Impuissant face à la radicalisation de la fronde sociale causée par la confiscation des salaires, le gouvernement décide d’intimider les enseignants.Des communiqués successifs des ministres des divers ordres d’enseignement, invitent les enseignants à reprendre les cours dès ce jour, sous peine de subir les rigueurs de la loi. Cette dernière tentative qui vise à intimider les enseignants risque hélas un flop.
Deux communiqués signés respectivement des ministres de l’enseignement primaire et de l’enseignement secondaire, et abondamment relayés hier sur les réseaux sociaux, invitent les enseignants de la maternelle, du primaire et ceux du secondaire, à reprendre les cours ce jour. Les deux communiqués au ton péremptoire et injonctif se ressemblent.
« Celui qui ne va pas rejoindre son poste de travail sera considéré comme en situation d’abandon, et il s’exposera à toutes déconvenues », écrit le ministre de l’enseignement secondaire Kakpo Mahougnon.
Son collègue de l’enseignement primaire est resté dans la même veine. « Tout enseignant qui ne reprendrait pas le chemin des classes pour compter de cette date, se retrouverait en cessation illégale de travail et traité comme tel », menace-t-il. Ces deux messages viennent en réaction aux nombreux communiqués des différents syndicats de la santé, du secteur de l’éducation (de la maternelle au supérieur), et des centrales syndicales qui annoncent des grèves de 96heures dès mardi. Abasourdi par cette radicalisation de la fronde, le gouvernement décide de jouer la carte de l’intimidation et de la terreur pour jouer sur la psychologie des peureux, afin d’obtenir une brisure de la grève.
Toute la semaine, la communication gouvernementale était tombée à bras raccourcis sur les enseignants traités d’opposants, d’enseignants peu conscients et de citoyens égoïstes et ambitieux. Le ministre de l’économie et des finances Romuald Wadagni, avait franchi le rubicon dans la diabolisation des enseignants en affirmant en fon aux femmes des marchés venues rencontrées le chef de l’Etat, qu’ils revendiquaient l’argent de croissant pour leur petit déjeuner alors que d’autres corps de métiers vivent du peu. C’est toujours cette campagne de diabolisation qui a conduit le président Patrice Talon, naguère casanier et taciturne, à multiplier les rencontres à l’allure de « meetings politiques », pour désavouer et discréditer les mêmes enseignants devenus subitement la risée de tout le gouvernement et de l’appareil. Tout a été tenté contre eux, même la publication de la grille de leurs salaires pour montrer qu’ils font partie des fonctionnaires les plus chéris. Pourtant, l’itinéraire de cette fronde qui se durcit un peu plus chaque jour donne raison à ces enseignants qui ne réclament que l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.
Le premier mouvement qu’ils ont déclenché portait sur de vieilles revendications comme la revalorisation de la fonction enseignante. Embêté par cette première grève et après les avoir reçus un peu tard, Talon ne promet rien. Plus grave, sa majorité au parlement vote une loi pour interdire le droit de grève. Face à cette trahison, les enseignants renouent avec la grève jusqu’au jour où la Cour constitutionnelle a jugé cette loi contraire à la constitution. Les enseignants se ravisent, mettent en stand by leurs revendications et reprennent les cours. Le gouvernement lui, est dans la logique de la provocation. Il sort l’arme de la défalcation. Et face aux nouvelles menaces de grève, le gouvernement ne rétrocède pas les salaires, au contraire il les confisque tous. Sacrée gouvernance par ruse et la rage…
Talon face à une responsabilité historique
Le durcissement du ton du gouvernement et la campagne de diabolisation des enseignants vont se retourner contre le président de la république lui-même. Si ce durcissement de ton conduit à une année blanche, ce sera le plus gros trou du bilan de Talon. En dehors de Kérékou qui avait une situation exceptionnelle en 1988 ayant conduit à l’année blanche, tous les autres présidents ont soigneusement évité cette situation. Durcir le ton va définitivement fragiliser le pouvoir Talon.
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