Patrice Talon, au cours de son interview accordée aux médias Français Rfi et Le Monde, a réitéré le constat de l’absence de compétences béninoises dans plusieurs secteurs d’activités. C’est au nom de cette carence que le chef de l’Etat dit recourir à la compétence extérieure, pour conduire et gérer certaines entreprises d’Etat, et des projets dans le cadre du Pag.
Une position du président de la République qui sonne comme des propos de désinvolture à l’endroit de l’intelligentsia béninoise. Ces propos semblent aussi cacher les mobiles réels de l’obstination du chef de l’Etat, à se tourner vers l’expérience extérieure.
On commençait à penser que les propos tenus par le chef de l’Etat béninois lors de sa visite en France en 2016, au côté de son homologue français d’alors François Hollande, n’étaient que de simples glissements langagiers. Personne n’avait compris cette démarcation du Président béninois, qui avait pris le contre-pied de son homologue français en déclarant que « le Bénin est comme un désert de compétence (voir ici) ». Tout le monde avait retenu de ce point de presse des deux chefs d’Etat, que le Président français a fait l’éloge de la compétence béninoise, pendant que Talon la vilipendait. Les propos du Président béninois avaient suscité colère et indignation sur l’ensemble du territoire. La colère était surtout venue des béninois de la diaspora, qui se sentaient ainsi dévalorisés par leur propre dirigeant, alors même qu’ils sont sollicités et adulés ailleurs. On pensait alors que les conseillers à la communication du chef de l’Etat avaient tiré des leçons de l’incidence malheureuse de ces propos, et qu’ils allaient s’atteler à les extirper de toutes autres communications du chef de l’Etat.
Malheureusement, les Béninois ont constaté à leurs dépens que le chef de l’Etat reste invariable sur ce point. Au cours de l’interview réalisée par les médias français et diffusées sur Tv5 et Rfi, le chef de l’Etat a en effet réitéré l’argument de l’absence de la compétence béninoise, justifiant le fait que la gestion de certaines entreprises d’Etat et des projets phares du gouvernement soit confiée aux entreprises étrangères. Le comble c’est que même des entreprises généralement considérées comme relevant de la souveraineté, sont passées aux mains des étrangers. C’est le cas du port de Cotonou, présenté comme le poumon de l’économie du pays et l’une des portes d’entrée du Bénin, confié à un prestataire belge. Il en est de même pour l’aéroport international de Cotonou, qui passe entre les mains d’une structure française ; la Sbee en mode gestion délégué avec les chinois etc.
Les raisons évoquées par le chef de l’Etat est qu’il manque de l’expertise béninoise pour gérer au mieux ces structures. Mais ces explications sont loin de convaincre les sachant et les membres de l’intelligentsia béninoise. Puisque de part le monde, l’expertise béninoise fait ses preuves et sur plusieurs domaines. Lionel Zinsou est un financier reconnu, et qui est utilisé par des gouvernements successifs en France. La juriste Alapini vient d’être installée comme juge à la Cour Pénale Internationale. Le général Fernand Amoussou reste un expert reconnu de l’Onu, sur les questions de paix et maintien de sécurité. On fera économie d’autres… médecins, architectes et ingénieurs béninois, qui sont sollicités de par le monde. Il est impensable que ce soit le Bénin qu’Emmanuel Mounier présentait dans les années 1960, comme « le quartier latin d’Afrique », qu’un chef de l’Etat actuel considère comme un océan d’incompétences. Des propos difficiles à avaler, quand on sait que la campagne électorale du président Talon a été l’œuvre des Béninois. Ce sont les stratèges béninois qui ont conduit cette campagne jusqu’à la victoire.
Tenir de tels propos dans un cadre scientifique, c’est présenter le répertoire des experts béninois sur tous les domaines à partir d’un recensement fait aussi bien au pays qu’à l’étranger. Pourtant, personne n’a eu vent d’un tel recensement. Sur la base de quels documents ou études se fondent les allégations du chef de l’Etat ? Certains analystes estiment pour leur part que ce réflexe du chef de l’Etat à solliciter de l’expertise étrangère en lieu et place des cadres compétents béninois, cache des objectifs inavoués que seul le temps permettra de comprendre. Parce qu’il est impossible de convaincre les Béninois qu’il n’existe aucun d’entre eux au pays ou dans la diaspora capable de diriger avec efficacité le port, l’aéroport, le Cnhu, la Sbee, la Soneb, le Cncb pour ne citer que ces entreprises-là. Pour preuve, la promesse de campagne du chef de l’Etat de nommer à des postes importants des personnes à la suite des appels à candidatures, n’a jamais été tenue. Il y a donc de la compétence au Bénin, aux détracteurs de prouver le contraire.
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