Alors que s’anime sur les réseaux sociaux et dans une certaine presse le débat sur la modification de la loi référendaire pour permettre l’organisation d’un référendum dans un délai très court, des voix s’élèvent pour s’opposer à la possibilité même d’organiser le référendum, après le vote intervenu au parlement.Reçu sur le plateau de l’émission ‘’Invité du jour’’ sur Soleil Fm, le lundi 09 juillet dernier, le professeur de droit public Moïse Lalèyè, livre sa lecture de la procédure de révision ou d’amendement de la constitution en République du Bénin. Sur celle d’amendement initiée par les députés de la majorité parlementaire, l’enseignant démontre qu’en respect strict des dispositions du règlement intérieur de l’Assemblée nationale et de la Constitution, qu’il cite, le processus devrait s’arrêter après ce 2ème vote au parlement le jeudi 5 juillet 2018 ; l’option du référendum n’est plus possible.
Professeur Moïse Lalèyè, vous êtes professeur de droit public. Quelle implication découle de ce vote -62 voix pour, 19 contre et 1 abstention-des députés à l’Assemblée nationale ce jeudi -6 juillet 2018 ndlr- sur la proposition d’amendement de la constitution du Bénin ?
Il n’y pas d’autre implication. C’est que la procédure a été suivie et le vote a sanctionné. Ça veut dire tout simplement que la voie parlementaire de la révision de la constitution a échoué.
Il s’impose l’unique option, celle du référendum.
Je ne suis pas du tout de cet avis.
Et pourquoi ?
Je dis, nous devons être toujours techniques et il faut toujours éviter ce que j’appelle le chauvinisme juridico politique. Que disent les dispositions du règlement intérieur de l’assemblée nationale ?
Que disent–ils ?
A la section 2 du chapitre 3, procédure spéciale, article 99, il est spécifié ceci : « Les projets et propositions de loi portant révision de la constitution sont examinés, discutés et votés dans les conditions fixées aux articles 154 et 155 de la constitution ». Ça veut dire que la procédure en matière de révision de constitution, que cette révision prenne le non d’amendement ou pas, voilà ce qu’impose la procédure qui est imposée par notre droit constitutionnel. Alors, allons visiter les articles 154 et 155 de la constitution. L’article 154 dit exactement ceci : « L’initiative de la révision de la constitution appartient concurremment au président de la République après décision prise en conseil des ministres et aux membres de l’Assemblée nationale. Pour être pris en considération, le projet ou la proposition de révision doit être voté à la majorité des ¾ des membres composant l’Assemblée ». Première étape.
La première étape franchie jeudi dernier.
L’étape a été franchie correctement ; le vote a été effectué et c’est là où nous allons revisiter l’article 155. Il dit exactement ceci, «La révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum, sauf si le projet ou la proposition en cause a été approuvé à la majorité des 4/5 des membres composant l’Assemblée nationale ».
Ce qui n’a pas été le cas.
Totalement ! Suivez bien. On dit bien que la révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum. Donc ça c’est la voie principale.
En principe toute révision devrait passer par référendum ?
C’est clair. Lorsqu’on a respecté, et ce n’est qu’une technique de droit, parallélisme des formes, notre constitution a été adoptée par référendum, en principe si on doit la réviser, elle doit aussi suivi le référendum parce que ne l’oublions pas, c’est le pacte social, c’est la convention que le peuple s’est dotée. Donc la voie principale, sinon la première voie, c’est celle du référendum.
Et désormais la voie qui s’impose, la conséquence du vote effectué jeudi dernier à l’Assemblée nationale, n’est-ce pas le référendum ?
On dit sauf si le projet de proposition en cause a été approuvé par la majorité des 4/5 des membres composant l’Assemblée nationale.
Ce qui n’a pas été le cas. Donc la voie parlementaire n’a pas prospéré.
Pas du tout ! C’est la voie parlementaire qui est partie jusqu’au bout. Après avoir exécuté les dispositions de l’article 154, il y avait deux choix. Le choix d’aller au référendum ou de prendre la voie parlementaire. Cette voie parlementaire exclut automatiquement le référendum dans la mesure où on dit sauf si. Ça veut dire que vous choisissez cette voie. Et ce n’est pas un hasard que l’on puisse mettre une majorité qualifiée jusqu’au 4/5. Donc nulle part il n’est dit que lorsque le vote de la voie parlementaire n’aurait pas reçu avis favorable, qu’il faille revenir maintenant au référendum.
Vous laissez entendre qu’après le vote de prise en considération du projet, il fallait marquer une pause pour faire un choix, soit continuer le reste du chemin par voie référendaire ou par voie parlementaire.
Ce n’est pas faire une pause. A partir de l’article 154, il faut exécuter l’article 155. L’article 155 dit de le faire approuver d’abord par voie référendaire, que c’est la voie référendaire qu’il faille prendre, la voie principale. On peut dire maintenant que l’autre est exceptionnelle. Ça, ce n’est pas un hasard.
N’est-ce pas la voie qui s’impose en cas d’échec de la voie parlementaire ?
Où-est-ce qu’on vous a dit, « en cas d’échec » ? Pourquoi voulez-vous inventer dans ce pays.
On n’a pas besoin de dire ça. N’est-ce pas une conséquence évidente ?
