On ne triche pas avec la nature

Magnifique division de travail. Dieu créa la nature. L’homme créa la culture. La nature est composée de quatre éléments fondamentaux : l’eau, la terre, l’air, le feu. Le rapport de l’homme à ces quatre entités détermine le degré de qualité de ses productions et de ses créations culturelles. Et la culture, c’est le marqueur par excellence. C’est ce qui identifie et signifie l’homme. C’est ce qui porte et oriente son développement.

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S’il en est ainsi et pour en revenir au Bénin et aux Béninois, les quatre éléments constitutifs de la nature offrent une grille de lecture idéale. Pour saisir nos avancées ou nos retards dans la vie. Pour apprécier nos progrès ou nos dérives sur le plan du développement humain. Alors, question : quels rapports le Bénin et les Béninois entretiennent-ils avec les quatre éléments constitutifs de la nature ?

1- Rapport à l’eau. Les toutes premières pluies s’installent. Cotonou, la vitrine du Bénin, s’inonde. Triste image devenue familière. Chaque année, en effet, à la même période, le même spectacle de désolation : voies et maisons inondées, êtres humains transformés en batraciens, dégâts et dommages sans nombre, le tout sous le règne totalitaire des parasites et des maladies qui tuent. L’eau, la cause de tant de ravages et de désastres à Cotonou est, a contrario, attendue comme une grâce sur les terres sahélo-sahéliennes. Des terres qui attendent de se couvrir de cultures, promesse d’abondance pour les greniers, de fourrages qui feront roter d’aise les ovins et des caprins. L’eau, ici et là, est la même. Mais l’eau, ici et là, n’est ni gérée ni traitée de la même manière. Elle ne saurait, par conséquent, produire les mêmes résultats.

Par ailleurs, l’eau potable pour les humains est vitale. Et quand des partenaires au développement nous aident à en fournir à nos populations, certains de nos concitoyens orientent ailleurs les fonds alloués. Voilà comment est détourné un bien précieux. Voilà comment on prend en otage des populations entières.

2- Rapport à la terre. Nous n’apprenons rien à quiconque : au Bénin, la terre est et reste le plus grand commun diviseur. Elle casse les familles, fracasse les communautés, concasse les amitiés les plus solides. Le même lopin de terre est vendu à autant d’acquéreurs qu’il y a de dossiers d’acquisition. Un trafic répugnant qui finit par se cristalliser en un cocktail détonnant : empoisonnement, envoûtement, voies de fait, procès… un gros nœud de contradictions qui se gère comme un héritage pourri, de génération en génération.

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Ne parlons pas des autres agressions contre la terre, avec les feux de brousse, les eaux polluées par des agents chimiques comme les pesticides, sans oublier l’action nocive des sachets plastics non biodégradables.

3- Rapport à l’air. La pollution atmosphérique, cela nous connaît. Nos grandes agglomérations en portent le témoignage le plus éloquent. Or, l’air que nous respirons est comparable à la vie qui irrigue tout notre être. C’est l’énergie dont nous avons besoin pour continuer de nous donner des raisons de croire et d’espérer. Mais, malheureusement, nous lâchons tout dans l’air. Des gaz à effet de serre à toutes autres nuisances de la même espèce. On ne peut mieux s’empoisonner au compte-goutte, s’étouffer à petit feu, se suicider sans autre forme de procès. Voilà ce que nous faisons d’un don de Dieu ainsi payé pour ses bienfaits en monnaie de singe.

4- Rapport au feu. Rendons grâce. Chaque jour, nous avons besoin du feu pour divers usages domestiques. Mais nous nous montrons irresponsables chaque fois que nous oublions qu’avec le feu nous devons nous garder de ne pas tenter le diable. Nous stockons, dans nos maisons, des tonnes de produits inflammables. L’appât du gain nous aveugle au point de nous faire ignorer les dangers que nous courons, les dangers que nous faisons courir à autrui.

Cet ensemble de constats tire à conséquence : nous, Béninois, sommes fâchés contre l’eau, fâchés contre la terre, fâchés contre l’air et le feu. Nous sommes donc fâchés contre la nature. En dernière analyse, nous sommes fâchés contre la culture, ce par quoi nous partageons avec Dieu l’éminent privilège de la création.

« Gbè do su ». Maintenant que nous le savons, nous pouvons intercéder pour nous-mêmes : « Pardonne-nous, Seigneur, car nous ne savons pas ce que nous faisons, faute de prendre l’exacte mesure du crime que nous commettons »

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