Demain mardi 6mars 2018, Patrice Talon sera reçu en audience par son homologue français, Emmanuel Macron. On imagine les séides de la rupture pousser un ouf de soulagement, après les couacs qui ont entouré la précédente annonce suivie du …limogeage spectaculaire en conseil des ministres, du secrétaire général du Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, Maec. Le pauvre était le parfait bouc émissaire des maladresses commises ailleurs. Cette fois-ci, tout semble avoir été réglé comme du papier à musique, avec la récente visite d’un secrétaire d’Etat français venu en éclaireur à Cotonou. Tant mieux !
Vraisemblablement, le menu de cette audience sera essentiellement consacré, à en croire les premières indiscrétions, à la demande de retour des biens culturels du Bénin, formulée par Patrice Talon et qui avait essuyé un refus poli du gouvernement François Hollande. Depuis, Emmanuel Macron s’est montré plutôt favorable à la demande de son homologue béninois, dans une interview précédant sa visite à Ouagadougou.
Vue sous cet angle, la visite de Paris elle-même n’est plus d’un grand intérêt pour nous, d’autant que les détails de la rétrocession ou non des biens peuvent être gérés au niveau ministériel, sans que les deux présidents aient besoin de bousculer leur emploi du temps du moment. Pour la France, Cotonou n’est pas Abidjan ni Dakar. Et Dieu sait que notre président a du pain sur la planche en ces jours de débrayage généralisé ! Mais visiblement, Patrice Talon tient à cette visite, d’abord pour briser le mur de béton qu’il a érigé lui-même depuis son avènement au pouvoir et qui fait qu’aucun président, hormis celle de la confédération suisse, ne nous a rendu visite. Et surtout pour la caution que son homologue français pourrait lui donner pour sa politique de réformes qui fait grincer des dents à juste titre par ici.
Les prémices de cette posture du président Talon, ont été clairement énoncées par ce secrétaire d’Etat au cours d’une interview accordée à nos confrères de la Nation lors de sa brève visite. Il aurait été essentiellement question de la proximité de deux politiques de réformes conduites ici et en France, comme si nos deux pays étaient au même stade de développement. Il y a lieu de craindre cette tournure des évènements, quand on sait que le président de la République a consacré ces deux dernières semaines à recevoir certaines couches de la population. Tout le monde a pu voir notre président élu depuis deux ans, trôner royalement devant ses différents auditoires et débiter un discours redondant sur sa vision du développement, comme dans un cours magistral avec des détails qui ne laissent aucune place aux échanges ni à la contradiction. Talon pourrait être tenté de faire le même exercice devant Macron pour « frimer » comme d’habitude. Le président qui s’est révélé à nous ces derniers jours est une sorte de démiurge, à la fois grand timonier à la manière de feu Gnassingbé, ou grand messie qui pense et agit à nos lieux et places, sans que nous ayons besoin de donner nos avis. Macron surnommé Jupiter dans l’hexagone, ne peut s’amuser à prendre cette posture monarchique.
Notre président de la République, devrait donc éviter d’évoquer avec son homologue français son sujet favori de réformes, qui n’apporterait rien aux problèmes d’embauche en France, ni à ceux du fonctionnement de la SNCF. La France est un pays post industriel, qui cherche un équilibre toujours difficile entre le besoin de maintenir les acquis sociaux et les services publics (les transports, la retraite, le Smig et autres Rmi), que tous les pays développés lui envient ; et la nécessité de promouvoir la compétitivité de son économie tout en abaissant la courbe du chômage. Tandis que notre pays le Bénin, est un pays arriéré, sans ressources minières connues, maintenu par les multinationales et la haute bourgeoisie au pouvoir dans la monoculture du coton, ruineuse pour nos sols. Les problèmes d’embauche dans les rares entreprises existantes ne peuvent pas être réglés de la même manière qu’en France. Ni ceux du secret défense et du recueil de renseignement, comme dans une république bananière. Cependant, Le Bénin pays industriellement arriéré n’est pas, comme l’a clamé Patrice Talon lors de sa toute première visite à Paris, un désert de compétences, loin s’en faut ! Un président ne devrait jamais dire ça de son pays en terre étrangère, surtout devant un interlocuteur si admiratif des élites dahoméennes qui servent admirablement dans les hôpitaux français entre autres !
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