Quelle conséquence ? Vous allez réécrire encore la constitution ? La constitution vous a donné deux voies. Ce que nous disons n’est pas une invention béninoise. Les articles 154, 155 et 156, c’est d’inspiration de l’article 89 de la constitution française même modifiée en 2000, quand bien même nous ne sommes pas dans un système parlementaire. Est-ce que vous vous êtes posé la question pourquoi ce vote à la majorité qualifiée ? C’est la représentation, et on précise bien l’Assemblée nationale. Ça veut dire les mandataires du peuple. Lorsque vous avez réussi à voter au 4/5, cela suppose qu’il y a une expression réelle du peuple, on ne peut plus aller au référendum. Si vous appliquez les dispositions de l’article 155, cela exclut en même temps le référendum.
Est-ce que ce n’est pas parce que justement le consensus n’a pas pu être dégagé autour du projet à l’Assemblée nationale, les 4/5 n’ont pas pu être réunis, qu’il faille consulter plutôt le peuple ?
Où est-ce que c’est écrit qu’après le vote de 4/5, et qu’il n’y ait pas consensus, il faut retourner au peuple ? Je dis, ce vote est exclusif du référendum. Et c’est ça qui conforte la procédure de révision par voie législative. C’est deux voies, la voix législative et la voie référendaire ?
Oui mais quand est-ce qu’il faut alors démarquer les deux voies clairement ?
C’est dans le choix.
Dès le départ ?
Oui. Par exemple en France, c’est le président de la République qui décide, non nous n’irons pas à la voie référendaire mais que nous allons à la voie législative. Ce qui est certain, dans un cas comme dans l’autre, lorsqu’on vous dit, « vous prenez cette voie, et en cas de, vous prenez telle autre », lorsque vous avez utilisé cette voie, si les dispositions ne prévoient pas que, lorsque vous irez là-bas et que vous n’aurez pas les résultats escomptés, il faut revenir, parce que n’oubliez pas, les 4/5 c’est une expression du peuple à travers ses mandataires, c’est d’ailleurs pourquoi beaucoup de personnes disent que sur certaines questions fondamentales il faille se référer au peuple, les référendums signifient simplement, c’est les rares fois que le peuple intervient entre deux mandatures ; c’est la voie de la démocratie directe qui permet au peuple de se prononcer sur les questions et de ce point de vue, il faut discerner les révisions d’ordre technique qui consistent par exemple,à réviser pour appliquer les dispositions de l’Uemoa en créant une cour des compte . On n’a pas besoin de consulter le peuple, puisque nous sommes membre de l’Uemoa, ça a été ratifié, et nous savons que dans la hiérarchie des normes, un accord rentre dans notre droit interne a priorité, lorsque les formes sont respectées. Donc pour se conformer à une disposition communautaire on n’a pas besoin d’aller consulter le peuple, et c’est ça qui permet la loi législative. Par contre, quand on pose des questions aussi fondamentales que celles de la durée des mandats, normalement on doit consulter le peuple parce que je ne peux pas te donner mandat d’aller faire quatre ans et que tu te lèves pour modifier. Même si c’est dans mon intérêt, il faut que tu me consultes.
En fait, vous dénoncez le fait que ces quatre amendements soient mis ensemble.
C’est clair. C’est ça qui complique l’histoire de procédure. Sinon, si c’était juste mettre dans la constitution qu’il n’y a pas peine de mort, vous allez voir qu’ils vont voter massivement. Mais le revers de la médaille, c’est que nulle part, un mandataire ne peut avoir plus de pouvoir que le mandat. C’est une règle simple. Je dis et je le répète, l’application de ces dispositions ne permet pas qu’aujourd’hui si on n’a pas obtenu l’approbation par la voie parlementaire qu’il faille recourir à la voie référendaire.
Est-ce que ce que vous dites ne reste pas toujours discutable lorsqu’on sait que d’une procédure à une autre, on commence d’abord par la voie parlementaire ?
C’est normal. Nous sommes dans un régime de démocratie représentative. C’est ça la fonction parlementaire. C’est pourquoi on dit prise en considération. Ça veut dire, nous voulons toucher à notre convention mais aujourd’hui, entre deux échéances, c’est nos représentants qui doivent réfléchir à cela et travailler à cela. C’est pourquoi on leur dit, allez-y, prenez votre temps et sortez nous quelque chose. Mais quand vous finissez, il faut nous consulter, si je veux caricaturer. Maintenant, nous vous donnons aussi la possibilité pour dire que si franchement vous êtes tellement soudés, allez en notre nom. Sinon, où est-ce que c’est écrit que lorsque la voie législative n’a pas prospéré qu’il faille recourir maintenant à la voie référendaire ?
Donc il n’y pas de référendum, le projet devrait s’arrêter là.
En tout cas, c’est bien écrit que la révision n’est acquise qu’après avoir été approuvée par référendum sauf si le projet ou la proposition en cause… Donc à partir de ce moment, c’est deux voies, vous choisissez une voie. Voulez-vous me dire maintenant si par exemple ça n’a pas été approuvé par voie référendaire, il y a possibilité maintenant d’aller suivre la voie législative ?
Non, tout s’arrête là.
Pourquoi maintenant on a choisi la voie législative et vous dites que ça ne va pas s’arrêter.
Réalisation : Virgile Ahouansè de Soleil Fm
Transcription pour la Nouvelle Tribune : Blaise Ahouansè
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