Bénin : Patrice Talon et la tentation irrépressible du pouvoir fort

Patrice Talon avait fait campagne sur la promesse d’équilibrer les pouvoirs des différentes institutions du pays, de sorte qu’aucune n’ait d’emprise sur l’autre. Ses déboires avec le pouvoir Yayi l’avait convaincu, croyait-on, de réduire la toute- puissance du pouvoir exécutif en faveur des autres pouvoirs. Mais mal nous en a pris !

Le projet de révision constitutionnelle rejeté par le parlement en ce jour béni du 4 avril 2017, a plutôt renforcé ce pouvoir exécutif, du moins dans deux dispositions pernicieuses, relatives l’une au statut pénal du chef de l’Etat et de ses ministres, et l’autre à la ratification des accords internationaux. Au terme de cette disposition en effet, le président ratifierait directement les accords et s’accorderait six bons mois avant d’en informer le parlement. Les séides de la rupture avaient tenté d’évacuer la question de la primauté du parlement dans le vote des lois, en prétextant que la ratification est toujours le fait du chef de l’Etat, banalisant ainsi le recours préalable aux représentants du peuple. Au fil du temps, les Béninois ont compris que ce président qu’ils ont élu le 06avril 2016, s’est mué en un vrai autocrate ombrageux qui ne supporte pas la contradiction. Les références réitérées au Rwanda de Kagamé, la pagaille et l’anarchie qui règneraient au Bénin, les allusions à peine voilées de ses proches tendant à faire croire que c’est sous un régime fort (d’autres ont parlé carrément de régime dictatorial), que les politiques de développement peuvent de se réaliser avec succès.

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Vassalisation tous azimuts

Toutefois, c’est après le rejet du projet de loi portant révision de la constitution que la politique dite de ‘’la rage et de la ruse’’, a révélé au grand jour les vraies intentions de l’élu du 6 avril 2016, et sa préférence pour un Etat fort. Sa conception de la démocratie et de l’Etat de droit fait froid dans le dos, et il l’a exprimé de façon explicite lors de sa rencontre avec les centrales syndicales : « Quand l’exécutif ou le parlement décide selon ses prérogatives et en fonction des pouvoirs que lui confère la constitution et le vote des électeurs, il faut jouer le jeu de la démocratie. Et quand on n’est pas d’accord avec ce qui se fait et qu’on estime que ce n’est pas une bonne manière de conduire le destin commun, il faut œuvrer à reprendre le pouvoir à ceux qui l’exercent, de manière non convenable selon celui qui l’apprécie ainsi ».

C’est le pouvoir législatif qui est tombé le premier dans l’escarcelle de l’Exécutif. Le ton avait été donné à la fin du show médiatique de la présentation du Pag, lorsque Talon s’était rapproché du président Houngbédji, pour lui chuchoter pour ainsi dire à l’oreille, qu’il souhaitait que les futurs projets de loi soient votés les ’’yeux fermés’’. Et ça n’a pas raté avec la cascade de propositions de loi importantes votées à la hussarde par le parlement. Ceux qui s’étaient offusqués de cette volonté manifeste de vassaliser le pouvoir législatif, ont pu constater la réalité des faits et personne n’a pu démentir les rumeurs véhiculées sur les réseaux sociaux, relatives au traitement spécial hors budget réservé aux députés dits du bloc de la majorité parlementaire. Pour la première fois depuis le Renouveau démocratique, hormis la présidence Nago pin-pan où l’opposition d’alors avait pu quelquefois donner de la voix, nous avons une assemblée totalement soumise à l’Exécutif, au point de voter les yeux fermés la loi de retrait du droit de grève, contraire à la loi fondamentale.

Par la suite, ce sont les collectivités locales qui ont reçu les assauts rageurs de l’exécutif fort. En un temps deux mouvements, le maire rebelle de Cotonou, après une interpellation expéditive du préfet est révoqué sans crier gare par le conseil des ministres. Plus de six mois après cette opération commando, on attend toujours la réaction du troisième pouvoir. Mais le temps ne joue pas en faveur du maire déchu, car à moins de deux ans des prochaines communales, on peut parier que le rouleau compresseur de cet Exécutif sourcilleux, fera tout pour retarder l’échéance d’une décision judiciaire favorable.

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Une hypothèse désormais plausible, lorsqu’on observe ce qui se passe dans la Maison Justice, où un juge peut se déporter en toute impunité, à quelques minutes du verdict d’un procès, impliquant opportunément le parti du Maire déchu. Où encore le procureur de la république qui cible les affaires et les personnes à poursuivre, en toute violation du code de procédure pénale. Où enfin, les décisions du juge constitutionnel sont violées au grand jour et sans aucun état d’âme, alors que le candidat Talon avait soutenu au cours du débat d’entre deux tours, que seuls les Etats voyous ne respectent pas les décisions de justice. Sommes-nous déjà dans un Etat voyou ?

