Bénin : Hommage du Professeur Aïvo à Maurice Chabi

Maurice Chabi et moi. Depuis ma jeunesse estudiantine, je voue à Maurice Chabi une admiration intellectuelle. Cette admiration ne s’est jamais estompée car, à aucun moment, je n’ai pris Maurice Chabi à défaut sur les qualités qui m’attiraient chez lui.A aucun moment, jusqu’au jour où il a plu au Seigneur de l’arracher à l’affection de ses proches, à aucun moment disais-je, je n’ai eu le sentiment d’avoir été floué par Maurice comme je pense aujourd’hui être floué et roulé dans la farine par certains journalistes de l’Ortb.

J’ai de vagues souvenirs du passage de Maurice Chabi à Ehuzu, le Quotidien gouvernemental sous la révolution. Mais je le lisais assidûment dans « Les Echos du Jour » et apprends au quotidien avec lui, à travers sa plume, à décoder l’actualité politique sous un angle plutôt vigilant voire critique.

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J’ai eu à maintes reprises, l’occasion de lui faire savoir que je suis un de ses admirateurs et que j’ai bu sans modération ses chroniques à « La Presse du Jour ». J’étais encore étudiant à la Faculté des sciences juridiques, économiques et politiques (FASJEP). Et Maurice Chabi était, avec Éphrème Dossavi-Messi, l’un de ceux qui me donnaient envie d’être journaliste. A la Télé, j’aimais bien Vincent Dassi de « l’Invité du Dimanche » puis Jérôme Kassa de « Ma part de vérité ». Je les aimais pour leur impertinence. A ces deux-là, on ne raconte pas des balivernes et il faut bien préparer son émission avant de se présenter sur leur plateau. Ce ne sont pas ces matchs amicaux qui se déroulent sous nos yeux entre l’invité et le journaliste, sans esprit critique et avec une complaisance effarante. Mais dans la presse écrite, rien à faire, je voulais écrire comme Maurice Chabi.

Je ne suis pas journaliste, je ne suis pas de la corporation, mais j’aimais sa dignité professionnelle, sa droiture intellectuelle et sa capacité à résister aux propositions parfois tordues des hommes politiques.

Tenez, sur Maurice je garde deux souvenirs intarissables dans ma mémoire.

Un jour je rends visite à Maurice dans sa belle petite villa du Carrefour nègre à Cotonou. Je trouve dans son salon un beau portrait de la Joconde qui m’attire. Je lui en parle et Maurice me promet de laisser chez moi cette belle toile. Un matin, mon téléphone sonne : « Professeur, c’est Maurice, ton tableau est prêt, je te vois quand ? ». Pour ceux qui m’ont déjà rendu visite sur « Le Rocher », chez moi, ils auront remarqué, en ouvrant le portillon, la présence de la Joconde qui plonge immédiatement son regard dans vos yeux. Je la dois à Maurice Chabi.

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En août 2009, Adrien Houngbédji et moi préparions un entretien télévisé. Nous voulions apporter la répartie à Boni Yayi après la traditionnelle interview du 1er août. Donc il nous faut concevoir un « format présidentiel » avec deux journalistes de renom, crédibles et surtout capables de sortir Adrien Houngbédji de ses gonds et d’élever le niveau du débat. Cet entretien télévisé du Président Houngbédji alors, opposant le plus redouté par le Président Yayi était attendu par toute l’opposition mais redouté par la majorité présidentielle. Pour ce « format présidentiel », nous avons naturellement pensé à Maurice Chabi et Brice Houssou qui était alors le présentateur vedette de « Zone Franche » sur Canal 3. Les deux acceptent de co-animer l’entretien qui pour moi reste l’un des grands moments de télé du renouveau démocratique. C’est un des entretiens télévisés, « format présidentiel » les mieux réussis depuis 1990. Aucun homme politique n’aura réussi à faire mieux, à ce jour. Adrien Houngbédji fut très bon de l’avis même de ses adversaires et Maurice Chabi excellent, professionnel, pugnace et sans complaisance.

Maurice est donc parti ! Avec ses qualités, son professionnalisme et son humilité. Le journalisme a perdu une de ses figures de proue, le Bénin une de ses plus belles plumes.

Mes condoléances à sa famille et à sa corporation.

Maurice, je t’assure de mon admiration éternelle.

Repose en paix.

Frédéric Joël Aïvo

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