’atteindre ces objectifs.

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4) Définir les résultats attendus.

Le programme mis en œuvre par l’Assemblée Nationale et qui est seulement centré sur la rédaction d’une nouvelle Charte des partis politiquesne respecte guère une telle démarche épistémologique et méthodologique. Voyons voir dans l’espace réduit de cette chronique.

I-Problématique

Trois choses sont d’abord à mettre en évidence comme à l’entame de toute recherche : la clarification conceptuelle, la mise en œuvre du problème et la question de recherche. Il faudra donc savoir ce que nous mettons dans ce concept de réforme du système partisan.

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Nous entendons généralement par ce terme toutes entreprises consistant à changer le visage de notre paysage politique envahi par une kyrielle de groupes d’entreprise personnelle fonctionnant comme de petits clubs électoraux,instruments de négociation lors des élections ou de rente face au pouvoir en place, et qui souvent sommeillent entre deux élections, s’ils ne disparaissent pas totalement du jour au lendemain. En effet, on se désole généralement du grand nombre de partis politiques au Bénin : 250 partis pour 10 millions d’habitants !

Apparemment, ce serait trop et le bon peuple, du moins dans sa partie lettrée, de gloser sur le multipartisme intégral. Mais quand les débats deviennent sérieux, on achoppe vite sur ce constat qu’aucun travail scientifique n’a jamais déterminé le nombre idéal de partis politiques dans un pays en fonction de sa démographie ! Mieux, la preuve que ce nombre n’est pas jugé excessif par tout le monde, c’est que nonobstant ce nombre de partis politiques, il s’en crée chaque week-end. Le problème n’est donc pas leur nombre.

Le problème est ailleurs : les partis politiques béninois n’ont pas d’envergure nationale qui les rende à même de dégager des présidentiables sérieux ou de compétir seul pour les élections législatives. Une observation est généralement agitée pour conforter cette idée : aucun des quatre Présidents de la République du Renouveau démocratique n’a guère été secrété par un sérail politique ; ce sont tous les quatre des hommes nouveaux issus de la société civile qui ont d’abord exprimé seuls leur volonté de se présenter à la prochaine échéance présidentielle avant que des groupes de soutien arrimés à quelques petits partis, ne viennent les soutenir.

Néanmoins, beaucoup d’hommes politiques, chefs de leur formation politique, ont depuis les débuts du Renouveau démocratique participé comme candidats aux différentes élections présidentielles :

1991

  • PSD : Bruno Amoussou
  • RND : Moïse Mensah
  • NCC : Albert Tévoédjrê
  • PRD : Adrien Houngbédji
  • BGLD : Thomas Goudou
  • RDL : Sévérin Adjovi
  • PCB : Pascal Fantondji

1996

  • RB : Nicéphore Soglo
  • PRD : Adrien Houngbédji
  • PSD : Bruno AMOUSSOU

 Coalition des Forces pour une Alternance Démocratique : Mathieu Kérékou

2001

  • RB : Nicéphore SOGLO
  • UBF : Mathieu Kérékou
  • PRD :Adrien Houngbédji
  • PSD : Bruno AMOUSSOU
  • UNSP : Wallys Zoumarou
  • UDS : Sacca Lafia
  • PDB : Soulé Dankoro

2006

  • PRD : Adrien Houngbédji
  • UBN : Bruno Amoussou
  • RB : Léhady Soglo
  • MADEP : Antoine Idji Kolawolé
  • RDL : Sévérin Adjovi
  • Force clé : Lazare Sèhouéto

2011

  • UN : Adrien Houngbédji*
  • FCBE : Boni YAYI

On voit bien par ces tableaux que le problème et la question de recherche ne se posent pas dans les termes habituels où on les pose. En effet, tous les hommes politiques leaders de partis politiques d’une certaine importance ont à un moment ou à un autre participé à toutes les joutes électorales que ce soit les élections présidentielles ou les élections législatives. La question à se poser est la suivante : pourquoi aucun des candidats, sauf dans le cas de la Coalition pour une Alternance Démocratique en 1996, l’Alliance UBF en 2001 et l’Alliance FCBE en 2011, respectivement pour le Général Mathieu Kérékou et Boni Yayi, n’a-t-il jamais réussi à se faire élire ? La réponse génère au moins deux hypothèses :

1) Malgré leur grand nombre, les partis politiques béninois sont faibles sur le plan organisationnel et financier. Deux interventions n’ont guère arrangé la situation après trois décennies de Renouveau démocratique : le mauvais départ avec un Premier ministre de la Transition autorisé à se présenter à l’élection présidentielle à venir et surtout la limitation au plafond des candidats aux élections présidentielles à 70 ans.