Un énorme gâchis

Aujourd’hui, c’est le pouvoir syndical qui est dans le collimateur du monarque constitutionnel. En ce mois d’avril 2018, nous rentrons allègrement dans le troisième mois d’une grève interminable, qui aurait pu s’arrêter le jour où la cour Holo a sonné définitivement le glas de la loi scélérate sur le retrait du droit de grève, si ce n’était la décision arbitraire de défalcation sur les salaires du mois de février. Arbitraire parce que conformément aux textes adoptés par les deux parties, seule la Justice est habilitée à déterminer la légalité ou non d’une grève. Tout se passe comme si le pouvoir Talon voulait gagner sur le terrain de la gestion des grèves ce qu’il a perdu au parlement avec le rejet de la loi sur le retrait du droit de grève.

Ainsi, après plusieurs mois de grèves perlées dans les hôpitaux, près de deux mois dans les tribunaux et à moins de deux mois de la fin de l’année scolaire, les hôpitaux fonctionnent cahincaha, les tribunaux sont désertés quand les écoles restent désespérément vides, malgré les appels du pouvoir à la reprise des activités. Le pouvoir a tout essayé : monter les parents et les élèves contre les enseignants, diviser le monde syndical en faisant miroiter des avantages aux plus fragiles des grévistes… Aujourd’hui, c’est le pouvoir qui annonce dans ses journaux, le paiement intégral des salaires du mois de mars sans défalcation. Une vraie reculade ! Car, quand bien même la mesure ne concernerait que les enseignants du primaire et de la maternelle, le gouvernement finira par l’étendre à tous les ordres d’enseignement et au secteur réfractaire de la justice.

Et l’on aurait raison de parler rétrospectivement de ces deux mois de grève, comme d’un énorme gâchis du seul fait de l’ego d’un président, qui refuse obstinément de tirer leçon des expériences de ses prédécesseurs. Car le compétiteur né qui veut être porté en triomphe à la fin de son mandat, est obsédé par la volonté de dompter le monde syndical après avoir réduit au silence à coups d’espèces trébuchantes, les acteurs politiques et ceux des médias. Après les trois échecs cuisants que sont : le rejet des projets de loi portant révision constitutionnelle, de la proposition de loi sur le retrait du droit de grève aux travailleurs ; et la tentative infructueuse de déstabilisation de la Cour, le président Talon finira par comprendre que ce peuple a définitivement rejeté l’autocratie et toutes les formes de gestion patrimoniale et solitaire du pouvoir d’Etat

5 réponses

  1. Avatar de YAYELE
    YAYELE

    babylas Boton attention ni kpé wé

  2. Avatar de gombo
    gombo

    C’est une évidence que Talon ne comprend pas une vérité fondamentale :
    Dans une entreprises les salaries sont au service du patron qui les embauche
    Dans une république, les dirigeants, a commencer par le président sont au service du peuple qui l’a embauché pour un CDD !
    Talon a cru que le pouvoir présidentiel était le « dernier galon » manquant à ses fantasmes mégalomaniaques et ses délires de compétiteur !
    Il n’a jamais compris la notion d’adhésion , un ingrédient nécessaire a toute œuvre d’édification a l’échelle d’une nation!
    Il surestime ses piètres talents d’administrateur public en croyant savoir mieux que tous sur tous les sujets lors que sa compréhension des enjeux de la construction d’une nation, d’une économie prospère sont limites.
    Il n’a aucune idée du fonctionnement de la démocraties et des exigences de l’état de droit, s’imaginant que le fait d’avoir été élu – dans un contexte et un pays ou la sincérité du scrutin est plus que discutable- lui donne tous les droits de faire du pays ce qu’il veut dans son imaginaire, de le dépecer au profit de ses parents, amis , copains et coquins .
    Omnibule par un désir incontrôlable de reconnaissance (« je veux être porte en triomphe ») avant même d’avoir accompli quoique ce soit, il déclame le mot reforme a tous les instants sans rien changer dans la vie des citoyens, sans aucune amélioration de l’économie réelle ( si ce n’est la déstructurer), s’engage dans des actions d’éclat ( jardins inutilisables, fusion police-gendarmerie) dont le seul résultat est son autosatisfaction et la glorification de sa personne sous le masque de lutte contre le culte de la personnalité!
    Vivement que ce clan de pied nickelés et de bras casses dégage !

  3. Avatar de
    Anonyme

    Lorsque la cour constitutionnelle a donné son verdict, pourquoi la grève s’est poursuit? je pose la question à celui qui a écrit l’article.
    Les syndicats ont ils de ce fait respectée la décision de la cour? Pourquoi ici au Bénin nous pensons toujours que c’est le dirigeants qui fautifs et que les autres ne le sont pas? C’est un comportement qui menace dangereusement le développement du Bénin. Si un dirigeant fait mal il faut le lui dire, de la même manière si un fonctionnaire ou un autre citoyen fait des erreurs il faut le lui dire haut et fort en le dénonçant.

    1. Avatar de Ganster national
      Ganster national

      Pour vous repondre les travailleurs ont cesse leur greve apres la decision de la cour et l ont reprise apres defalcation sur salaire. CCa vous va maintenant.

  4. Avatar de ALLOMANN
    ALLOMANN

    Cet article manque tellement d’équilibre que l’on a du mal à émettre des commentaires, de peur d’être censuré…..

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