2) Contrairement aux pays en transition démocratique de la sous–région ouest-africaine, le Bénin n’a pas vu émerger de grands partis politiques qui ailleurs furent les tremplins nécessaires pour la conquête du pouvoir d’Etat, à cause de cette pernicieuse solution de continuité qu’a constitué les 17 ans d’une révolution despotique qui a détruit toute velléité d’organisation politique ou civile. Aussi ce peuple très politisé par le passé a-t-il fini par perdre tout goût aux affaires de la Cité au profit d’un parti unique : le PRPB.

Deux objectifs se dégagent de ces assertions :

1) Le plus important à poursuivre donc est d’avoir de grands partis ayant une grande envergure nationale ; ce n’est donc pas a priori le grand nombre de partis qui gêne si parmi eux, il se dégage de grands partis nationaux. La nouvelle Charte en fixant à 100 le nombre d’adhérents par commune pour un parti politique va soulever un raffut qui amènera à terme à l’érection de grands partis nationaux.

2) Mais il y a un second objectif que ne peut permettre d’atteindre seule la nouvelle Charte : la cohésion et le bon fonctionnement internes des mastodontes engendrés, et ces résultats ne peuvent être obtenus que par le code électoral !

En s’arrêtant au marteau-pilon de 100 adhérents par commune, nous aurons lesLéviathan souhaités, mais l’exemple de la Renaissance du Bénin devrait nous amener à plus de circonspection. En effet, Nicéphore Soglo voulait en 1994ramener le nombre des partis politiques au Bénin à deux, ceux qui le soutenaient et ceux qui étaient opposés à son régime. Pour ce faire, il a cru bon d’appeler les partis de sa mouvance à se fondre dans le parti créé par sa femme en 1992: la Renaissance du Bénin.

Ce fut le désastreux appel de Goho, une injonction qui n’eut qu’un seul effet : faire se saborder tous les partis de la mouvance présidentielle au profit de la seule RB originelle de Madame Rosine Vieyra Soglo. Aussi vouloir obliger tous les partis politiques du Bénin dans un délai de six mois, à fusionner pour respecter la clause de 100 adhérents par commune,diminuera certes drastiquement le nombre des partis politiques, mais les mastodontes ainsi créés risquent d’être des tigres en papier ou des colosses aux pieds d’argile si on s’arrête là : il n’est pas sûr qu’ils aient une direction homogène, accaparés qu’ils seront par des despotes ethno-régionaux et minés par des problèmes de personne.

D’ailleurs, ces clauses incluses dans la nouvelle Charte des Partis politiques dont l’efficacité est loin d’être prouvée, violent le droit constitutionnel des citoyens à s’associer librement. Nous devons avoir en mémoire les effets socio-politiques désastreux de l’Appel de Goho si nous nous nous arrêtons seulement au premier objectif sus-indiqué. La RB devenant le parti hégémonique de la mouvance, a renvoyé tous les autres au vestiaire et ceux-ci n’ont rien pu faire pour participer à l’organisation de la campagne présidentielle de 1996 face à la redoutable machinerie politico-électorale mise en place par Albert Tévoédjrê.

La suite est connue ; après l’échec de Nicéphore Soglo à la présidentielle de 1996, beaucoup de ces partis avaient recouvré ipso facto leur liberté d’action, d’autres avaient disparu purement et simplement lors donc que leurs militants étaient devenus membres de la RB originale.

(A suivre)

Dénis AMOUSSOU-YEYE, psychosociologue(Contribution)

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